Le jeune ministre de la jeunesse et de l’éducation civique, protégé de sa majesté Antoinette Sassou Nguesso dont il fut jadis le directeur de cabinet, le ci-nommé Anatole Collinet Makosso, a eu son billet pour plancher au Grand Orient de France, ce 14 juin 2013. Thème de sa conférence : « la jeunesse africaine. » - "Sursum Corda" disent les Catholiques (Elevons notre coeur).
Sujet bateau
Faute de proposer un projet palpable à la jeunesse congolaise, voilà qu’on se met, ipso facto, à disserter sur des sujets-bateau dans des lieux ésotériques. « La jeunesse africaine » dites-vous ? Lourd sujet, en effet. Mais, est-il fondé, fut-il jeune, de parler au nom des jeunes de toute l’Afrique ? Pourra-t-il éclairer nos frères de lumière sur le paradoxe d’un continent extrêmement riche où les jeunes n’ont d’autres choix que d’immigrer en Europe ? Peut-on généraliser quand on sait que toutes les jeunesses de l’Afrique ne sont pas logées à la même enseigne ?
D’imaginer notre ministre dans une loge en train d’étaler son logos sur la jeunesse africaine, on ne peut s’empêcher de penser à Nietzche qui clamait : « Beaucoup adorent la lumière pour mieux briller et non pour mieux voir »
Selon un dicton chinois, il n’y a pas meilleure façon de se cacher que de s’exposer à la lumière.
Voyager forme la jeunesse
En effet il ne se passe pas une semaine sans qu’on ne voie ce, toujours jeune, membre du gouvernement de Sassou arpenter la place de Paris. Vous direz, à sa décharge, qu’il n’est pas le seul, chez les agents du Chemin d’Avenir, à cultiver cette manie du voyage sur les bords de La Seine. Manifestement il a fait sien cet adage de la jouvence éternelle : « voyager forme la jeunesse. »
On dirait-même que le « premier des jeunes » (ce qui est loin d’en faire un jeune premier) travaille à Paris avec résidence à Brazzaville (à moins que ce ne soit l’inverse « vivre à Brazzaville avec résidence à Paris ». De toute manière, comme Monsieur Makosso n’a jamais déclaré sa fortune au fisc congolais ne soyons pas étonné qu’en sa qualité de ministre congolais, le site des Biens mal acquis ne signale dans son patrimoine un bien immobilier en France.
Stratégie de communication
En tout cas, on est curieux de savoir comment le conférencier va-t-il construire son discours oral devant les Fraters du G.O. Possède-t-il ce compas dans l’œil qui donne de la profondeur à la pensée ? Manie-t-il cette truelle intellectuelle qui permet d’imbriquer une analyse digne de ce nom ? Possède-t-il le fil à plomb qui donne la droiture au raisonnement ? Maîtrise-t-il la doxa et le paradoxe ? Sait-il jongler avec les figures de style qui procurent ce que Roland Barthes appelle « plaisir du texte » quand on écoute un orateur ? D’abord est-il assez éloquent pour captiver l’auditoire maçonnique composé d’intellectuels de haut vol ? Sur le plan de la rhétorique on sait ce que valent tous ceux qui, dans la classe du pouvoir, miment Sassou. En tout cas il lui faudra une bonne stratégie de communication pour conduire les initiés de la GO à adhérer à ses arguments sur la jeunesse africaine.
Mais d’abord, suffit-il d’être jeune pour comprendre les jeunes ? Collinet Makosso est-il le mieux placé pour placer les revendications des jeunes dans le projet de société appelé d’abord « Nouvelle Espérance » ensuite « Chemin d’avenir » ? Permettez qu’on en doute.
Un chrétien chez les maçons
On dit Collinet lecteur assidu de la Bible.
Le serviteur de Dieu, Makosso, aura aussi intérêt de nous citer le chapitre des Saintes Ecritures qui encourage le chrétien de se mettre en compagnie des Francs-maçons. Au contraire, il n’y a pas une seule occasion où aucun pasteur, prêtre ou abbé ne conseille à ses ouailles de fuir la maçonnerie car, pour les chrétiens, les loges sont des antres où s’élaborent des versets sataniques. Il est vrai que le syncrétisme religieux bat son plein dans la cosmogonie politique congolaise où ils sont tous, à la fois, maçons, chrétiens et andzibistes.
Cependant, on a envie de pouffer de rire lorsqu’ on apprend que ce ministre va disserter sur la jeunesse. Quand on sait que maçonnerie et rose-croix sont de puissants réseaux philosophiques qui ont éclairé l’humanité de tout temps et sur le compte desquels figure la chute de la Bastille en 1789, on ne peut qu’être surpris par sa présence au G.O.F. On se retrouve dans le pleurer-rire quand on sait que le conférencier vient d’un pays où le peuple vit dans des conditions plus scandaleuses que celles des Français avant qu’ils ne se révoltent contre leur roi au 18è siècle.
Comment va-t-il aborder la problématique de la jeunesse avec assurance devant les frères de lumière du GO, lui qui participe à un gouvernement qui confine sa jeunesse au chômage ?
Droit d’ingérence
Que dira-t-il à propos du droit d’ingérence fustigé par Sassou face à François Hollande alors que le même Sassou s’est ingéré dans le problème centrafricain et a félicité Hollande de s’être ingéré dans la question malienne ? (Cf. article de Benjamin Bilombot Bytadis, http://www.congopage.com/La-non-ingerence-a-la-sauce)
Les francs-maçons se disent humanistes, or le droit d’ingérence est un humanisme, donc Collinet Makosso se trompe de tribune en venant exposer à la loge ! On a compris que Collinet Makosso (comme ses potes du Chemin d’avenir) est à la fois chrétien et franc-maçon, ce qui est une hérésie aux yeux des adeptes du christianisme. Si Collinet Makosso est franc-maçon, il est donc libre-penseur. Alors, pense-t-il que dans son pays le Congo la pensée est libre ? Joe Washington Ebina qui vient d’être embastillé ce 1er mai 2013 à Brazzaville pour avoir voulu tenir une réunion peut confirmer que la liberté d’expression n’existe point au Congo de Sassou. Ne parlons même pas du black-out général fait par les médias officiels sur toutes les manifs de l’Opposition locale. Oui le Congo de Sassou est un champ de la pensée unique made in Oyo.
Droits de L’Homme bafoués
Monsieur Collinet Makosso n’a pas compris que si, justement, la jeunesse congolaise fréquente le chômage (un chômage endémique ) c’est non seulement à cause du massacre économique perpétré par son employeur, Sassou, mais aussi à cause du bâillonnement intellectuel dont cette frange de la société est l’objet. Les droits de l’homme sont tellement bafoués au Congo qu’au mois de février de cette année, élèves et enseignants ont entamé une grève. Selon toutes probabilités, tous les fonctionnaires ont l’intention de se jeter dans la brèche ouverte par les enseignants. Que demandent-ils, en vérité ? Une augmentation de leur indice salarial. Or les amis de Makosso qui se vantent que les caisses de l’Etat sont pleines à craquer ne veulent pas entendre la clameur publique. Les voilà en train de claironner que les élèves ont repris les cours. Qu’il y ait seulement un mouvement social au Congo alors que Sassou est perçu à l’étranger comme un franc-maçon de la gabegie, un rosicrucien des paradis fiscaux, un sultan de la clandestinité financière (l’homme au 110 comptes bancaires) , c’est ça l’angoisse des agents du Chemein d’Avenir. Pour le reste, se plaisent-ils à dire : « Le chien aboie, la caravane passe ». Et, la jeunesse trépasse.
Aussi, inutile de se demander pour qui roule le conférencier Makosso de Diosso. En tout cas pas pour cette jeunesse roulée dans la farine par un ministre qui passe son temps à faire du cheval dans le ranch de Sassou à Edou, à organiser des colonies de vacances où il donne des cours d’instruction civique et de morale alors qu’au sommet de l’Etat tout n’est que débauche.
Que pensez-vous que Makosso a conté et raconté aux étudiants de Bayardelle qui doutaient de l’honnêteté du Prince d’Oyo dans le lourd dossier des Biens Mal Acquis ? Avait-il seulement condamné le vol ? Nenni. A-t-il parlé de leur avenir qui est sombre ? Niet. Makosso, enfant de la Côte, a reconnu bêtement que « Yes, Sassou a volé. Mais les juges français sont mis au défi de le prouver ». Il ne nie pas les faits, ils dénie à Hollande le droit d’ingérence. Makosso a dit tout cela dans une confusion lexicale juridique (il paraît qu’il a fait du Droit) et, avec, dans le regard, cet air malicieux que les peintres de la Renaissance prètent au portrait de Belzébuth, l’autre nom de Lucifer, Prince de lumière.
Mais on entre OK en conférence au G.O.F, on en sort souvent KO. Au G.O.F on en revient souvent déstabilisé, tant les francs-maçons de cette Obédience sont incisifs.
Bonne conférence monsieur le ministre
Thierry Oko
