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Marée noire

Congo-Brazzaville : La visite de travail de Denis Sassou Nguesso à Pointe-Noire : une fuite en avant ou un bye bye ?

Le Président autoproclamé du Congo, Denis Sassou N’Guesso, a effectué la semaine dernière, une visite de travail à Pointe-Noire.
Au cours de son séjour dans la ville océane, il a procédé à l’inauguration des nouveaux quais du port autonome de Pointe-Noire, de la minoterie du groupe Somdiaa et au lancement de la troisième turbine de la centrale électrique du Congo (Cec).

Pour l’accueillir chaleureusement et lui offrir un bain de foule, les autorités administratives de la ville économique du Congo avaient décrété une journée chômée, payée ( ?) difficile de le dire ou de le croire puisque celles qui sont ouvrables ne sont pas payées régulièrement.

Néanmoins, les écoles, les boutiques étaient toutes fermées. Les travailleurs de l’administration publique et ceux des entreprises privées, les petits débrouilleurs de la cité et les confessions religieuses étaient tous sommés de se rendre à l’aéroport international Agostino Neto où ils devaient ovationner Denis Sassou Nguesso et son épouse, dès leur descente de l’avion, et durant toute la traversée du centre ville. Comme au temps du monopartisme.

Le Pct, le parti au pouvoir, et ses alliés avaient déversé leurs militants le long des artères principales où devait passer le cortège de Denis Sassou Nguesso pour marquer leur présence.

Nous avons appris que cette marrée humaine dont une bonne partie était recrutée à Kinshasa dans le Congo démocratique, était partie de Brazzaville, moyennant des petits frais de séjour.

Plus une campagne électorale qu’une visite de travail

Bref, le décor et l’ambiance étaient plus ceux d’une campagne électorale que ceux d’une visite de travail d’un Président de la République.
Puisque dans beaucoup de pays, même africains, on ne pose plus les premières pierres et n’inaugure plus.

En plus, les déplacements des Présidents ainsi que les séjours de leurs homologues étrangers ne nécessitent pas des journées chômées ou des déplacements massifs des populations ou encore l’interdiction de circuler dans les principales artères. Des villes mortes si nous voulons en rire encore.

Néanmoins, tout cela avait été fait à dessein et était bien programmé par le Parti congolais du travail. Parce que Denis Sassou Nguesso a besoin de ces images dans lesquelles il prend un bain de foule ou est ovationné par des foules. Il veut encore faire croire à l’opinion internationale que sa candidature à l’élection présidentielle de 2021 répond à une demande des Congolais.

C’est ainsi que les images tournées par TéléCongo, la chaine de télévision gouvernementale, et par d’autres chaines de télévision nationales proches du pouvoir ont été diffusées et rediffusées plusieurs fois durant des journées entières, et mises sur les réseaux sociaux pour être vues à l’étranger et faire croire que le « khalife d’Oyo » comme le surnomme Benjamin Bilombot Bitadys, est encore populaire dans son pays et aimé par son peuple.

Des « statuts présentables pour améliorer les votes et les stratégies »

Cependant, si une certaine opinion nationale ne voit dans ce séjour ponténégrin de Denis Sassou que recherche des « statuts présentables pour améliorer les votes et les stratégies.  », comme l’écrit Albert S Mianzoukouta, directeur de publication et éditorialiste du journal La Semaine Africaine , dans l’édition du vendredi 21 février 2020. «  Nous disposons désormais d’une troisième turbine à la Centrale électrique du Congo de Pointe-Noire ; d’une minoterie appelée à relancer la production du maïs chez nos agriculteurs et à améliorer la fourniture de la farine. Le port de Pointe-Noire dispose aussi désormais de nouveaux quais, tandis que l’Alima va recevoir son bac ! Lus de manière aussi linéaire, ces événements ne peuvent qu’égayer le Congolais lambda condamné depuis trop longtemps à littéralement ramer. L’injection d’une dose d’euphorisants aide à supporter la dureté des temps. Mais c’est comme si nous étions face à un mirage. Car il faut s’interroger sur le pourquoi du comment, avant de s’intéresser à la durabilité de toutes les initiatives lancées et annoncées ici et là. L’explication est simple : les élections approchent. Il faut améliorer les statuts présentables pour améliorer les votes et les stratégies. » (Op.cit.)

Néanmoins, une autre opinion bien informée voit dans ce voyage une fuite en avant de Denis Sassou Nguesso et son bye bye aux populations de cette ville.
En effet, d’après les informations qui remontent de certains grands milieux politiques, notamment anglophones, des lobbies politiques se seraient accordés pour demander aux dictateurs de l’Afrique centrale et ceux des pays des Grands Lacs à savoir, Paul Biya (le président du Cameroun), Idriss Deby Itno (le Président du Tchad), Paul Kagamé (le Président rwandais), Joseph Kabila (l’ancien Président du Congo démocratique dont l’ombre continue à planer à la présidence de la république de son pays ou qui rivalise son successeur), Denis Sassou Nguesso (Président autoproclamé du Congo Brazzaville) et Yoweri Musseveni (Président de l’Ouganda) de « libérer les scènes politiques de leurs pays respectifs ».

« Libérer les scènes politiques »

« Libérer les scènes politiques de leurs pays respectifs » serait la formule diplomatique qu’auraient employée les grands lobbies politiques internationaux pour demander à tous ces dictateurs de prendre la porte.
Pour les pousser à abdiquer, nous avons appris que ces lobbies menaceraient, en cas d’entêtement de ces derniers, de dépoussiérer toutes les affaires liées aux génocides et aux crimes de sang et de guerre dans lesquelles tous ces présidents sont impliqués. Nous pouvons au moins dire qu’ils ont tiré les leçons de la crise libyenne.

Au moment où nous publions cette information, nous avons appris que Paul Kagamé et Joseph Kabila se seraient déjà pliés à cette proposition.
En effet, si le premier a promis de ne plus se présenter à une élection présidentielle et de laisser rentrer au pays tous les opposants politiques qui sont à l’étranger, le second a levé ses mains pour dire qu’il laisse son successeur travailler librement jusqu’à la fin de son mandat. Nous avons aussi appris qu’il aurait décidé de prendre sa retraite politique.

Pourtant, les deux attendent encore les garanties de la communauté internationale sur leur sécurité, l’abandon de toutes les poursuites judicaires et la protection de leurs biens meubles et immeubles, et ceux des dignitaires de leurs pouvoirs.
C’est peut-être pour cette même raison que les vieux dinosaures politiques à savoir Paul Biya, Denis Sassou Nguesso, Yoweri Musseveni et Idriss Deby Itno hésitent encore de faire connaitre leurs positions.

Voilà pourquoi ils continuent à faire croire qu’ils sont encore aimés par leurs peuples et tentent de convaincre l’opinion internationale avec des campagnes électorales déguisées.

Denis Sassou Nguesso, suicidaire ?

Mais, il est vrai que Sassou Nguesso ne parlera jamais, aux membres de son clan et aux dignitaires de son pouvoir, de la pression qu’il subit de la part des puissances occidentales pour les épargner de la panique, des crises cardiaques, des suicides, des accidents vasculaires cérébraux… Il veut être courageux jusqu’au bout et mourir au pouvoir. Et, tant pis pour tout ce qui arrivera après sa mort. Sassou Nguesso est aujourd’hui hanté par cet esprit suicidaire même si c’est toute sa famille ou tout son clan qui vont périr. Il est aussi comme un cabri dans un atelier de poterie. Il n’y sortira pas sans avoir cassé quelques pots.

Cependant, au-delà de tout cela, la question est celle-ci : troquer la libération des scènes politiques dans ces pays contre l’abandon de toutes les poursuites judiciaires contre les génocidaires et les criminels de guerre est la meilleure solution pour libérer les pays et les peuples que ces dictateurs ont pris en otage, réduits aux misérables et endeuillés pendant des décennies ?

Or ces peuples attendent que la justice soit faite et que les auteurs de ces crimes odieux soient sévèrement punis.

Néanmoins, on peut aussi demander pourquoi les puissances occidentales qui sont pour cette solution n’avaient-elles pas opté pour cette même solution face au gouvernement nazi, en Allemagne.

Or elles sont passées par le tribunal de Nuremberg pour mettre fin au nazisme, et continuer à traquer les criminels allemands.

Le dernier d’entre eux, Klaus Barbie, est mort en prison à Lyon, en 1991. Plusieurs années après le procès historique de Nuremberg.
Certes, d’aucuns diront que l’ampleur des situations, des dégâts humains et matériels n’est pas la même ou comparable. Pourtant, on peut dire qu’il s’agit dans les deux cas des crimes contre l’humanité. Et, pour le cas du Congo, on peut ajouter à cette solution le rapatriement de tous les fonds publics volés.
Mais, la grande question est celle de la position de la France sur les propositions des puissances anglophones ?

Le signe du cygne

Tous les spectateurs massés sur les boulevards de la capitale économique étaient venus écouter le chant de cygne du Khalife, signe de la fin. Quand cet oiseau commence à mourir, on dit qu’il esquisse sa plus belle mélodie. Le symbole est fort. Oko, en ce mois de février 2020, est allé voir la mer de Tati pour la dernière fois de sa vie. Comprenne qui pourra.

Serge Armand Zanzala, journaliste et écrivain

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