PARIS (France) - Le général congolais Norbert Dabira a été mis en examen (inculpé) jeudi à Paris pour crimes contre l’humanité dans l’enquête sur l’affaire des disparus du Beach de Brazzaville il y a 14 ans, a-t-on appris de source judiciaire.

Dans cette enquête, ouverte en France en 2002, les juges d’instruction tentent d’éclaircir les circonstances de la disparition en 1999 de 350 Congolais au Beach, principal port de Brazzaville sur le fleuve Congo.

Les disparus revenaient du Congo-Kinshasa voisin où ils s’étaient réfugiés en raison des combats entre factions dans Brazzaville.

Ancien inspecteur général de l’armée congolaise, M. Dabira, 64 ans, est depuis octobre 2012 haut-commissaire à la réinsertion des ex-combattants, avec rang de ministre délégué.

Jusqu’alors témoin assisté dans l’enquête française, M. Dabira a été interpellé jeudi à Torcy, près de Paris, et présenté dans la foulée aux magistrats instructeurs du pôle crimes contre l’humanité du Tribunal de grande instance de Paris.

Ces derniers l’ont mis en examen pour crimes contre l’humanité - en l’occurrence la pratique massive et systématique d’enlèvements, de disparitions et d’actes de torture - puis l’ont placé sous contrôle judiciaire.

Contacté par l’AFP, le général Dabira s’est dit totalement innocent, tout en assurant que son contrôle judiciaire ne lui interdisait pas de quitter le territoire français.

Estimant qu’aucun élément nouveau ne justifiait une telle mise en examen, son avocate, Me Caty Richard, a annoncé à l’AFP son intention de la contester devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel.

Mon client a été jugé et acquitté des faits qui lui sont reprochés lors d’un procès exemplaire au Congo, a-t-elle dit. Il ne faudrait pas que la justice française soit instrumentalisée par les opposants politiques à Brazzaville.

M. Dabira faisait en 2005 partie des 15 accusés - en majorité des haut gradés de l’armée et de la police congolaises - acquittés par la Cour criminelle de Brazzaville dans cette affaire.

En France, l’enquête, initialement conduite à Meaux, en région parisienne, avait été annulée par la cour d’appel de Paris en novembre 2004.

Mais son arrêt avait été cassé en 2007 par la Cour de cassation, plus haute juridiction judiciaire française, une décision alors qualifiée de provocation par le président congolais Denis Sassou Nguesso.

En 2008, la Cour de cassation avait signé la fin des poursuites dans ce dossier contre le chef de la police congolaise, Jean-François Ndengue. Mais elle avait alors validé les poursuites visant Norbert Dabira, permettant aux enquêteurs de continuer leur travail.

Réfugiés en République démocratique du Congo (RDC) voisine après avoir fui la guerre civile, 350 Congolais avaient été portés disparus en 1999 lors de leur retour à Brazzaville, où ils avaient accosté au Beach, principal débarcadère de la ville sur le fleuve Congo.

Selon des ONG, à leur arrivée, ils avaient été arrêtés par des agents publics pour interrogatoire.

Benjamin Toungamani, président de la Plateforme congolaise contre la corruption et l’impunité, a vu dans l’arrestation du général Dabira un message (au président congolais Denis) Sassou Nguesso pour lui dire que certains crimes sont imprescriptibles.

Cette arrestation est une condamnation sévère pour tous les dictateurs africains qui pensent qu’ils peuvent tuer dans l’impunité, voler dans l’impunité et qui pensent qu’ils seront protégés par les gouvernements occidentaux, a-t-il dit à l’AFP.

Aujourd’hui, demain et après-demain, le sang des innocents qui sont morts va réclamer justice, a-t-il poursuivi.

La justice française avait pu être saisie au nom du principe de compétence universelle, lui permettant d’enquêter sur des faits survenus à l’étranger lorsque l’un des mis en cause se trouve en France au moment de l’ouverture de l’enquête. Or le général Dabira disposait d’une maison de campagne non loin de Paris.