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Après l’interview du ministre Jean-Claude Gakosso à La Semaine Africaine : « Un foutu monde pour un blanchisseur trop honnête » ?

« Un foutu monde pour un blanchisseur trop honnête  » chef-d’œuvre de la littérature congolaise.

Voici ce que dit la fiche de lecture du roman de Sylvain Mbemba : « Un foutu monde pour un blanchisseur trop honnête nous introduit dans l’univers du petit peuple qui ne s’embarrasse pas de syntaxe ou de philologie. Le lecteur découvrira (... ) le charme et la saveur du langage des boys et autres, moisson de l’assaut donné à la langue du maître lors de la colonisation. »

Dans son édition du vendredi 2 février 2018, le bihebdomadaire d’information et d’action sociale, La Semaine Africaine, qui parait au Congo Brazzaville, a, entre autres, publié une interview du ministre des Affaires étrangères, de la Coopération et des Congolais de l’étranger, Jean-Claude Gakosso.

Dans cet entretien avec le directeur de publication de ce journal, Albert Mianzoukouta, Jean Claude Gakosso lance le concept de « la diplomatie de proximité » et manifeste sa volonté ou celle du gouvernement dans lequel il fait partie, d’impliquer toute la diaspora congolaise dans la bataille pour le développement du pays : «  La solidarité de la République se manifeste également à l’égard de ceux de nos compatriotes qui ont volontairement choisi une seconde patrie, mais dont le cœur continue de battre pour le Congo. Le Département des Congolais de l’Etranger, mis récemment en place par le Président de la République, a précisément vocation à faire du Ministère des Affaires étrangères la porte d’entrée pour tous ceux parmi eux qui veulent contribuer au processus de développement national ou exercer leurs droits civiques inaliénables tout en résidant à l’étranger  », a-t-il déclaré.

Qui est le ministre Gakosso ?

Nous ne connaissons l’homme, c’est-à-dire le ministre, qu’à travers la presse, les commentaires ou les témoignages que font ses nombreux anciens étudiants à l’Université Marien Ngouabi, ses petites visites de courtoisie à La Semaine Africaine où nous avions travaillé pendant dix bonnes années et ses activités politiques.

Jean-Claude Gakosso (le nom sans la nasale N) serait-il trop honnête au milieux de crapules ? Serait-il un locuteur qui utilise des lexèmes piratés dans un lexique de convivialité faute d’emprise sur la dure réalité des relations internationales ? Réputé excellent littéraire, ne le taxons pas d’aliénation culturelle et sémiotique pour avoir fait sauter le N de son nom de famille Ngakosso. Passons.

« Diplomatie de proximité » et « Solidarité avec la diaspora »

Voilà deux concepts qui ont retenu notre attention dans cette interview et sur lesquels nous voulons réagir.

Néanmoins, nous sommes convaincu que l’homme peut être à la hauteur de ses deux projets si on lui donne les moyens. Puisque tous ceux qui le connaissent parlent d’un homme très ambitieux, honnête et rigoureux qui a encore ses mains propres en politique. Bien qu’une certaine opinion lui reproche la violence verbale avec laquelle il aurait chassé comme une sale mouche l’artiste musicien, Rapha Boundzeki dans son ministère. Alors qu’il était ministre de la Culture et des Arts. Pourtant ce dernier était allé le voir juste pour solliciter ses services dans une affaire de paiement de ses droits d’auteur qui l’opposait avec le Bureau congolais des droits d’auteur.

Mais pour les fans de Rapha, ce serait cette humiliation mal digérée qui serait la cause principale de l’accident vasculaire cérébral qui a conduit leur idole à la mort.

« Diplomatie de proximité » pour jeter l’huile au feu ?

Monsieur le ministre, votre concept de la « Diplomatie de proximité  » nous parait difficile à comprendre pour l’heure. Pour la simple raison, il ne semble être traduit sur le terrain que par cette solidarité que l’on constate entre les chefs d’Etat de la sous-région de l’Afrique centrale ou celle des Pays des grands lacs qui ont pour dénominateur commun le tripatouillage des constitutions, la gouvernance par la terreur, bref la dictature.

Pour preuve, tous ces chefs d’Etat se soutiennent pour se maintenir au pouvoir. Alors que leurs peuples respectifs clament la démocratie ou le respect des constitutions.
Sauver donc toutes ces dictatures à travers votre « diplomatie de proximité  » ne serait que jeter l’huile au feu, et non l’éteindre. Car, les populations de tous ces pays sont fatiguées de subir toutes ces dictatures. Elles sont déterminées à les balayer toutes.

Diplomatie de proximité ou solidarité entre dictateurs ?

Le Congo Brazzaville ne continue-t-il pas à soutenir financièrement le régime dictatorial du président burundais, Pierre Nkurunziza ?

N’a-t-on pas vu des mercenaires étrangers, notamment burundais, ougandais, tchadiens et rwandais dans la guerre du Pool pour combattre aux côtés des Forces armées congolaises contre les Nsilulus, la milice de Frédéric Binsamou alias Ntumi ?
N’apprend on pas dans les réseaux sociaux que des éléments des Forces armées congolaises, seraient envoyés au Congo démocratique pour aller sauver le régime dictatorial de Joseph Kabila ?

Même lorsque vous rappelez, dans votre interview, la sagesse des anciens qui dit que « Quand la maison du voisin brûle, il ne faut pas se contenter de regarder les flammes. Il faut promptement apporter de l’eau pour éteindre le feu...avant qu’il n’embrase votre propre maison. »

Les Congolais avec eux une bonne partie de l’opinion internationale interprètent cela différemment. Et, les commentaires qui se font ne sont pas à votre faveur ou ne facilitent pas non plus la bonne compréhension de la « Diplomatie de proximité ».
En effet, cette opinion pense que votre « Diplomatie de proximité » ne serait qu’un paravent pour protéger les régimes dictatoriaux contre cet ouragan qui souffle déjà dans les pays des grands lacs.

Pour cette même opinion «  apporter promptement de l’eau pour éteindre le feu… » est effectivement compris par étouffer ou faire échouer toute les luttes de libération des pays et des peuples qui sont menées dans les pays des grands lacs, pour sauver les dictatures. Cette phrase traduit plus la solidarité des présidents dictateurs, qu’une réelle volonté de sauver la démocratie dans ces pays ou de libérer les peuples qui ploient sous des dictatures.

Solidarité avec la diaspora

Oui ! On ne devait pas fermer la porte aux Congolais qui vivent à l’étranger. Et, cette ouverture à laquelle vous faites allusion dans votre interview, Monsieur le ministre, ne devrait pas seulement concerner le développement, mais aussi toutes les questions liées à la vie nationale.

Vos collègues du gouvernement, Pierre Mabiala, ministre de la justice, et Thierry Lezun Moungalla, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, ne devaient donc pas être enragés devant les interventions, dans la presse internationale, d’Alain Mambackou, écrivain français d’origine congolaise, sur les questions de démocratie, de bonne gouvernance ou des droits de l’homme au Congo.

Car d’après votre théorie sur la solidarité avec la diaspora, il est donc normal que ce jeune écrivain même s’il partage sa vie entre la France et les Etats-Unis et ne « paye pas ses impôts au Congo  », se prononce sur la situation d’un pays dont son «  cœur continue de battre ».

Aussi, faut-il vous féliciter pour cette initiative parce que cette théorie a déjà porté des bons fruits là où elle est déjà expérimentée.

Les bons témoignages peuvent venir de nos frères ouest-africains qui sont à l’étranger, pour ne pas parler seulement de ceux qui sont au Congo, qui jouent un grand rôle dans le développement de leurs pays respectifs.

On apprend qu’ils se sont organisés autour des associations de compatriotes. Et, c’est surtout dans le développement ou la réalisation des projets des collectivités locales qu’ils investissent plus, chaque année. Il y aurait aussi les Libanais qui se seraient organisés ainsi.

Mais, il n’y a pas que les diasporas qui soutiennent le développement de leurs pays. Ces pays soutiennent aussi leurs diasporas.

Derrière certains « Grands noms » ouest-africains ou libanais, se cachent les investissements de leurs pays. Leurs Etats placent beaucoup de fonds dans beaucoup d’institutions financières internationales. Et, c’est avec ces fonds qui paraissent comme des fonds de garantie que les Libanais, par exemple, obtiennent facilement des crédits dans beaucoup de banques, même en étant à l’étranger. Ils s’organisent autour des lobbies qui les gèrent et se présentent comme des avaliseurs dans les demandes de crédits. Ce qui donne aussi la possibilité à leur Etat, le Liban, d’investir, à travers ces lobbies, dans plusieurs pays.

Partant de cette expérience, nous pensons que les milliards avec lesquels Denis Sassou Nguesso a matérialisé votre théorie de proximité ou de solidarité avec d’autres pays, en leur prêtant beaucoup d’argent : 100 milliards de francs Cfa à la Côte d’Ivoire, 50 milliards de francs Cfa au Niger, 50 milliards de francs Cfa à la Guinée, 50 milliards de francs Cfa à la Beac, et 25 milliards de francs Cfa à la République centrafricaine, allaient générer des profits si par exemple ils avaient servi à la création de ce fonds placé dans des institutions financières internationales pour aider, sous forme de crédit, les diasporas à l’image de ces organisations des libanaises et ouest-africaines.

Somme toute, nous vous encourageons pour la mise en place de votre politique sur la solidarité avec la diaspora ; mais nous restons très pessimiste sur celle de la « diplomatie de proximité ». En vérité telle qu’elle est menée sur le terrain, elle ne crée ou ne renforce que la solidarité entre des présidents dictateurs africains qui veulent s’éterniser au pouvoir, au lieu d’être un instrument de développement et d’intégration des pays et des peuples.

Aussi, craignons nous que le monde politique dans lequel vous vivez et la real politique qui obéit à ses intérêts, nous pousse à paraphraser l’écrivain congolais, Sylvain Bemba, lorsqu’il parle d’« un foutu monde pour un blanchisseur trop honnête »

Serge Armand Zanzala, journaliste et écrivain

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