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Humeur

Déclaration de la majorité présidentielle relative à la lutte contre les attitudes antivaleur : d’une diversion à l’autre !

Avertissement sémantique  : « Antivaleur », néologisme usé et abusé dans le discours comme nom commun. On désigne par ce terme ce qui s’oppose aux valeurs ( dictionnaire reverso.net). Pour Wilkitionnaire , valeur ou comportement qui va contre l’éthique. Selon le dictionnaire en ligne Reverso, antivaleur est un adjectif qui qualifie un substantif. Le dico web précise que l’adjectif antivaleur est invariable (ne s’accorde pas en nombre). Exemple : Denis a tué, il a une pratique politique antivaleur (contraire à ce qui est moral). Enfin ni Le Petit Robert ni Le Larousse ne reconnaissent le mot antivaleur.

Ethique d’Etat

Alors que les Congolais et la communauté internationale n’ont pas encore fini de débattre sur l’Affaire Mokoko, notamment sur le vide de son dossier, son immunité juridictionnelle que lui confèrent les décrets n° 86-1044 du 17-11-86 et sa dignité de Grand officier dans l’ordre du mérite congolais d’une part, lui consacrant l’immunité juridictionnelle, ainsi que le refus de Me Eric Dupont Moretti de défendre l’Etat congolais, voilà que les partis de la majorité présidentielle, réunis à Brazzaville, le mercredi 4 avril 2018, publient une déclaration dans laquelle ils invitent, entre autres, le gouvernement et la Justice à «  réprimer toute personne, sans distinction aucune, quels que soient son rang et sa sensibilité politique, coupables d’avoir commis des faits répréhensibles dans l’exercice de ses responsabilités, à n’importe quel échelon de la hiérarchie sociale, économique et administrative et à l’écarter de toute gestion de la chose publique. »

Voilà une position de l’Etat très louable. On dira qu’elle n’est pas antivaleur. Néanmoins, les Congolais se demandent si avec cette déclaration, les partis de la majorité ne remettent pas en cause leur constitution qui protège tous les crimes qui sont commis dans leurs fonctions.

Mais pour l’opinion publique cette déclaration n’est qu’une diversion, une de plus, pour empêcher les Congolais de suivre l’évolution de l’Affaire Mokoko.

Il faut cependant dire aussi que les Congolais savent que cette lutte menée malicieusement par le gouvernement sous la pression du Fonds monétaire international ne va concerner que quelques « petits poissons » que le clan veut écarter de la scène politique.

Qui est le grand délinquant politique et économique du Congo ?

Pour les Congolais, le grand délinquant politique et économique du Congo, n’est autre que Denis Sassou Nguesso empêtré dans de nombreux crimes de sang, financiers et contre la démocratie.

En témoignent la guerre de 1997 qui a couté la vie à 400.000 Congolais, le génocide du Pool dont les dégâts humains et matériels ne sont pas encore estimés, les biens mal acquis, les viols à répétition des constitutions, les holdups électoraux.

Crimes auxquels il faudra ajouter les détournements des fonds publics, la surfacturation des marchés de l’Etat, les salaires des fonctionnaires ou conseillers fictifs à la présidence de la République, dans les ministères et les institutions constitutionnelles qui devaient faire l’objet d’une enquête minutieuse menée par des cabinets expertise en la matière.

D’ailleurs, si les responsables des partis de la mouvance présidentielle étaient sérieux, ils se seraient aussi penchés sur le statut des membres du secrétariat du PCT, qui depuis le 6e congrès extraordinaire de ce parti en juillet 2011, avaient le rang de ministre et touchaient les mêmes salaires que les membres du gouvernement. Et, ils étaient payés par le Trésor public. Ils n’ont été sevrés qu’avec l’arrivée du ministre Calixte Nganongo à la tête du département congolais des Finances et du Budget.

Aussi, les procédures devraient commencer au sein des partis. En effet, ces partis de la mouvance présidentielle qui ont en leur sein des Commissions de contrôle et de vérification ou des Comités de discipline pour certains, devraient dresser les listes de leurs camarades qui sont cités dans les affaires antivaleur. Et, les sanctions devraient donc d’abord être prononcées au sein de ces partis avant que la Justice ne s’en mêle.

Il est inimaginable que les Congolais puissent prendre au sérieux Denis Sassou Nguesso ainsi que les leaders politiques de la mouvance présidentielle lorsque, par exemple, Denis Christel Sassou Nguesso éclaboussé par des grands scandales soit pressenti pour faire partie du prochain gouvernement, être nommé au secrétariat général du Pct, et être le présumé candidat de ce parti à la prochaine élection présidentielle ? Il n’y a pas pire antivaleur.

Les partis politiques, creuset des valeurs républicaines

Les partis politiques congolais devraient, en réalité, être les lieux où germent la démocratie et les valeurs républicaines.
C’est dans ces instances politiques que devraient commencer la lutte contre les pratiques antivaleur. Un combat à l’image du Congrès national africain (Anc) en Afrique du Sud qui s’est débarrassé de son leader Jacob Zuma ayant eu une attitude antivaleur entachée de corruption et de biens mal acquis. Le parti a du reste jeté l’anathème sur ce successeur de Nelson Mandela.

En effet au terme d’une réunion extraordinaire du conseil national exécutif qui avait eu lieu dans la nuit de lundi 12 à mardi 13 février, les délégués avaient carrément demandé à Jacob Zuma de rendre le tablier. Aujourd’hui Jacob Zuma est appelé à s’expliquer devant un tribunal de son pays pour les faits qui lui sont reprochés.

Mais avant l’Anc, c’est la Zanu-PF au Zimbabwe, le parti du président Robert Mugabe qui a donné le ton. Pourtant considéré comme l’un des héros de la lutte anticoloniale dans son pays, Robert Mugabe a été destitué par son propre parti. Il planifiait sa succession par son épouse, Grace Mugabe. Il n’y a pas pire pratique antivaleur que la tentative dynastique de Mugabe, père de l’indépendance de l’ancienne Rhodésie.
Robert Mugabe a été remplacé par l’ancien vice-président, Emmerson Mnangagwa, qui a d’abord été nommé président par intérim, après la démission de Robert Mugabe.
Mais pour le cas du Congo, les citoyens ne doivent pas rêver et croire à une telle discipline au sein de leurs partis politiques.

Non seulement parce que dans leur pays, les partis politiques sont des propriétés privées et des sources d’enrichissement pour ceux qui les dirigent, même lorsqu’ils n’en sont pas les pères fondateurs, mais aussi parce que c’est en leur sein que les auteurs des crimes de sang, de démocratie et de politique trouvent protection. C’est une culture antivaleur héritée du système monopartite lorsque le parti dirigeait l’Etat. Et, que les membres des partis uniques étaient des intouchables au-dessus de la loi.

Des audits menés par des cabinets privés d’expertise

Pour que les Congolais croient à cette lutte de Sassou contre les valeurs négatives et pour laquelle il a pris un engagement solennel dans son message sur l’Etat de la nation devant le Parlement réuni en congrès, le 30 Décembre 2017, il faudra que les audits soient menés par des cabinets privés d’expertise, et qu’ils concernent tous les secteurs de la vie nationale : Pétrole, bois et autres matières premières, contrôle des effectifs dans la Fonction publique, contrôle des marchés de l’Etat et de la qualité des ouvrages réalisés.

Mais, des enquêtes doivent être aussi menées pour tout ce qui concerne les crimes de sang et contre la démocratie.
Car, le problème congolais ne concerne pas seulement les détournements des deniers publics ou la mauvaise gestion mais toutes les dégradations de valeurs éthiques.
La crise multidimensionnelle que connaît le pays est aussi due à l’impunité dont profite, au premier chef, Denis Sassou Nguesso.

Vous voulez mener une lutte contre l’idéologie antivaleur au Congo ? Il faut renverser les valeurs négatives en valeurs positives. Voilà ce que les Congolais veulent et attendent de vous !

Le contraire de cela ne sera que diversion. Aujourd’hui, vous écrivez l’histoire du Congo au brouillon. Le temps viendra où les Congolais, l’écriront au propre, quand la morale sera une valeur ajoutée ! C’est inévitable !

Serge Armand Zanzala, journaliste et écrivain

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