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Réplique

Droit de réponse de M. Roger Ndokolo à M. Serge Armand Zanzala

Cher frère Serge Armand Zanzala, j’ai pris connaissance de vos commentaires sur mon article intitulé « Les investissements directs étrangers, une opportunité que les Etats Africains doivent saisir ». Je tiens à vous en remercier. Comme l’écrit Saint-Exupéry, « si tu diffères de moi, mon frère, loin de me léser, tu m’enrichis ».

Ceci dit, ne confondons pas l’investissement privé étranger et l’aide publique étrangère. Il est dit clairement dans mon article que l’aide publique étrangère se réduit comme une peau de chagrin et qu’elle ne soulève même pas l’enthousiasme des pays les plus riches. Il n’est dit nulle part que l’Afrique puisse compter sur elle pour planifier son développement. Sans doute une relecture plus attentive de l’article vous permettrait-elle de lever les malentendus.

Je n’ai pas dit que l’Afrique doive se contenter des investissements privés étrangers, mais qu’elle en a besoin, au stade actuel. Le Président actuel du Ghana, que vous mentionnez, s’il refuse l’aide publique de tel ou tel pays accueille cependant à bras ouverts les investisseurs privés étrangers. Il vous suffira d’examiner l’économie ghanéenne pour le constater.

Notre propre chef de l’Etat le président Denis Sassou N’guesso lors de son dernier déplacement dans la capitale économique n’a-t-il pas encouragé les investissements étrangers pour le développement de notre industrie et ainsi diversifier notre économie au Congo-Brazzaville ?

Et demain nous serons tous contents d’aller au Cameroun par la route, cette route (Sembe-Souanké-Ntam-frontière du Cameroun) que le président de la République s’apprête à inaugurer ce Vendredi 06/03/2020.

J’ai cité un certain nombre de pays qui mobilisent au mieux les ressources internes et noté que les Etats africains, malgré leurs faibles moyens, étaient eux-mêmes « la source principale de financement de leurs propres infrastructures ». Tout en soulignant que leurs apports demeuraient modestes, largement en-deçà des besoins chiffrables.
Je me suis volontairement abstenu de soulever la question des emprunts extérieurs auprès d’Etats ou de banques privées ou d’institutions financières multilatérales ; je n’ignore pas que l’abus ou le mauvais usage de ces emprunts conduit, à la longue, à un surendettement préjudiciable à l’indépendance du pays emprunteur. Mais ne croyez-vous pas simplifier à l’extrême en disant : «  L’Afrique est riche. Il suffit de transformer cette richesse en capitaux » ? Il n’y a pas de solution simple « suffisante » pour venir à bout d’un problème aussi complexe que la transformation d’une économie.

La réalité est que l’Afrique a besoin de capitaux, de technologie et d’expertise pour s’équiper. Si elle n’en possède pas ou suffisamment, elle ne peut s’empêcher de se tourner du côté où elle peut en trouver, quitte à en faire le meilleur usage.

Cher frère Zanzala, avons-nous les capitaux qui nous permettraient d’ériger un barrage sur le Kouilou pour l’électrification du Congo ? De combien d’ingénieurs expérimentés pouvons-nous disposer ? Et quelle technologie maîtrisons-nous pour entreprendre de manière autonome ce gigantesque ouvrage ? Vous parlez de « revalorisation des « fortunes africaines » ». Avez-vous fait une évaluation de ces fortunes par rapport aux besoins de l’Afrique ? Et quelles méthodes préconisez-vous en vue d’une telle « revalorisation » ?

Il n’y a aucune bassesse, aucune honte à s’ouvrir aux investissements privés étrangers car, en fin de compte, les bénéfices sont partagés entre l’investisseur et le pays qui reçoit les capitaux et s’offre aussi la possibilité d’accès à la technologie et au savoir-faire des projets d’investissement. L’aumône n’entre pas en ligne de compte. Nous vivons dans un monde interconnecté où les flux financiers sont en circulation constante ; tous les pays cherchent à en capter une part, qu’ils soient industrialisés ou pas, qu’ils se réclament du socialisme ou du capitalisme. « Peu importe que le chat soit noir ou blanc, l’essentiel est qu’il attrape la souris », parole de Deng Xiao ping. Voyez la Chine communiste. Voyez même Cuba qui développe la filière du tourisme ; les capitaux privés étrangers qui s’y investissent n’ont pas, à ce jour, placé ces pays sous le joug du « méchant » capital occidental.

Vous dites avoir publié un livre dans lequel vous exposez votre concept pour « aider l’Afrique à créer et compter sur son capital matériel, humain et financier ». Je vous en félicite, cher frère, tout en regrettant de n’avoir pas encore eu le plaisir de vous lire. Votre livre ne pouvait donc pas être une source d’inspiration pour mon article dont je comprends parfaitement qu’il vous ait déçu.

Vous écrivez : « c’est dans le concept du grenier et du « mbongui » qu’elle (l’Afrique) fonde sa doctrine politique, sociale et économique ». Une Afrique « communautariste », comme vous dites, semble être votre point de mire. D’autres esprits, parmi les plus éminents, ont fait ce beau rêve avant vous. Ainsi de l’expérience des villages ujamaa en Tanzanie sous Julius Nyerere. Et du fokolona, projet phare de Richard Ratsimandrava à Madagascar.

Ces tentatives et leurs suites méritent votre pleine considération, elles pourraient vous aider à affiner votre vision du devenir de l’Afrique.

Vous m’attribuez une vision qui maintient l’Afrique dans « les vieux schémas du capitalisme conçus par l’Occident pour dominer le monde ». Je vous laisse l’entière responsabilité de cette affirmation, tout en vous invitant à examiner de près les exemples chinois et cubains mentionnés plus haut et de tirer vos conclusions. Vous pourrez ainsi élargir vos horizons et parfaire votre outillage critique.

Pour finir je vous laisse méditer cette réflexion quelque du célèbre écrivain guinéen Tierno Monenembo : « Disons-le une fois pour toutes parce que c’est aussi évident que le nez au milieu du visage : ce sont nos nationalistes les plus radicaux qui ont démoli nos nations. Regardez la Guinée de Sékou Touré ! Regardez l’Algérie du FLN ! Regardez le Zimbabwe de Mugabe ! Tous des régimes de gauche, comme par hasard ! Sans doute, les pires de nos catastrophiques indépendances ! Lire aussi Robert Mugabe, l’homme qui vivait pour le pouvoir. Une époque charnière. Me revient à l’esprit le constat amer que me faisait le célèbre économiste Samir Amin, en marge d’un colloque tenu à Alger en 2012, sur Frantz Fanon : « Malheureusement, le bilan est plus positif de l’autre côté. » Maintenant que la cruelle réalité a eu raison du concert des théories faciles et des flonflons de la démagogie, reconnaissons que Bourguiba, Senghor, Houphouët-Boigny et Jomo Kenyatta ont mieux fait que les autres. On peut certes leur reprocher d’avoir flirté avec le colon et d’avoir manqué d’idéalisme panafricain, mais leur bilan s’impose de lui-même. Ces messieurs ont favorisé l’éducation et la culture, jeté les bases d’un essor aussi bien agricole qu’industriel et surtout, surtout, préservé la trame sociale, la seule clef qui ouvre sur une perspective d’avenir  ». Oui, vous avez bien lu : Samir Amin désabusé ! A bon entendeur…

Roger Ndokolo
Président du parti du Centre UNIRR
(Union pour la Refondation Républicaine)

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