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Sociologie rurale

Après le décès de Jean-Paul Matsima, message de S. A. Zanzala : Pleurons, portons le deuil ; mais ne nous disons pas orphelins à jamais !

Les Pays de Mpangala qui regroupent les sous-préfectures de Mayama, Kindamba, Vindza et Kimba sont en deuil. Ils ont, en effet, perdu leur digne fils, Jean-Paul Matsima, patron de l’entreprise ECGM-Labo (Entreprise de construction générale Matsima) et ancien député de la circonscription unique de Vindza de 2007 à 2012.

Il est décédé, à Brazzaville, le 4 avril dernier et a été inhumé le même jour, au cimetière privé La Grâce, devant ses fils Albon, Lydie, Bienvenue et le député Kimbembé Matsima. Les circonstances du temps, la pandémie du Coronavirus, obligent !

Jean-Paul Matsima, comme l’atteste la kyrielle des noms qui lui était donnée, était un homme insaisissable. Son amour envers les autres et son terroir « les Pays de Mpangala », mais aussi son patriotisme ont fait la grandeur de son esprit.

Il était un personnage que l’on ne pouvait plus identifier rien qu’à partir de son nom et son prénom, ceux de son père (Ta Bitsamou) et sa mère (Ma Ngongo) ou encore sa date et son lieu de naissance, pour le renfermer dans un village ou un département du Congo. Jean-Paul Matsima était un Congolais !

Ya Tsima comme l’appelaient les moins âgés, ou Ma Tsima, pour ceux qui le prenaient pour un oncle maternel, et Tata Matsima pour nous qui l’appelons oncle paternel ou encore Mwana Mama, pour ceux de sa génération, était identifié à partir de sa personnalité (kimuntu). Une personnalité qui pourtant était insaisissable.

Par exemple, il pouvait être en colère ; mais continuait à semer la joie autour de lui. Il pouvait vous donner l’impression de vous refuser une aide ou une assistance ; mais à la sortie de son bureau ou de son domicile, vous avez le sourire parce que la surprise a été grande. Parfois, le double de ce que vous lui avez demandé.

Entrepreneur, il a construit et réhabilité beaucoup d’infrastructures publiques (écoles, dispensaires et hôpitaux). En 2012, l’Etat congolais lui devait 33 milliards de Francs Cfa pour tous les chantiers publics préfinancés avec ses propres moyens. Député, il avait mis le Congo en avant et prônait toujours l’unité nationale et la réconciliation des Congolais, surtout après la longue guerre de 1997 qui avait dévasté le département du Pool et au cours de laquelle il avait perdu beaucoup de biens meubles (camions et engins du génie civil) et immeubles.

« Tichiki tsia ngoma ka ti diaminakako mu ngoma ! »

« Tichiki tsia ngoma ka ti diaminakako mu ngoma », une expression lari qui peut être comprise par le batteur de tam-tam ne part au pays des ancêtres dans la gloire. Parce que le village n’a plus un batteur de tam-tam. La veillée et son enterrement ont eu lieu dans le désarroi, sans aucune animation musicale. Les cordonniers sont les mal chaussés.

Effectivement, l’expression se confirme avec la réalité. Jean-Paul Matsima était un homme de cœur. Il aidait les familles à enterrer leurs morts. D’ailleurs, il voulait que toutes les personnes âgées qui sont originaires de Vindza soient enterrées dans le terroir. Comme s’il voulait les obliger à aller continuer la vie dans leurs villages respectifs, en communion avec tous les ancêtres et les bâtisseurs de cette localité. Et, pour cela, il donnait les moyens de transport aux familles éprouvées.

Pourtant, lui-même a été enterré à la hâte, quelques heures seulement après sa mort, sans veillée mortuaire, sans un culte religieux, sans un recueillement de la part de sa famille, ses nombreuses connaissances, et ses amis entrepreneurs. Seuls quatre de ses enfants ont été présents à l’enterrement. Il a été inhumé loin de son village, alors que son souhait le plus ardent était d’être enterré à Mounoko, à côté de son oncle maternel, Ta Kimbembé. Et, il me montrait le lieu, chaque fois que nous étions à Mounoko.

Mais, l’analyse de l’expression Beto Bala Ba Nsana, nous pousse aussi à lancer un message aux populations des Pays de Mpangala qui aujourd’hui, pleurent jusqu’à devenir inconsolables, porteront le deuil, et se diront être des orphelins à jamais. « Bala ba Nsana. » Comme aiment le dire les populations du département du Pool, après la disparition d’André Grenard Matsoua malgré le fait qu’après Matsoua, elles ont eu deux fils, Fulbert Youlou et Alphonse Massamba-Débat, qui ont bien dirigé le Congo.

Pleurons, portons le deuil ; mais…

Pleurons, portons le deuil de Tata Matsima ; mais ne nous disons pas orphelins à jamais ! Car, cette expression ne donne pas le courage de se relever et de continuer la vie. Elle pousse à rester sur place et à pleurnicher à longueur des journées, durant des semaines, des mois et des années.

D’ailleurs, elle ne colle pas à la réalité et n’obéit pas à nos coutumes et traditions qui veulent que l’enfant qui perd son père ou sa mère ne soit pas orphelin à jamais. Il est vite adopté par tout le village. Tous les hommes deviennent ses pères, et toutes les femmes, ses mamans. Mais, aussi parce qu’elle vous met dans un esprit de rébellion. On ne reconnait pas tous les autres hommes du village comme étant des pères. On ne veut pas reconnaitre toutes les autres femmes du village comme étant des mères. Or, après la mort de son père géniteur, la mère, après le veuvage, peut aussi se remarier, et le nouveau mari de sa mère a le droit d’être appelé père. Il en est de même pour le père qui peut aussi se remarier après de le décès de son épouse.

Le comportement de se dire orphelin à jamais, est très dangereux. Il a déjà produit des conséquences très néfastes dans notre département. Il a fait des fils du Pool des rebelles à tous les régimes politiques. Ils sont orphelins après la disparition de Matsoua, et ne veulent pas reconnaitre Fulbert Youlou ; Ils sont orphelins après la mort de Fulbert Youlou, et ne veulent pas reconnaitre son successeur, Alphonse Massamba-Débat. Ils se sont rebellés, certains, contre André Milongo, et d’autres contre Bernard Kolelas, et les ont poussés à se haïr jusqu’à ce que ces deux fils du Pool ratent de créer l’unité autour d’eux. Ils ont demeuré des frères ennemis jusqu’à la fin de leur vie. Orphelins à jamais, les fils du Pool n’entendent pas reconnaitre tous les autres présidents du Congo qui ne sont pas originaires de leur département. C’est très dangereux dans la construction de la Nation et du Peuple congolais. Les populations de Pays de Mpangala sont très religieuses et ont beaucoup de serviteurs de Dieu. Demandons donc à Dieu de nous donner un leader qui fera l’unité de toutes les composantes des Pays de Mpangala et aura l’amour envers les autres et son terroir : les Pays de Mpangala ; ainsi que le patriotisme. Comme Jean-Paul Matsima les a vécus. Ne dit-on pas que Ma Ba ma tséké, ma fwa ma sassa ! Pour prendre la métaphore de la renaissance.

Quant à nous, Mwana mbuta selon coutume Nsundi, nous ne pouvons rien imposer à la famille paternelle. Parce que Vindza, c’est le côté paternel, même si le côté maternel a sa souche (Ta Ngoueri) à Dakar dans le district de Kindamba, avant qu’il migre à kibouende.

Voilà pourquoi nous nous limitons à dépoussiérer et à proposer de nouveau le concept de l’économie villageoise que nous avions tenté de matérialiser à Vindza, en 2012, avec l’accord de Tata Matsima, alors que nous étions conseiller départemental et candidat à l’élection législative dans la circonscription unique de Vindza.

Il se résume à travers ce que nous appelons toujours « économie villageoise ». L’économie villageoise concerne effectivement et se veut être une organisation des villages. Elle vise à créer un capital humain, financier et matériel. Voilà en exemple ce que nous avons projeté dans le district de Vindza et qui peut être adapté dans tous les autres districts des Pays de Mpangala.

Economie rurale

La sous-préfecture de Vindza compte 17 grands villages. Chaque village avait le choix entre le parc ovin ou bovin, l’arboriculture et la pisciculture. Mais, nous pouvons aujourd’hui changer la donne et mener la même activité dans tous les villages au cours d’une même année. Par exemple, nous pouvons programmer qu’en 2021, nous privilégions l’arboriculture. Nous pouvons donc planter, au cours de cette première année, au moins 1000 pieds dans chaque village. A partir de la vente des produits, chaque village participera à la création d’un Capital financier, matériel et humain. D’après nos études, au bout de quelques années, le district de Vindza pourra être capable de relancer le métayage, payer les enseignants et les quelques infirmiers bénévoles, d’ouvrir des petites pharmacies villageoises et financer d’autres petites activités du secteur informel. Le pêcheur qui nous donnait gratuitement le poisson étant mort, nous devons dès maintenant apprendre tous à pêcher.

C’est ainsi que nous allons honorer la mémoire de Tata Matsima et continuer son œuvre.

Serge Armand Zanzala, Mwana Mbuta et ancien Conseiller départemental du Pool

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