Un Blog se caractérise, en gros, par trois types d’intervenants : ceux qui participent directement et publiquement aux échanges ; ceux qui lisent et n’interviennent pas et ceux qui préfèrent écrire à celui qui tient le Blog... Les intervenants de cette troisième catégorie décident donc d’utiliser l’adresse de contact qui est à droite de votre écran pour laisser leurs messages qui n’ont aucun lien avec les sujets mis en discussion. Chaque jour, je reçois d’eux une multitude d’emails allant de la recherche d’emploi en passant par la gestion de leurs tracas quotidiens et le remboursement de leurs frais scolaires. C’est dire que la boîte de notre Village virtuel couve souvent des messages pour le moins surprenants. A ce train je pourrais écrire un livre consacré à ces élans de prose dont la cocasserie et l’effronterie sont toujours au rendez-vous...
Ainsi, un certain Akim T. me demande de lui trouver « une femme blanche, française de taille très moyenne parce que je suis court moi-même et je ne veux pas qu’elle me dépasse de taille quand nous marcherons devant les gens dans la rue. Une femme très blonde platine, bien foutue du derrière et qui ne vote surtout pas le Front national. Je le dis parce que le fils de notre voisin qui a été à Paris m’a dit que les gens du Front national ne donneront pas les papiers aux couples mixtes (est-ce que c’est vrai, Monsieur Mabanckou ?) ».
Dans la même veine, une visiteuse enchaîne : "Monsieur Mabanckou, j’ai toujours eu des problèmes avec les Blacks, surtout les Congolais, ils tirent vite leur coup sans les câlins. Pire, ils boivent de la bière toute la nuit et parlent le lingala même dans leurs rêves. En plus ils n’ont même pas de papiers chez nous. Vous comprendriez, vous, que je puisse à juste titre voter Le Pen ou Sarkozy l’année prochaine ou il vous faut un dessin ?".
L’argent est aussi au coeur des courriers que je reçois : "Monsieur, félicitations pour votre prix Renaudot qui honore l’Afrique. Après une délibération aucours de laquelle votre nom a fait l’unanimité, nous avons décidé de vous verser une partie de la somme (2 milliards de FCA) que notre père, un opposant ivoirien, a laissée dans le but d’encourager les jeunes écrivains qui font parler de l’Afrique. Plusieurs de vos confrères ont déjà bénéficié de cette dotation. Veuillez nous faire parvenir vos coordonnées bancaires pour que nous puissions effectuer le virement dans les plus brefs délais".
Une visiteuse va dans le même sens, mais de manière plus subtile : « Monsieur, désireuse de s’abonner à l’hebdomadaire international indépendant "JEUNE AFRIQUE"-version électronique, la Mission permanente de Madagascar auprès des Nations Unies à New York a l’honneur de vous demander de lui faire parvenir votre tarif pour une année d’abonnement et le numéro de votre compte bancaire pour le paiement.Merci d’avance. »
Un autre visiteur, dans un style télégraphique, formule une demande parentale : « salut je cherche a etre adopter par vous et votre femme française vue à la TV. je sui en cote divoire ecrit moi a cette adresse si tu peut stp je ses ke tes bcp occuper, merci bcp ».
Une visiteuse émouvante - elle a sans doute pitié de mes heures excessives de travail - me propose alors ses services : « Bonjour Mr Mabanckou. Je suis secrétaire depuis 10 ans et depuis peu, je me suis installée à mon
compte et je recherche du travail de frappe à mon domicile. Je possède un
ordinateur, un scanner, un fax et une imprimante ce qui facilite le
travail de frappe de chez moi. Si vous recherchez une collaboratrice pour
vous frapper vos romans, je suis à votre disposition pour tous renseignements complémentaires. Cordialement »
Un opposant politique congolais hurle sa colère parce qu’il est convaincu que je suis très proche du Président congolais Denis Sassou Nguesso : « Monsieur Alain Mabanckou, vous êtes un partisan du régime de Sassou Nguesso, et c’est lui qui a tout fait pour que les Français vous donnent ce Prix Renaudot ! Pour vous racheter, je vous conseille de redonner au peuple congolais les millions que ce Prix va vous rapporter. Je suis de votre ethnie et je connais bien votre mère, inquiétez-vous pour sa sécurité au bled ! ». La pauvre mère doit se retourner dans sa tombe !
Un insatisfait des délibérations des prix littéraires français de cette année voudrait replacer les choses et me fait savoir : « Monsieur, Gaston Kelman est plus fort que toi, c’est à lui que devrait revenir ce Prix que tu as eu si tu n’avais pas triché »...
Pape D., me demande sérieusement les nouvelles d’Ahmadou Kourouma qui « était passé avec vous récemment sur TV5 et qui a fait une brillante intervention sur son dernier livre paru au Seuil »
A tous ces anonymes, vos courriers, loin de m’agacer, me gratifient souvent de moments de fous rires. Et je voulais les partager avec les intervenants et les visiteurs de ce Village.
