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Disparus du Beach : messe commémorative par la famille Touanga à Nice ce 10 mai 2009

Voici dix ans, jour pour jour, que l’irréparable a été commis à Brazzaville. 360 personnes avaient été massacrées dans la capitale congolaise après avoir été enlevées au Beach de Brazzaville. Les futures victimes rentraient de la RDC à l’issue d’un accord signé entre l’Etat Congolais, le Haut Commissariat aux Réfugiés ( HCR) et la RDC. Pris dans une souricière, près de 400 Congolais furent livrés à la horde sauvage des Cobras déguisés en militaires. Narcisse Ladislas Touanga, fils du colonel Marcel Touanga, faisait partie des malheureux compatriotes piégés par le pouvoir de Sassou.

Ce dimanche 10 mai 2009, dix ans après le crime abominable du port fluvial, la famille Touanga a commémoré ce tragique évènement en faisant dire une messe d’action de grâce en l’Eglise Ste-Jeanne d’Arc de Nice.

De nombreux invités, dont certains venus de l’extérieur, étaient présents à cette messe anniversaire. On pouvait remarquer dans la salle la présence du Dr Marcel Guitoukoulou, président de Consensus Citoyen, Cicéron Massamba, P. Tchissambou, Jean-Luc Malékat, ancien ministre sous la Transition, ainsi que les délégués de certaines organisations régionales et communales pour la défense des Droits Humains, les associations de solidarité entre les peuples d’Afrique et des départements d’outre-mer, les associations caritatives intervenant dans les secteurs d’éducation en Afrique.

La minute de silence

Au cours de la cérémonie religieuse, les cantiques ont été interprétés par La Chorale congolaise des 2 Rives, sous la direction de Darelle Lorel, Bienvenu Watoukoulou et Samuel Mbemba.

Lecture du mot de circonstance par Pierre Milandou

Allocution sans occlusion des faits

L’office religieux a été suivi d’un repas dans la salle paroissiale de la rue Caroline à Nice. Dans son émouvant et très ferme mot de remerciement, Pierre Milandou, neveu de M. Touanga , après avoir fait observer une minute de silence, a rappelé les circonstances dans lesquelles Narcisse Ladislas Touanga, 28 ans, a perdu la vie. Usant d’une nuance sémantique fondamentale, l’orateur a rappelé qu’il y a dix ans, les preuves matérielles de la mort n’ayant jamais été montrées, l’expression appropriée était « porté disparu » et non « décédé ». Les dépouilles n’ayant jamais été rendues aux familles, il n’existe nulle part aucune sépulture pour se recueillir. De ce point de vue, la cérémonie du 10 mai 2009 ne représentait pas un « retrait de deuil ». Comment faire le deuil quand, justement, l’ombre du doute plane toujours dans la mémoire des parents ? L’orateur a rappelé le discours étrange de ceux qui voudraient qu’après tant d’années, le moment soit venu de « tourner la page ». Comment oublier un si grave évènement alors que le devoir, pour ce genre de crime d’Etat, est d’opposer le Droit face au crime afin que justice soit faite. Certes, certains regardent les évènements avec indifférence parce que ce ne sont pas leurs proches qui ont été touchés. En vérité, nous sommes tous concernés et, ça n’arrive pas qu’aux autres.

Les Touanga

Ce qui est arrivé au Congo-Brazzaville a ses équivalents dans d’autres pays où des populations entières sont massacrées pour leur appartenance ethnique ou religieuse. Dans ces pays, le devoir de mémoire est de rigueur. Des stèles sont érigées, des monuments aux morts élévés. Ce ne sont que des symboles, mais ça aide à effectuer le travail du deuil.

Tués en temps de paix

Une décennie après les faits, il n’est que trop évident que les disparitions ont été suivies d’une mise à mort, indubitablement d’une exécution sommaire des 360 « raflés du Beach » comme ont pu en témoigner les rares rescapés de ce terrible génocide. La manifestation de la vérité a failli également poindre au cours du simulacre de procès des Disparus du Beach organisé à Brazzaville par les bourreaux. En dépit de la manipulation des témoins, cette pièce de théâtre judiciaire n’a pas pu empêcher la mise en évidence des flagrants délits. Par ailleurs, l’attitude de certains officiers convoqués à la barre plaidait pour la préméditation et la concertation. A force de s’abriter derrière la raison d’Etat pour ne pas en dire plus sur ce qui s’était réellement passé au Beach, le comportement des généraux de Sassou confortait la thèse de l’épuration ethnique décidée par les « vainqueurs de la guerre civile ». Pourquoi ? Par pur machiavélisme car l’ethnocide avait été planifié puis exécuté par temps de paix et, les victimes attirées dans le piège de la mort par un odieux mensonge ; on leur fit croire que la guerre était finie. Arrivés à Brazzaville, dans leur pays, le piège, diabolique, se referma sur eux. Le stratagème ayant fonctionné, à Mpila on se frotta les mains de plaisir. Le Congo venait de connaître son premier crime de masse. Du jamais vu. Près de quatre cents vies rayées de la carte, probablement, en une seule nuit ; un exploit qu’auraient envié les Nazis dans les camps de la mort.

Vue de la cérémonie durant le repas

L’obligation de commémoration

« Il s’agit d’une tragédie historique » souligne le colonel Marcel
Touanga. «  C’est le plus grand crime d’Etat du Congo-Brazzaville. Il y a
une obligation pour les parents de commémorer la mémoire des victimes
 »
ajoute-t-il « Les parents n’ont jamais fait le deuil. Les auteurs n’ont
jamais restitué les corps des victimes. Il y a obligation de commémoration parce qu’il n’existe ni chez les auteurs ni chez l’Etat une volonté d’aider par un signe matériel symbolique quelconque qui puisse permettre un fait de mémoire. C’est enfin une obligation de mémoire de la part des partis politiques auxquels avaient été assimilés les victimes. Appartenance politiques, tribales ou régionales alors que les leaders de plusieurs partis depuis, ont préféré le confort des alliances politiques à des déclarations qui auraient pu leur permettre de dégager leur responsabilité et d’exprimer leur compassion à toutes ces familles éternellement endeuillées. J’invite les parents à considérer ce mois de
mai comme un mois de deuil du fait de ce grand carnage
 » conclue-t-il.

Mort dans la fleur de l’âge

Narcisse Ladislas Touanga n’avait que 28 ans, au moment des faits. Il venait de commencer une carrière professionnelle et n’avait donc pas eu le temps de fonder une famille. Il a été brutalement arraché à l’amour de sa famille par ceux pour qui l’arbitraire reste le seul mode de gouverner les autres.

Narcisse Ladislas Touanga 1971-1999

Les auteurs narguent les parents

A cause de l’absence d’Etat de Droit au Congo-Brazzaville, une autre procédure sur les Disparus du Beach attend toujours d’être déclenchée en France où les parents des Disparus du Beach se sont constitués partie civile. Mais visiblement l’Elysée chiraquienne (puis sarkoziste) ne l’entend pas de cette oreille. Trop d’intérêts économiques sont en jeu dans les rapports avec le régime du Congo/Brazzaville à la tête duquel se trouve une pièce/maîtresse de la Françafrique. A tel point qu’un rapport de force permit à un gros gibier du Beach, le général Jean-François Ndeguet, d’échapper des mailles du filet de la justice ; ainsi qu’un autre présumé cerveau du massacre du Beach, le général Norbert Dabira.

Dans le sillage de la recevabilité de la plainte contre les familles présidentielles du Congo, Gabon, Guinée Equatoriale, ( Biens Mal Acquis,) l’espoir est permis de penser que la machine sera relancée et que justice sera enfin rendue à nos compatriotes tués au Beach de Brazzaville par des assassins qui continuent de narguer les parents.

Par Sanmorit Jean-Davy MBOKO

M. et Mme Malékat
De gauche à droite : Patrice Tchissambou, M. et Mme Guitoukoulou
Chorale congolaise des 2 Rives
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