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Echauffourées suite à l’annulation du baccalauréat

Echauffourées dans les grandes villes du Congo (y compris à Ollombo) vendredi 5 juin 2015 suite à l’annulation des épreuves du Bac (2015).

Un peu moins de 20.000 candidats, toutes séries confondues, s’apprêtaient de plancher sur leurs copies quand le Ministre de L’Education, Hellot Matson Mampouya, décide de mettre fin au rite pédagogique par un communiqué lapidaire. Frustrés, les lycéens ont réagi au quart de tour. C’est dans la rue que les candidats au Bac ont exprimé leur ire. Jets de pierre d’un côté, tirs de bombes lacrymogènes de l’autre : c’est le spectacle auquel le Congo, médusé, a eu droit.

Les raisons évoquées par le gouvernement pour justifier l’annulation de l’examen : les fuites massives des matières avant les épreuves.
« Il s’agit d’une cyber-attaque » a lâché Hervé-Mahickat, directeur du cabinet du ministre Hellot Mampouya en guise d’explication des fraudes.
On a parlé de foules d’élèves en train de photocopier les sujets dans les cyber-cafés de Brazzaville la veille des examens.

Les candidats au Bac ont pour la plupart trouvé l’attitude du gouvernement semblable à celle d’un voleur qui crie au voleur. Personne n’est dupe. Nombre d’observateurs estiment que les fuites pour lesquelles on a mis un terme aux épreuves sont d’ordinaire organisées au profit des candidats issus de familles dont les membres sont situés au sommet de l’Etat. Si donc il y a fraudes massives, le gouvernement ne devrait s’en prendre qu’à lui-même.

« Mampouya, démission ! » réclament les usagers des réseaux sociaux. Or il est plus facile de faire renoncer Sarkozy de revenir à L’Elysée que de demander à Sassou de virer un ministre ; a fortiori à un moment où il a besoin de soutien pour tricher en 2016.

BAC et CAN mêmes enjeux

Un intéressant parallèle est à établir ici. Les succès et défaites de notre Onze National à la CAN en Guinée Equatoriale avaient déclenché dans les principales villes du Congo les mêmes scènes de rue avec un parfum de Mai 68.
Tout semble matière à casse en ces périodes marquées par les débats sur la Constitution.

Suspendre le bac est ressenti par les couches populaires comme une provocation, une injustice qui s’ajoute à une foule d’autres injustices. Comme après la CAN 2015, la rue a encore servi de lieu de défoulement général. Voitures incendiées, pneumatiques brûlés, barrages érigés : l’ambiance a été celle d’une mini-révolution.

La farce tranquille

Le gouvernement n’avait pas trop l’air de s’inquiéter de la crise liée au Bac. Les échauffourées ont laissé Sassou insensible. Force ou farce tranquille ? Au moment des affrontements (au cours desquels on aurait déploré quelque mort) le couple présidentiel était en train d’écouter tranquillement une cérémonie religieuse en hommage au Cardinal Emile Biayenda tué en 1977 dans des conditions abominables. C’est comme si Blaise Compaoré demandait une messe d’action de grâce pour le repos de l’âme de Thomas Sankara.

Inégalités sociales

Les sociologues de l’Education sont unanimes : l’école est une machine qui reproduit les inégalités sociales. S’il y a un lieu où on fabrique l’injustice c’est bien l’école. Dans un pays comme le Congo où les écarts économiques sont importants entre une minorité très riche et une immense majorité très pauvre, tout est matière à attiser des mouvements sociaux. Avec un taux de réussite au bac de moins de 30%, parmi ceux qui se sont jetés corps et âme dans les émeutes, très peu avait la chance d’obtenir leur parchemin à l’issu des examens. Rien ne dit que la casse du 5 juin 2015 n’est pas un alibi pour en découdre avec un régime extrêmement impopulaire dont le chef veut se maintenir à vie au pouvoir.

5 juin 1997 - 5 juin 2015

Tout ce que fait le Pouvoir de Sassou irrite les Congolais. Jamais un Président n’a eu sa cote de popularité aussi basse que celle du « bâtisseur infatigable. » Tous les prétextes sont bons de faire savoir qu’on n’aime plus cet homme qui est incapable de fournir eau, électricité, éducation, santé en dépit des richesses dont regorge le pays.
Même les jeux (en septembre à Kintélé/Brazzaville) censés détourner l’attention ne présagent rien de bon pour la stabilité de l’Etat.

A l’allure où volent les cailloux contre le régime de Mpila, il y a lieu de craindre que les échauffourées du vendredi 5 juin 2015 ne soient un remake de la crise du 5 juin 1997, cette fois-ci avec le vainqueur de Lissouba dans le rôle de perdant. La symbolique des chiffres est notable. Le 5 juin semble lié à des troubles sociaux au Congo. La guerre contre les civils en 1997 démarra à cette date.

Le candidat Sassou

Sassou avec son chemin d’avenir est un mauvais élève. Recalé à tous les examens économiques et aux épreuves d’une bonne gouvernance, il s’agrippe absolument au strapontin. De plus c’est un tricheur patenté comme le montre l’article de Bitadys Bilombo sur le budget du Congo qui ne cesse d’être revu à la baisse (http://www.congopage.com/Le-budget-2015-du-Congo-Brazzaville-pique-du-nez).

S’il y a un candidat qui a démérité c’est bien Sassou, professeur en fiasco. Bachoter est le seul exercice auquel il s’est adonné en quarante ans de règne. Tribalisme, biens mal acquis, népotisme, injustice sociale, vol, gabegie sont son pain quotidien. Il ne révise jamais ses leçons.

Aussi quand Sassou met de l’ordre dans l’enseignement secondaire c’est comme Jean-Marie le Pen qui défend les Droits des Noirs au congrès du Front National. C’est de la pure hypocrisie.

Il a intérêt de potasser sa propre Constitution, de ne pas tricher avec la loi fondamentale s’il ne veut pas finir comme Blaise Compaoré recalé à l’examen de passage pour un nouveau mandat présidentiel.

Thierry Oko

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