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CAN 2015 - L’étrange comportement du public congolais après les matchs

Les résultats de la CAN 2015 ne présagent rien de bon pour la paix politique au Congo-Brazzaville. Depuis le début de la compétition, le régime de Brazzaville ne sait plus sur quel pied danser car il y a (permettez ces nouveaux concepts politiques) comme un parfum de « compaorisation » ou de « kabilisation » dans l’air.

La sonnette d’alarme est tirée dès le 22 janvier 2015 par l’organe officiel du Chemin d’Avenir « Les Dépêches de Brazzaville ». « On ne le dira jamais assez. Chaque match disputé par les Diables rouges du Congo à Bata, en Guinée Équatoriale, peu importe le résultat, laisse toujours de mauvaises traces dans la ville capitale. » constate, inquiet le canard de Jean-Paul Pigasse qui parle « d’antivaleurs. »
Foule en liesse après le Congo-Burkina

Vaincu ou vainqueur le Onze National suscite les mêmes réactions de casse tout azimut. Contre le Gabon, la victoire a été suivie « d’actes inciviques dans plusieurs quartiers de Brazzaville. » La Pravda de Brazzaville déplore cruellement le saccage « des biens publics et privés dans les différents arrondissements où (...) ils ont érigé des barricades. »

Des pillages hors insurrection

Le peuple semble châtier alors qu’il n’y pas (encore) de crime politique. « Selon des témoignages, à Nkombo dans le 9e arrondissement, Djiri, les jeunes ont brûlé des tables sur le trottoir tout juste après le match, empêchant la circulation pendant un bon moment. Même constat sur l’avenue de l’Union africaine, sur l’axe Nkombo-Moukondo. Les forces de l’ordre déployées n’ont pas pu contenir la foule et se seraient retirées d’après des témoins » dénonce l’organe officiel du PCT.

Une révolution avant la lettre ? Naïf serait celui qui ne voit pas l’arrière-fond de crise politique sur lequel s’appuient ces dérives urbaines consécutives aux résultats sportifs. Les Congolais veulent mimer qui ?Suivez notre regard. Mais disons-le aussi, l’obscurité due aux délestages récurrents fait le lit des troubles à l’ordre public.

« Toujours dans cet arrondissement (9 -NDLR) mais cette fois aux quartiers Émeraude et la Ferme en dépit du manque d’électricité tout au long du match, les gens sont sortis dans la rue avant d’être dispersés par la police qui a fait usage des gaz lacrymogènes » s’énervent Les Dépêches de Brazzaville.

Toute la ville est touchée par ces scènes de violence :
« Des barricades ont été également érigées dans d’autres arrondissements tels que Poto-Poto, Mfilou et Makélékélé. » On aurait dit le siège de la Commune de Paris au 19ème siècle quand les Français voulurent en découdre avec Napoléon III.

Rien ne fait peur aux casseurs :
« (sic) partout il est fait état de ce que les jeunes n’ont pas hésité de braver les forces de l’ordre. » Comme jadis les Gavroche, Montparnasse, Cosette, Marius, Jean Valjean, place de La Bastille.

Les pilleurs ont remis ça après la victoire du Congo sur le Burkina-Faso (2-1)
« Qu’est-ce que ça sera lors des ¼ de finale ?  » s’inquiètent, à juste titre, les autorités !
Partout dans le monde, le hooliganisme n’a jamais rassuré les Institutions. Dans le cas du Congo, pays échaudé par les soulèvements au Burkina-Faso et en RDC, on comprend les inquiétudes des patrons de Jean-François Ndenguet.

Certaines langues de vipère voient dans les violences post-compétitions sportives des formes « d’entraînement insurrectionnelle  » en relation empirique avec l’hypothèse d’un Sassou modifiant sa Constitution.

Après que Sassou se soit personnellement impliqué dans la CAN 2015, les langues d’aspic disent que « L’homme des masses » compte sur la victoire pour faire passer la pilule du référendum. Comme tout dictateur avisé, il veut faire de la récupération. Or ce qui arrive, tient d’un « retournement acrobatique  » ; comme au foot. « 6 devient 9 » disent en plaisantant les Congolais. Arroseur arrosé, serpent qui se mord la queue, tel est pris qui croyait prendre, rat de jardin pris à son propre piège, biliaki bango bi koki....

Septembre 2015

Dans ce cas, il faut craindre que les Jeux Africains de septembre 2015 à Kintélé-Brazzaville ne se retournent aussi contre leurs organisateurs, les « épigones du chemin d’avenir » tant décriés par Bitadys Bilombot.

En attendant, si le Congo remporte la CAN 2015, vu le comportement actuel de la foule, il y a de fortes chances que la victoire sportive se transforme, avant la lettre, en défaite politique des « réformateurs de la Constitution  » , c’est-à-dire avant 2016, date de toutes les incertitudes. Cette hypothèse n’est pas à récuser. Certains épigones accusent même l’Opposition de tirer les ficelles du vandalisme consécutif aux victoires ou aux défaites de notre Onze National. Témoin l’arrestation du célèbre « empêcheur de tourner en rond » Joe Washington Ebina, coupable d’avoir circulé dans la ville après la victoire du Congo sur le Burkina-Faso.

Les choses manquent de logique. Sassou voulait les jeux pour enfariner son monde, voilà que le peuple s’apprête à le bouffer comme du pain noir.

Mais quel dilemme que celui de la CAN (Coupe d’Afrique des Nations) ! Quel que soit le scénario (défaite ou victoire) le clan de Mpila morfle.

L’histoire bégaie. En 1972 le Congo gagna Yaoundé sur arrière-fond d’insurrection diawariste (M22). Ngouabi mordit la poussière cinq ans plus tard. En 2015, le pays est en passe de gagner Malabo avec en toile de fond un coup d’Etat constitutionnel. Je vous laisse deviner la suite.

Thierry Oko

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