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Gain de cause

Congo-Brazzaville - Après la décision du Fmi : 40 ans de surendettement et 60 ans pour payer les dettes. Soit une condamnation des Congolais à 100 ans de misère

Jeudi 11 juillet dernier, le Conseil d’administration du Fonds monétaire international a décidé d’entamer les négociations du Fmi avec le gouvernement du Congo-Brazzaville. Toute l’opinion était suspendue sur les lèvres du bailleur financier.

C’est un véritable « jeudi noir » dont les Congolais se souviendront à jamais. Non seulement parce que la décision prise aura des conséquences dans les soixante ans à venir. Mais aussi, parce que c’est un grand nuage noir qui annonce une tornade et un déluge dans le ciel congolais, pendant longtemps. Les Congolais devront continuer à vivre dans l’incertitude et serrer la ceinture pendant au moins soixante ans pour payer toutes les dettes qui sont déjà contractées jusqu’à cette date.

Payer les dettes par les dettes

Or, la décision du Fmi même si elle va imposer au gouvernement congolais une conduite dans la gestion des affaires publiques, lui donne aussi la possibilité de contracter d’autres dettes avec d’autres institutions financières internationales ou partenaires à savoir la Banque mondiale, la Banque africaine de développement, le Club de Paris, le Club de Londres... Parce que cette dette du Fmi est une carte de garantie et de sécurité sur la solvabilité du Congo pour toutes les institutions financières internationales. Pour payer ses dettes, le Congo est donc obligé de s’endetter. Et, c’est là que réside le grand problème. Alors que payer les dettes d’un pays par les dettes n’est pas la solution idéale. C’est un principe qui maintient le pays dans les dettes. Et, d’autres pays africains, en l’occurrence le Ghana et le Rwanda l’ont compris. Ils refusent, aujourd’hui, de s’endenter auprès du Fmi ou d’autres institutions financières internationales. Curieusement, au Congo le principe est acclamé.

Simplifier le langage des chiffres

Nous avons, dans un article précédent, fait état de la panique vécue par les Congolais et craint, les violences qui devraient avoir lieu ce jeudi 11 juillet dernier.
Ces violences n’ont pas eu lieu tout simplement parce que tous les Congolais n’ont pas compris le langage des chiffres compris que par les «  initiés ». Tous les Congolais ne mesurent pas jusque-là la profondeur du gouffre dans lequel Sassou Nguesso les a jetés. Il faudra donc simplifier le langage en faisant une analyse de la tranche du temps du règne de Sassou Nguesso, et celle du temps à venir (au minimum soixante ans) soit un total de cent ans, pour faire comprendre la durée de la crise qui cisaille leur pays.

224 milliards de francs Cfa, c’est insignifiant !

Pour montrer que les crédits du Fmi alloués au Congo sont insignifiants, nous les comparons avec les cinq derniers budgets annuels du gouvernement, les sommes dépensées dans les municipalisations accélérées, et les dettes extérieure et intérieure ainsi que la dette gagée.

Les budgets annuels du Congo sont estimés à 4132, 920 milliards en 2014, 3639 milliards en 2015, 3755 milliards en 2016, 2608 milliards en 2017, 1603 milliards en 2018 et 2226 milliards en 2019.

Les Municipalisations accélérées  : Les municipalisations accélérées ont englouti, en moyenne, 400 milliards de Francs Cfa dans chaque département du Congo. Soit un total de 4800 milliards de Francs Cfa, pour tout le pays. Pourtant, les Municipalisations accélérées n’ont pas eu un impact économique. Elles n’ont pas produit des emplois et des richesses dans le pays.

Les dettes connues : la dette extérieure du Congo s’élève à 5300 milliards ; la dette intérieure à 3479 milliards et la dette gagée à 1434 milliards. Soit un total de 10213 milliards de Francs Cfa. Cependant, rien qu’avec la Chine, le Congo doit payer 202 milliards de Francs Cfa chaque année, et ceci pendant 42 ans.

Or, devant tous ces montants, les 224 milliards de Francs Cfa du Fmi paraissent comme une goutte d’eau dans l’océan. Car, cette somme ne peut alimenter un budget annuel du Congo, ni servir pour une municipalisation, encore moins effacer la dette extérieure ou intérieure.

Gouvernement « ya nzala » (gouvernement de misère)

Néanmoins, ne comptant que sur la vente du pétrole, parce que son économie n’étant pas diversifiée et ne dépend que de l’or noir, le gouvernement congolais aura toujours du mal à remplir ses devoirs régaliens : service public, salaires des fonctionnaires, allocations des retraités, bourses des étudiants, construction des infrastructures… La crise va donc perdurer. Il lui faudra donc prendre des décisions courageuses et drastiques. Ce qui va recréer dans le pays un climat malsain plein d’incertitudes semblable à celui de la période d’avant Conférence nationale.

Surendettement ou la carte Christel Denis Sassou Nguesso

Pour calmer la tension qui montera dans le pays, le premier reflexe de Denis Sassou Nguesso sera de contracter d’autres dettes auprès d’autres institutions financières internationales pour mettre les Congolais dans la misère totale. Puisque l’argent repartira dans le paiement des dettes. C’est une stratégie politique. Mais, Denis Sassou Nguesso a une autre carte : Christel Denis Sassou Nguesso qu’il sortira à la dernière minute et troquera contre le rapatriement des fonds publics volés. On en parle déjà dans les milieux proches de la famille de Sassou. La stratégie consiste à corrompre l’élite intellectuelle congolaise, pour faire passer son projet. Il est simple : « Vous voulez que je rapatrie tous les fonds volés, soutenez mon fils à l’élection présidentielle de 2021. » Sassou Nguesso connait bien les intellectuels Congolais. Il sait d’avance qu’il les aura dans ses mains.

Il faut un Kolelas, un Mokoko, un Bokamba Yangouma et un Lumwamu

Nous attendons tous que les Congolais descendent dans la rue pour aller déloger Denis Sassou Nguesso. Or, les appels lancés dans ce sens, ne parviennent pas aux Congolais comme en 1990. Parce qu’il manque un Bernard Kolelas c’est-à-dire un leader qui a un discours politique fort et convaincant. Un Jean Marie Michel Mokoko dont la voix sera très écoutée dans toutes les casernes ; un Jean Michel Bokamba Yangouma qui fera l’unité dans les rangs des travailleurs congolais ; et un François Lumwamu qui encourageait les évêques du Congo à accompagner le peuple de dieu sur la voie qu’il venait de choisir : celui du multipartisme et de la démocratie. Alors qu’il était président du Conseil national de l’apostolat des laïcs. François Lumwamu avait travaillé le milieu catholique, Jean Jacques Goma, le milieu protestant et Jean-Marie Soungoua s’était occupé du milieu salutiste. C’est ainsi que les églises chrétiennes membres de l’œcuménisme au Congo, avaient œuvré à l’avènement de la Conférence nationale souveraine.

D’ailleurs, nous trouvons ici l’occasion de rendre un grand hommage au professeur François Lumwamu, enseignant retraité de l’université Marien Ngouabi, président fondateur de l’Union nationale des patriotes croyants, ancien ministre de l’Enseignement supérieur et de la Formation professionnelle, mais aussi ancien conseiller départemental du Pool qui vient de nous quitter. Il est un grand héros dans l’ombre dans la convocation et la réussite de la Conférence nationale.

Le Fmi ne fait pas de coup d’état. Il prépare le terrain !

La République du Congo est membre de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (Bird) depuis le 10 juillet 1963. La Bird est une organisation de la Banque mondiale. Et, la Banque mondiale est, elle-même, une composante du Groupe de la Banque mondiale qui avait été créé le 4 juillet 1944, dont la mission originale était celle de financer la reconstruction après la seconde Guerre mondiale.

Cependant, pour devenir membre de la Banque mondiale, en vertu des statuts de la Bird, le pays demandeur doit d’abord adhérer au Fonds monétaire international (Fmi). Le Congo est donc membre de la Bird et du Fmi. Rien que par ce statut, le Fmi ne devrait pas lui refuser un prêt.

Néanmoins, les Congolais ont tort d’accuser le Fmi. Car, cette institution ne fait pas de coup d’état. Sa mission est de prendre des décisions qui servent de carte de garantie et de sécurité pour les pays qui veulent s’endetter auprès de certaines institutions financières internationales. C’est, certes, à travers les mesures draconiennes qu’il recommande aux gouvernements pour améliorer leur gouvernance et redresser leurs finances ainsi que leurs économies, et qui créent des tensions et des troubles dans les pays qui bénéficient de ses aides que d’aucuns trouvent la main noire du Fmi qui destitue les régimes politiques.

Le match devient brutal

En ne donnant que 224 milliards de francs Cfa au gouvernement du Congo, le Fmi a fragilisé Denis Sassou Nguesso. Et, Denis Sassou Nguesso n’a plus qu’un choix pour survivre politiquement. Soit il va encore surendetter le pays. Soit il va troquer la carte de son fils contre le rapatriement des fonds volés pour s’en sortir.

Or, les Congolais ont un seul moyen pour empêcher cette alternative : descendre dans la rue pour mettre fin à cette dictature, et faire rapatrier, avec l’aide des institutions internationales, tout le magot volé. Il leur suffit de prendre le courage. Au cas contraire, et avec toutes les dettes contractées pendant les quarante ans qu’il va bientôt totaliser à la tête du pays, les Congolais auront encore, au moins, soixante ans pour payer ces dettes. Ce qui fera un total de 100 ans de misère imposée par Denis Sassou Nguesso. Voilà le message du Fmi sur ses négociations avec le Congo et qui éclaire sur l’héritage de Sassou Nguesso.

Serge Armand Zanzala, journaliste et écrivain

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