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Santé au Congo, 70% de taux d’insatisfaction selon le Directeur Général de la Santé
Le cas Pointe-Noire

10 janvier 2006

par Daniel Lobé Diboto

L’Union Européenne va injecter près de 10 milliards de francs CFA dans les structures sanitaires périphériques (Circonscriptions Socio Sanitaires) pour tenter de combler une partie du déficit de santé du pays.



La dégradation croissante de la carte sanitaire congolaise a atteint son paroxysme durant les guerres récurrentes que le pays a essuyées. Au sortir de cette période tumultueuse le rapport national sur le développement humain 2002, réalisé par le PNUD (Programme de Nations Unies pour le Développement), dégage un constat aride. L’urgence est la mise en place d’un programme national de développement sanitaire (PNDS) à moyen et à long terme amorcé par le 7ème FED (Fond Européen de Développement). Le cadre de cette mission est la construction d’un filet socio sanitaire aux fins d’endiguer la paupérisation croissante des congolais mise en relief par la destruction du tissu économique et des structures de santé. C’est donc à dessein que les centres de santé intégrés, à travers les circonscriptions socio sanitaires, actuellement appelés districts sanitaires, tentent de répondre aux attentes des personnes privées d’accès aux soins.

Si ce projet n’a rien d’avant-gardiste, il n’en demeure pas moins que les structures existant avant les troubles que le pays a subi ont disparu durant cette période. Il est donc indispensable de restaurer un système qui a fait ses preuves et qui permet aux plus démunis de bénéficier d’un minimum de soins médicaux. Actuellement, pour exemple, le CSI (Centre de Santé Intégré) de Mpaka 2, dit du 15 août 97, en périphérie de la ville de Pointe-Noire doit assurer les soins d’une population de 24 300 habitants dont une population cible de 81 enfants.

Le 9ème FED, en cours, vient aujourd’hui aider à la mise en place de structures de proximité à hauteur de 10 milliards de francs CFA environ, entièrement financés par l’Union Européenne, à travers le porjet PASCOB (Programme d’Appui Sanitaire du COngo Brazzaville) au long de la période 2006 - 2010.

Après Brazzaville, où deux districts sanitaires ont été implantés, respectivement à l’Hôpital de Base de Talangaï et à Makélékélé, la caravane PASCOB à marqué un arrêt à Owando dans la Cuvette Est et à Kinkala dans le Pool. On peut constater que le choix de l’UE vise des secteurs équilibrant les actions gouvernementales plus volontiers orientées vers des secteurs lui étant politiquement plus favorables.

Dr S.A. Mabiala assistant technique national

Le Kouilou a été mis à l’honneur le 30 novembre 2005, à hôpital de base de Tié-Tié, dans la troisième circonscription socio sanitaire, qui compte 9 aires de santé périphériques sous la direction du Dr Mahounga. Le prologue de l’action du PASCOB à Pointe-Noire à été l’intronisation du Dr Loussambou Serge Antoine en qualité d’assistant technique national au Kouilou. Le Dr Loussambou est le lauréat d’un appel national à candidature. Pour l’Union Européenne, le Dr Paul Hubert, chef de mission PROGECO, chargé de la réalisation du projet PASCOB, et Mr Van Den Breede, économiste de la santé, chargé de la composante mutuelle de santé, témoignent de l’intérêt porté par l’Union Européenne dans l’application des accords FED-Congo/Brazzaville. Pour le Congo, le briefing du Directeur Général de la Santé Dr Bouzoungou et la présence du responsable national du projet PASCOB, le Dr Ibouanga Antoine, marquent le sérieux de cette intronisation.

Le lendemain la délégation du FED a fait l’état des lieux de l’hôpital de base de Tié-Tié. Ses conclusions sont claires et sans appel, les besoins de la structure sont impérieuses :
  Le bloc opératoire doit être réhabilité
  Les besoins en équipement sont évidents
  Les conditions de travail sont déplorables
  Le plateau technique est obsolète
  Le laboratoire manque de l’instrumentation indispensable

Le Dr Paul Hubert envisage un planning de travaux

Dr P. Huber, DLD et le Dr Mahoungou à l’hôpital de Tié-Tié

s’étalant sur 15 mois au cours duquel les cibles suivantes devront être atteintes :
  Réhabilitation sur appel d’offres
  Construction de nouveaux pavillons
  Fourniture d’équipements et de produits génériques
  Branchement à Internet en vue de l’atteinte des objectifs IEC (Information, Education, Communication) sur plusieurs pathologies, notamment VIH-SIDA et autres affections sexuellement transmissibles.
  Recyclage du personnel

Par ailleurs Mr Van Den Breede, a stigmatisé les errements sanitaires au Congo, automédications, achat de produits frelatées, tradi pratiques auprès de charlatans ou d’églises de réveil... Une évolution est envisageable par l’intermédiaire de mutuelles de santé. Le pays regorge de nids de mutualistes dans les associations civiles, syndicales, confessionnelles... Les campagnes de sensibilisation et de mobilisation pourront porter leurs premiers résultats en 2007.

Le PASCOB ne serait-il pas construit sur des sables mouvants

L’éventail des prestations offertes par les structures sanitaires périphériques est limité. Les cas particuliers ou délicats provenant des CSS (Circonscriptions Socio Sanitaires) doivent être transférés sur les hôpitaux de référence, comme les hôpitaux A. Cissé ou Loandjili à Pointe-Noire ou le CHU de Brazzaville, hélas ces structures, en marge de la promotion FED, sensées prendre en charge les malades provenant des CSS manquent de l’élémentaire.

Panorama de l’Hôpital de Référence Adolphe Cissé

L’eau

En 1999, l’indicateur de pauvreté humaine (IPH-1/PNUD) donnait 53,7% de la population congolaise était privée de l’accès à l’eau potable. La donne s’est d’évidence empirée à ce jour en raison de l’expansion anarchique des tissus urbains et des dégradations issues des conflits.

De source sûre, l’hôpital A.Cissé est en manque récurent d’eau courante. Imaginez une structure hospitalière de 600 lits privée d’eau potable, pourtant le pays possède un dense réseau hydrographique et une nappe phréatique fossile d’excellente qualité à moins de 300 mètres de profondeur (70 m à Pointe-Noire). Comment s’expliquer que parmi les 44 milliards officiellement dilapidés pour la somptueuse municipalisation du 44eme anniversaire de l’indépendance au Kouilou, on n’ait pas pu dégager une enveloppe de quelques 30 ou 40 millions pour doter cet hôpital de son propre forage ?

L’énergie

Le Dr Kala directeur de cette structure s’est vu contraint de s’humilier en passant un communiqué sur les télévisions locales afin de mendier auprès des opérateurs économiques un peu de gazole pour faire tourner la centrale énergétique de l’hôpital.

Un important lot de matériel médical provenant de l’hôpital de la Timone à Marseille et du Groupe hospitalier du Havre s’est vu mis hors d’usage en raison de variations de tension électrique car non protégés par des régulateurs de courant.

L’équipement

Le Dr Amédée Dombi Mabiala, chef du service d’urgence

Dr A. Dombi-Mabiala de l’hôpital A. Cissé

lance un cri d’alarme en nous expliquant que son service n’effectue qu’un simple tri des malades, les orientant dans les différents services de l’hôpital en raison du manque total de matériel et de moyens. Ni oxygène, ni laryngoscope sans lesquels un service d’urgence est incapable d’assurer son rôle.

La délinquance

De nombreux enlèvements de nourrissons ont eu lieu par le passé dans l’enceinte de l’hôpital. La mise en place d’un gardiennage efficace et l’interdiction de la divagation sauvage et dangereuse des taxis et des véhicules privés dans les allées de l’hôpital ont mis un terme à ces faits criminels. Autres formes de délinquance, la vente de produits médicaux, souvent contrefaits, par du personnel mal intentionné et la pratique des pots de vin pour éviter les queues à cessé suite à la mise en place d’un nouveau système d’accueil auquel les habitués de la pagaille antérieure ont quelque mal à se faire mais qui fait preuve de son efficacité.

Les perspectives

Le Dr Kala impulse une nouvelle dynamique à l’hôpital, par le recyclage du personnel qualifié, l’acquisition de matériel et surtout en gérant la structure comme une entreprise. En très peu de temps les recettes sont passées de quelques centaines de milliers de francs journaliers à plus de deux millions, permettant d’envisager de l’investissement à brève échéance.

L’Hôpital de Référence de Loanjili

Aux fins de redorer l’image du pouvoir auprès de l’opinion publique qui lui faisait reproche de ne pas s’occuper des problèmes de santé, le pouvoir de Brazzaville à mis en œuvre en 2002 la construction de l’Hôpital de Référence de Loandjili. Cette structure était sensée rehausser et désengorger l’unité de soins héritée de la colonie : l’Hôpital de Référence Adolphe Cissé.

Le 29 décembre 2005, le Dr Firmin Bossali, chef de service de gastro-entérologie et médecine interne, directeur des affaires médicales, édifie le lectorat de Congopage sur le plateau technique et les problèmes extra fonctionnels de l’Hôpital de Loandjili.

206 lits, un indicateur hospitalier trimestriel (Avril, mai, juin 2005) de 631 malades, un taux d’occupation moyen variant entre 22 et 26 % et un séjour moyen de 5 jours. Voilà la vue synoptique de la capacité d’accueil et du mouvement des malades dans les 12 services médico-techniques animé par 43 médecins dont 7 prestataires.

En revanche il manque 9 services à l’Hôpital de Loandjili pour répondre aux critères d’un CHU (Centre Hospitalier Universitaire).

Le plateau technique :

Si l’impression générale est plutôt flatteuse, et permet de répondre aux 2/3 des des besoins des services, il est nécessaire de compléter ce plateau, notamment en :
  Radiologie : Scanner, table télécommandée, mammographie...
  Gastro-entérologie : endoscopie...
  Réanimation : lits adaptés, appareillage...
  Chirurgie : boites chirurgicales, service de réanimation chirurgicale...
  Pédiatrie : soins intensif pédiatriques, néonatologie...
  Gynécologie obstétrique : lits adaptés, tables de réanimation néonatales...
  Urgences : circuits de fluides médicaux, matériel d’urgence, ambulances médicalisées...
  Ophtalmologie : manque d’équipement moderne...
  Stomatologie : radiographie panoramique, laboratoire de prothésisme...
  ORL : chambre acoustique, endoscopie...
  Service de bio maintenance : manque patent de personnel...
  Médecine du travail : manque de spécialistes...
  Laboratoires : sur 6 unités 2 sont en manque d’équipement...

On peut donc comprendre que les nantis, s’envolent pour aller se faire soigner dans des pays mieux dotés en structures de soins, laissant au peuple congolais le service minimal offert, les besoins de ce plateau technique présenté comme le « bijou de la santé » en témoigne.

Au delà de ces manques technico-médicaux s’ajoutent des problèmes structurels, énergétiques, d’adduction d’eau et d’épuration des effluents. Pourtant la structure dispose de son forage, d’une station d’épuration d’eau, mais faute d’une mission d’expertise susceptible de connecter et de garantir la qualité de l’eau, ce dispositif demeure inopérant. Les eaux usées déversées dans l’environnement sont donc polluées et véhiculent des effluents pathogènes. La chaîne de responsabilités est complexe, elle revient en premier lieu à l’Etat, qui décide la mise en service d’une structure hospitalière incomplète et dangereuse, aux services ministériels qui entérinent, à la direction de l’hôpital qui accepte de travailler dans des conditions non satisfaisantes, à la mairie de Pointe-Noire qui ne se substitue pas aux services ad hoc, carentiels, pour assurer la santé de la population.

S’il semble absurde de nier l’utilité de la construction de l’Hôpital de Loandjili, à l’analyse on voit que sa mise en service relève de l’inconscience la plus flagrante. La structure est probablement à ce jour plus dangereuse qu’utile. Un audit de l’OMS entraînerait très probablement sa fermeture dans l’attente de sa mise en conformité. Pourquoi les raisons politiques prennent elles une fois de plus le pas sur les besoins en santé des populations ?

Daniel Lobé Diboto