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Dernier hommage de la diaspora à Bernard Kolélas

« Ndalla Graille est mort et Guy Kinfoussia évacué à Paris » : c’était la rumeur qui circulait dans la foule présente au funérarium de Paris où reposait la dépouille de Bernard Kolélas. Décidément c’est la loi de série, se dit la foule désabusée par toutes ces morts qui décimaient petit à petit la classe politique congolaise. La rumeur du décès de Graille s’avèrera fausse.

Chronique nécrologique

Mort dans la nuit du jeudi au vendredi 13 novembre 2009, la levée du corps de Bernard Kolélas a eu lieu ce mercredi 19 novembre au funérarium des Batignolles à Paris. Assurément c’était un grand chef dans la pure tradition kongo/lari qui vient de quitter ce bas monde. La notoriété d’un homme se mesure par la taille de la foule qui lui rend hommage lorsqu’il n’est plus en vie. Une foule énorme est venue dire adieu à Bernard Kolélas. Mais, au grand dam des inconditionnels de « Tâta Kolélas » certains estimèrent cette foule moins importante que celle qui honora André Milongo à son décès, ici à Paris, ville où, selon notre confrère MWINDA, les hommes politiques congolais viennent se cacher pour mourir.

Comparaison n’est pas raison, certes ; mais ce n’est pas une raison pour ne pas comparer le niveau d’affluence humaine suscitée par chaque cadavre de chef, car Kolélas, n’eut été l’irrationalité de son parcours politique, aurait été l’objet d’obsèques dignes d’un homme d’Etat, en présence des officiels de l’Etat français et, peut-être même de la classe politique française, de Chirac à Aubry, en passant par Sarkozy et Ségolène.

Moïse

Cet homme, certains, dans l’imaginaire du pouvoir, l’avaient assimilé à Moïse. Ils n’ont pas eu tort, car comme le héros biblique, le Moïse Kongo n’a pas vu la terre promise : un Congo libéré de toute souillure dictatoriale. Mais fut-il investi d’une fonction divine, cet homme n’était qu’un homme ; humain trop humain dont la dépouille reposait dans une bière en bois ; le masque figé de la mort donnant à son visage l’air serein de ceux qui n’ont plus de comptes à rendre à ce monde, si ce n’est à Dieu le Père. La foule, contenant difficilement son émotion, pleurait en silence au fur et à mesure qu’elle s’approchait du cercueil. De confession salutiste, Bernard Kolélas reçut les derniers sacrements sous l’office d’un prêtre de sa religion qui, entre autres passages de La Bible, fit lire un verset de la première lettre de St-Paul aux Colossiens.

Magie

Le syncrétisme, cela va sans dire, fut de mise. Ainsi va l’ambigüité de cette Afrique où le sacré et le profane sont intimement liés, le religieux et le païen fortement associés, la raison et la folie étroitement mariées. Il se passa quelque chose dont le contenu métaphysique ne peut se passer de commentaires. Après le sacrement chrétien de la dépouille, le rituel bascula. La mystique kongo prit indubitablement la relève. Soudain, une clameur jaillit du cercle parental de Kolélas. Les connaisseurs y décelèrent l’expression du rite profondément mystique du Lémba. On ne sait si Kolélas était maçon ; on se doute qu’il fut initié au rite du lémba. Les membres du clan parental du défunt (enfants, neveux, petits-fils) firent un cercle magique autour de la dépouille de Kolélas dans l’austère cadre mortuaire de la morgue. Les parents proches firent donc corps autour du corps du mort, se tenant main dans la main. Puis du cercle magique fusa en chœur un cri de cœur qui fut entendu des vivants et certainement des morts. On savait Kolélas charismatique, on venait d’en avoir la preuve. Incantations et mises en demeure furent prononcées avec solennité : « Que ceux qui t’ont fait ça, fassent leur croix » dirent en substance les membres du lignage. Rappelons que Kolélas n’est que décédé à 72 ans alors que l’homme, en général est programmé pour vivre jusqu’à 120 ans.

La salle funéraire du reposoir de Batignolles n’était pas assez grande pour recevoir la foule immense venue rendre hommage à celui qu’on appelait également le Nkoumbi de Total. On reconnaissait les représentants de l’Etat, notamment le personnel de l’Ambassade sous la direction de son Excellence Henri Lopes et de monsieur le Consul. Entre autres personnages, on signala la présence des représentants des partis politiques, notamment Victor Tamba-Tamba de l’Upads, Didier Mahouèle (Upads), Mme Jocelyne Lissouba (Upads). Dans la foule, se remarquaient également Me Dominique Nkounkou, Me Tony Moudilou (Premier ministre du gouvernement en exil), Jean-Claude Mayima-Mbemba, Sita Bitori (sénateur MCDDI), Abel Mokono (ancien maire MCDDI de Bacongo), Colonel Marcel Touanga (Président des parents des Disparus du Beach)

Financement

Le PCT, physiquement absent, était symboliquement présent. La prise en charge des funérailles incomba au Parti-Etat, le PCT, qui, comme chacun sait, fut l’allié circonstanciel du MCDDI de Bernard Kolélas ces dernières années. En prenant financièrement en charge la totalité des obsèques, le Pouvoir s’assura la garantie que les funérailles d’un si grand leader n’allaient pas déclencher des manifestations hostiles à son régime. La puissance matérielle du Pouvoir s’exerça sur le deuil de la famille politique MCDDI dès l’annonce du décès. C’est dans le cadre d’un palace de luxe (Méridien Montparnasse) qu’eurent lieu les veillées et fut offert le cocktail de l’amitié après la levée de corps.
Fauchés comme des rats d’église, ce ne sont pas les militants MCDDI de Paris qui ont réglé les colossales factures du Méridien Montparnasse, hôtel 4 étoiles.

Hymne du MCDDI

Le MCDDI a au moins respecté les dernières alliances de son chef. C’est dans un nihilisme politique absolu que le rite funéraire fut accompli à la morgue des Batignolles. Seule allusion partisane, le retentissement de l’hymne du MCDDI autour de la dépouille de l’homme dont la philosophie du parti était le développement intégral de l’être humain. L’analyse du contenu de l’hymne du parti de Kolélas renvoie à des catégories de la paix, l’amour, l’intégrité, la droiture.

Ah si les paroles pouvaient correspondre à la réalité ! Chacun sait que la violence a émaillé les rapports politiques entre le MCDDI et ses adversaires et entre le MCDDI et ses militants et sympathisants.

Pressentiment ou délire de politologue, on ne sait, on aurait dit que l’hymne sonnait comme un requiem. Quelque chose nous disait que le MCDDI venait de mourir avec son leader, emporté outre-tombe par celui qui, en vérité, l’incarna seul, envers et contre tous.

Retour au pays

La dépouille est arrivée à Brazzaville dans la nuit du vendredi à samedi 21 novembre. Elle sera exposée au Centre Sportif de Bacongo, dans le fief électoral du MCDDI, à un jet de pierre de l’ancienne résidence du leader aujourd’hui réduite en pierres du fait la violence inhérente aux mœurs politiques locales.

Prudent comme un Sioux, le Président Denis Sassou-Nguesso a écourté son séjour européen qui l’avait conduit successivement à Nice et à Rome. Il est vite revenu à Brazzaville accueillir Bernard Kolélas, un personnage tout aussi dangereux mort que vivant. On ne sait jamais de quoi est capable un peuple qui vient de perdre son chef ; un peuple qui n’a plus rien à perdre, car ayant tout perdu.

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