email
Carnet noir

Congo-B-Covid-19 : la « Task-Force » peut-elle être en mesure de contenir la pandémie de Coronavirus ?

Pour parer à une éventuelle propagation du virus, le Congo-Brazzaville a mis en place une « Task-Force » (Force d’intervention, ndlr). Quels sont ses moyens ? Une tribune d’Alphoncine Nyélénga Bouya.

Les catastrophes, complexes, sont difficiles à classer. Il y a les catastrophes naturelles et les catastrophes causées par les humains ; il y a les catastrophes à lente progression et les catastrophes soudaines - les tremblements de terre, la rupture d’un barrage ou l’effondrement d’un pont, etc. Si l’on est souvent stupéfait par la soudaineté d’un tremblement de terre, d’un éboulement de terrain ou même d’une rivière qui sort de son lit lors d’une forte pluie, soudaineté qui ne laisse pas aux gens le temps de se préparer pour agir, avec les catastrophes à évolution lente on a parfois un peu plus de temps pour mettre en place une sorte de plan de contingence comprenant différentes actions à mener pour freiner ou réparer les dégâts causés par ces catastrophes.

Point n’est besoin de rappeler ici que l’avènement du coronavirus est une catastrophe planétaire qui n’épargne pas le Congo. La fulgurance avec laquelle le virus se propage est relayée au quotidien par la quasi-totalité des médias du monde : une personne affectée peut transmettre le virus à 2,5 personnes en moyenne en 5 jours et 406 personnes en 30 jours.

On peut donc supposer qu’au Congo, la personne testée positive et dont le ministre Thierry Moungala a parlée le 15 mars dernier, a pu faire passer le virus à 2,5 personnes en moyenne (arrondissons à 3 personnes) qui, à leur tour, ont filé le virus à 9 personnes qui à leur tour ont contaminé 27 personnes en 5 jours ! Si l’on prend en compte les 4 personnes infectées, selon l’annonce du Premier ministre, le 17 mars, 5 jours plus tard 12 personnes devraient être infectées et 10 jours après, plus de 31 personnes seraient atteintes. Et ainsi de suite…

Selon les autorités congolaises, des personnes ont été mises en quarantaine ! Louable initiative ! Mais une question se pose : leur a-t-on fait passer un test pour déterminer qui est positif et qui ne l’est pas ? Et que se passera-t-il si une personne testée positive a, entre temps, transmis le virus à 3 personnes en moyenne tous les 5 jours ? Tentons une comparaison : le 12 mars (3 jours avant l’annonce du Congo), le ministre de la Santé de la Côte-d’Ivoire a confirmé un premier positif au coronavirus dans son pays.

Neuf jours plus tard, le nombre de cas confirmés est passé à 17 ; ce lundi 23 mars la Côte d’Ivoire en était à 25 cas - dont 2 apparemment guéris -, pour atteindre, ce mercredi 25 mars, 73 cas testés positifs au coronavirus. Sans détour l’État ivoirien a décrété un couvre-feu sur l’ensemble du territoire national.

En RDC, le nombre de cas de COVID-19 est passé en 2 jours de 30 à 45, dont 3 décès et une première guérison. Les autorités de ce pays-frère ont non seulement décrété l’état d’urgence mais aussi isolé la ville de Kinshasa du reste du pays. Qu’en est-il du Congo-Brazzaville ?

Kufwa soni, mona mpasi

Depuis le 17 mars, les autorités ne parlent que de 4 cas, comme si Brazzaville avait trouvé une barrière à la propagation du virus. A n’en point douter, il y a un déficit criard de communication de la part du Gouvernement, nul ne sait pourquoi ! On se contente des effets d’annonce. 1, 5 milliard serait débloqué, mais pour faire quoi ? Comment et à quoi va-t-on les utiliser ? Une Task-Force a été créée ! Or une Task-Force, en toutes situations, a des termes de référence qui détaillent ce qui est attendu d’elle : quelles sont les tâches concrètes et les résultats attendus de cette structure de circonstances, mise en place par le Gouvernement ?

« Kufwa soni, mona mpasi  », dit un proverbe de chez nous. Plutôt que de s’en tenir à une TasK-Force composée d’hommes et de femmes politiques, le Gouvernement gagnerait à se rapprocher des Organisations internationales spécialisées dans les réponses aux catastrophes et ayant une représentation sur place pour l’aider à élaborer un plan de contingence ou un plan de réponses au désastre ; à prévoir le recensement des citernes des sapeurs-pompiers pour la distribution d’eau dans les quartiers périphériques ; à profiter de cette période où la pandémie ne s’est pas encore propagée dans tous les milieux, pour faire un comptage des espaces qui pourraient accueillir les malades selon la gravité de leur état ; à faire dès à présent des commandes de gants, de masques (la Chine, amie du Congo approvisionne actuellement les pays européens) et aussi des respirateurs ; à faire la commande des tests antigéniques à résultats rapides ; à équiper en groupes électrogènes les hôpitaux et les lieux qui accueilleront les malades, à faire appel à tous les pharmaciens tenant ou pas des officines et les mettre à contribution pour la fabrication du gel hydro-alcoolique ; à recenser le nombre de corbillards fonctionnels pour le transport des personnes décédées ; à recenser le nombre d’ambulances et, si possible, en commander ou encore à réquisitionner les véhicules des services étatiques et des entrepreneurs privés pour servir d’ambulances ; à identifier hors et loin de la ville des espaces qui pourraient éventuellement servir de cimetières, etc.

Ces suggestions, évidemment, ne sont pas exhaustives et n’ont pour ambition que de contribuer à la réponse que l’État congolais pourrait donner au désastre que représente le Covid-19 pour le Congo.

Alphoncine Nyélénga Bouya

Ancienne fonctionnaire de l’ONU, Alphoncine Nyélénga Bouya est d’origine congolaise et vit en Belgique. Férue de Lettres, elle est l’auteure de deux livres  : Makandal, dans mon sang (2016, La Doxa), Le Rendez-vous de Mombin-Crochu (2018, Le Lys Bleu Editions)

NB : Au moment où nous terminons cet article, on annonce que la France a franchi la barre des 1331 morts.

Laissez un commentaire
Les commentaires sont ouverts à tous. Ils font l'objet d'une modération après publication. Ils seront publiés dans leur intégralité ou supprimés s'ils sont jugés non conformes à la charte.