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Bruit de bottes

Echec à l’instauration de l’Etat de siège voulu par Sassou-Nguesso

On ne gagne pas à tous les coups. Et, tous les coups ne sont pas permis. En l’espace de quelques mois, le khalife d’Oyo, Denis Sassou Nguesso, vient d’en faire l’amère expérience. Les mauvaises nouvelles s’amoncellent sur le ciel du Congo-Brazzaville au dessus duquel les astres étaient comme alignés pour le fils de «  Mama Mouébara  » depuis 1977 , année de l’assassinat du Commandant Marien Ngouabi et du Cardinal Emile Biayenda.

Les coups d’Etat, les coup fourrés, les faux procès, les chausse-trappes, tout lui réussissait. Ne restait plus qu’à marcher sur l’eau. Mais, depuis quelques mois, la machine s’est enrayée. Il y a comme un grain de sable qui empêche l’homme d’Edou-Penda de dérouler son calendrier politique. Les déconvenues politiques s’accumulent au rythme du métronome.

Après l’atterrissage manqué de Christel Sassou Nguesso à la tête du Parti congolais du travail (PCT) pour une succession dynastique, voilà que Denis Sassou Nguesso vient d’essuyer un nouveau tête à queue. Le projet d’institution de l’Etat de siège à la faveur de la prorogation de l’Etat d’urgence sanitaire à subi un revers. En effet, le parlement a été convoqué en session extraordinaire afin d’examiner le projet de loi qui donnera au Chef de l’Etat la possibilité de proroger l’état d’urgence sanitaire au Congo-Brazzaville, prorogation rendue inéluctable par l’accélération de la pandémie dans ce petit pays pétrolier d’Afrique centrale. Il n’est nullement question d’un projet de loi instaurant l’Etat de siège.

Le parlement ne ment pas

Le Sénat et l’Assemblée nationale ont adopté, le 19 avril, à Brazzaville au terme d’une session spéciale, le projet de loi autorisant le président de la République à proroger la durée de l’état d’urgence sanitaire pour une période de vingt jours.
Le présent projet de loi, selon les deux chambres, vise à donner à l’Etat non seulement les moyens supplémentaires pour faire face à la pandémie du coronavirus mais également l’encadrement juridique nécessaire pour agir au quotidien et faire respecter le confinement en cours. L’état d’urgence sanitaire, ont rappelé les deux chambres, donne en effet pouvoir au gouvernement de prendre par décret les mesures générales limitant la liberté d’aller et venir, la liberté d’entreprendre et la liberté de réunion et permet de procéder aux réquisitions de tout bien et services nécessaires afin de lutter contre la catastrophe sanitaire.

« C’est une loi que nous pensons être essentielle dans le cadre de la gestion de la pandémie du Covid-19, vu son ampleur sur la planète terre  » a déclaré le ministre de la Justice, des Droits humains et de la Promotion des peuples autochtones, Aimé Wilfrid Bininga, venu édifier les deux chambres sur la question. Ce dernier a, en outre, signifié : « Notre pays a enregistré ses premiers cas au milieu du mois de mars, ce qui nous a permis de nous arrimer aux dispositions universellement approuvées qui ont fait leurs effets sous d’autres cieux et qui dans notre pays intègrent les situations pour lesquelles le constituant donne prérogative exceptionnellement au président de la République de décréter l’état d’urgence. C’est ce qui a été fait. Depuis le 31 mars, le président de la République a décrété l’état d’urgence et instruit le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires » ((Les dépêches de Brazzaville, 20 avril 2020).

Profitant de cette aubaine, « l’occasion faisant le larron », Denis Sassou Nguesso, machiavélique, tablant sur l’incrédibilité des parlementaires, a voulu faire passer la loi instituant l’Etat de siège au Congo-Brazzaville. La confiance n’exclut pas le contrôle. Une fois n’est pas coutume. Le Congo ne connaît pas de péril imminent (insurrection armée ou invasion étrangère). Vouloir instaurer un état de siège suscite beaucoup d’interrogations.

Sursaut

Patatras, le projet de loi qui proroge le confinent ne parle de l’adoption de l’état de siège. Par un sursaut l’Assemblée et le Sénat n’ont pas suivi la proposition de Sassou. Qu’est ce qui s’est passé pour que le parlement, d’ordinaire docile, fasse avaler une couleuvre à Sassou ? Faut-il y voir la main de Pierre Ngolo quant on sait que le même Ngolo fit barrage au projet de Sassou d’installer son fils à la tête du PCT ?

C’est quoi un état de siège ?

En temps de paix, l’état de siège est un régime exceptionnel et temporaire proclamé par un gouvernement pour faire face à un péril imminent en vue du maintien de l’ordre public. L’armée remplace la police pour la sécurité publique ; les tribunaux civils sont remplacés par les tribunaux militaires ; surveillance accrue de la population…

En voulant instaurer un état de siège, le dictateur Sassou-Nguesso a dans sa ligne de mire l’élection présidentielle de 2021. Il envisage de nommer les militaires acquis à sa cause aux postes de préfets, sous-préfets et maires pour mieux organiser la prochaine fraude électorale dont les contours se dessinent sous nos yeux (Congo-liberty, 18 avril 2020).

Le rejet du projet de loi escompté par Denis Sassou Nguesso d’instaurer l’Etat de siège au Congo-Brazzaville pour s’octroyer les pleins pouvoirs policiers, militaires et judiciaires comme en mars 1977 (lorsque les contre-révolutionnaires étaient envoyés au petit-matin ) marque la première déculottée institutionnelle infligée au khalife d’Oyo. Est-ce « le commencement des douleurs  », pour reprendre le titre du roman de Sonyi Labou Tansi ? L’Etat de siège n’aura pas lieu.

Toutefois, les violences policières sont monnaie courante. Les populations du Congo-Brazzaville vont-elles s’engouffrer dans la brèche pour sonner la révolte ? Pourquoi Sassou s’est-il obstiné à vouloir un état de siège au forceps alors qu’il existe déjà de fait ?

Benjamin BILOMBOT BITADYS

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