email

Entretien avec Mambou Aimée Gnali

Rencontrée au cours de la commémoration du vingtième anniversaire du départ pour un autre monde de Gérald Tchikaya U Tam’si [1], madame Mambou Aimée Gnali a accepté de bonne grâce de nous accorder une entrevue, le lendemain matin, dans sa maison du quartier Mpita à Pointe-Noire.

La propriété familiale est superbe et non clôturée, une allée de cocotiers accueille le visiteur, quelques maisons coloniales sont érigées sous de beaux arbres. Madame Gnali habite la seconde. Elle vient de rentrer… Je l’attends sur la terrasse. Elle arrive en s’excusant de son retard, le dernier numéro de la "Semaine Africaine" à la main. Elle se réjouit d’entrée de la victoire d’Hillary Clinton aux primaires de Pensylvanie. Je lui fais remarquer que quel que soit le candidat choisi par les Démocrates, elle ne pourra que s’en réjouir. Elle acquiesce en manifestant quand même sa préférence pour le genre. Obama est encore jeune, dit-elle, il pourra se représenter…

Ya Sanza : Madame Mambou Aimée Gnali, pour nos lecteurs qui ne vous connaissent pas, voulez- vous vous présenter brièvement ?
Mambou Aimée Gnali : Vous savez, j’ai déjà quelques années alors j’ai fait beaucoup de choses… Je suis professeur, par vocation. C’est un métier que j’aime beaucoup. J’ai commencé par enseigner le français, ici au Lycée Victor Augagneur, puis à l’Ecole Supérieure d’Afrique Centrale, dont le siège était à Brazzaville. De là je suis partie pour l’UNESCO où je suis restée 20ans. Quand on me le demande, je réponds que ma spécialité c’est l’éducation.
Depuis que je n’ai plus rien à faire, j’ai trouvé encore moyen d’être professeur à l’Ecole Supérieure de Technologie où nous formons des techniciens en Maintenance Informatique. Je les forme en communication je leur apprends à écrire des lettres de motivations, des CV, à faire des exposés et aussi affronter un entretien d’embauche, savoir rédiger correctement un rapport et tout ce dont ils auront besoin dans leur vie professionnelle, dans leur expression écrite et orale.
En gros j’ai fait un peu de tout ; j’ai été député et première adjointe au Maire de Pointe-Noire et puis j’ai été Ministre de la Culture et des Arts chargée du Tourisme.

YS : A l’heure actuelle dans l’opposition, on vous reproche beaucoup cette expérience dans le gouvernement… Sassou II si je ne me trompe pas.
MAG : Oui, oui après la guerre c’était en 1997…
YS : C’est vrai que dans ce gouvernement votre poste ressemblait à un strapontin compte tenu de votre budget, vous n’aviez pas grand-chose pour travailler…
MAG : Voilà comment ça s’est passé. Vous savez ici on a tendance à vous enfermer. Comme je vous l’ai dit ma spécialité, c’est l’éducation donc je les voyais venir (rire), le Ministère de l’Education me pendait au nez. Ici, pour rien au monde je n’accepterai d’être ministre de l’éducation parce que, ce qu’il y a à faire personne n’est prêt à le faire. Il faut une réforme de fond en comble de l’éducation en Afrique. Pendant les 20 ans où j’ai travaillé à l’UNESCO, je ne me suis pratiquement occupée que de réformes de l’enseignement en Afrique qui ont toutes compètement foiré. Toutes, dans toute l’Afrique. Il y a des pays où ça un peu pris, certains aspects ont été développés, d’autres pas.
Par exemple, je suis à fond pour l’enseignement dans les langues locales. Dans les pays anglophones ça marché. C’est d’ailleurs là bas une tradition. Au Nigéria, au Kenya, dans tous ces pays, ils ont l’habitude de commencer, au moins les deux premières années, en langue locale puis, petit à petit, on passe à l’Anglais. Il y a quand même une base qui reste. Mais dans les pays francophones on n’a jamais réussi à obtenir même ce minimum là.
Etre ministre de l’éducation, et faire semblant de faire passer le BAC ça ne m’intéresse pas.
YS : Remarquez qu’il n’est pas étonnant que dans les pays qui ont été sous domination française on ne fasse rien pour promouvoir les langues locales. On ne les a jamais favorisées en France. Il n’y a dons pas à s’étonner que la France n’ait pas laissé de tradition dans ce sens dans les pays qu’elle a colonisés.
MAG : Oui mais la France parle quand même français, même s’il y a des langues locales…
YS : En France il y a l’alsacien, le basque, le corse, le breton, le catalan…
MAG : C’est vrai, mais chez nous c’est le français qui est la langue officielle ce n’est même pas le Lingala ou le Kituba…
Il y avait donc tout ce contentieux…
On ne savait pas où me caser, mais on voulait m’avoir au gouvernement. Alors là, on ne m’a pas consultée, j’ai entendu un jour à la radio que j’étais ministre de la culture. J’ai longtemps hésité, j’y vais, j’y vais pas et puis finalement, après avoir discuté un peu autour de moi, on m’a dit : «  Vas-y, tu verras, si ça ne va pas tu t’en iras…  ». Finalement j’y suis restée presque cinq ans.

YS : Quelles ont été les circonstances de votre départ du gouvernement ?
MAG : Je me suis très vite rendue compte que ce n’était pas ce que je voulais. Ce qui m’a le plus déçue, c’est le mutisme des collègues. Quand on faisait une proposition, à la limite, il y avait une ou deux voix qui allaient dans le même sens, et puis les autres se taisaient carrément. Ils ne vous combattaient même pas, ils ne disaient rien. Au fond ma présence en ces lieux ne changeait rien. Que ce soit moi ou quelqu’un autre qui soit là c’était exactement pareil. C’est ce que je continue à penser d’ailleurs. Le journaliste d’Hexagone, monsieur Gilbert Goma, que vous connaissez peut-être, m’interviewait dernièrement et il me disait : « Et s’il ya un gouvernement d’Union Nationale ?  ». D’abord je ne crois pas en un gouvernement d’union nationale et aujourd’hui moins que jamais, parce que quand on est dans ces institutions là, on n’a pas la possibilité de s’exprimer. Alors, ça sert à quoi d’avoir tous les partis ici. De toute façon, c’est le parti au pouvoir qui l’emportera. Donc ça ne sert à rien, on ne peut pas parler on ne peut faire aucune proposition. Quand on fait une proposition ou une contre proposition, il faut que ce soit alimenté par un débat, mais il n’y a pas de débat. C’est oui ou non. On est pour ou on est contre. Et en général on est pour le point de vue du Président. Alors je ne vois pas l’intérêt d’un gouvernement d’union nationale. Ce n’est pas la peine de tromper les gens et de faire croire que…

YS : Vous vous engagez aujourd’hui aux cotés du général Emmanuel Ngouélondélé qui est exclu par la constitution de la course au pouvoir…
MAG : Moi-même aussi… (Grand éclat de rire) Là je vous ai coupé l’herbe sous le pied…
YS : Oui, je me retrouve comme un idiot avec ma question…
MAG : Remarquez, c’est très bien que vous ayez amené le débat sur cette question, parce que, quand on a créé le parti, ça a été tout de suite : « Oui, ce sont toujours les même etc. ». Ça prouve au moins que nous sommes désintéressés. Moi, je n’ai jamais demandé la révision de la constitution, je sais qu’il y en a beaucoup qui l’ont fait. Donc quand je m’engage dans un parti d’opposition, ce n’est pas pour moi, c’est pour le pays et c’est pour l’avenir. Je vous remercie de m’avoir tendu cette planche là parce qu’il faut que les jeunes comprennent que si on fait quelque chose aujourd’hui, ce n’est pas tant pour nous que pour eux. C’est ce qu’on nous a reproché dans "Mwinda", ils nous ont tous reproché « Oui, ce sont toujours les même. », mais eux, où est-ce qu’ils sont ? Or c’est la grande majorité, le Congo est composé à 80% de jeunes, mais où est-ce qu’ils sont ? Ils sont tous, ou presque, dans la mouvance présidentielle. Bon, je les comprends, ils ont besoin de boulot, ils ont besoin d’évoluer…
YS : Ce qui est terrible c’est qu’ils vont demander de l’aide à des gens qui ne sont pas à même de leur en apporter…
MAG : Oui, et quand d’autres disent qu’ils vont faire des choses, ils sont tout de suite suspects. Non, je suis entrée là dedans, ce n’est pas pour moi. Je le dis, je l’ai fait à cause de mes petits enfants. J’ai trois petites filles et je ne veux pas qu’elles vivent ce que nous sommes en train de vivre en ce moment. Pour moi c’est inadmissible. Nous n’avons pas vécu ça quand nous étions jeunes. Nous avons eu une belle jeunesse. On s’est beaucoup plaint du colonel mais on était beaucoup mieux sous le colonel que ce qu’on est aujourd’hui. Ça je le dis sans me renier, sans renier tout ce que j’ai fait pour l’Indépendance, je dis simplement que l’avenir était plus rose pour les jeunes de ce temps là qu’il ne l’est aujourd’hui. Mais il faut que les jeunes le comprennent et qu’ils viennent avec nous et pas qu’ils nous attaquent parce qu’on a créé un parti d’opposition. C’est nous qui disons les choses comme elles doivent être dites. D’ailleurs les autres ne parlent pas. Entend-on un ministre parler ? Entend-on un député parler ? Entend-on un sénateur parler ? La plupart de ceux qui suivent, la plupart de ceux qui sont au RMP [2] pour ne pas le nommer, ne travaillent ni pour le peuple ni pour ce pays. Il faut quand même qu’ils fassent la différence entre le mutisme des uns et ce que nous disons nous et qui va quand même dans le sens de leur avenir. C’est une manière de leur construire un avenir, ce qui n’entre absolument pas dans les préoccupations des autres.

YS : Le PAD auquel vous avez adhéré a des thèses qui ne sont pas foncièrement différentes de celles développées par l’aile conservatrice du PCT qui entre en opposition. Qu’est-ce qui vous en différencie ?
MAG : (Hésitation) Moi je ne suis pas du tout d’accord avec vous, quand vous dites des thèses qui ne sont pas très éloignées, à quelles thèses faites-vous allusion ?
YS : Ecoutez, Steve Elenga fait aujourd’hui au nom des conservateurs du PCT les mêmes reproches à Sassou que ceux quez j’ai pu lire dans les courriers du général Ngouélondélé.
MAG : Moi mon problème ce n’est pas Sassou, c’est la politique de Sassou. Ce n’est pas la même chose. Alors c’est vrai, quand le Général Ngouélondélé dit que Sassou doit partir, il ne le dit pas comme ça, pour le plaisir, mais il le dit bien « …c’est parce que je ne reconnais plus le général que j’ai servi. ». Donc effectivement Sassou ne s’est pas amélioré. Moi je n’ai jamais été pro-Sassou donc que ce soit Sassou I, Sassou II ou Sassou III, pour moi c’est exactement la même chose. Mais Ngouélondélé a servi Sassou et apparemment en l’appréciant beaucoup, en ayant beaucoup d’estime et de considération pour lui. Et aujourd’hui, il ne reconnaît plus l’homme qu’il a servi.
Ceci pour dire que je n’ai pas les mêmes repères. Pour moi, Sassou ça a toujours été mauvais. Et aujourd’hui, ce que je trouvais mauvais avant, çà n’a pas tellement évolué… Ce que je reproche à Sassou c’est des choses comme la route par où vous venez de passer. Vous trouvez normal que dans la capitale qui produit le pétrole on ait des voies de circulation qui ressemblent à ça ? Bon, là c’est pour venir chez moi, mais même en ville. Alors, l’argent du pétrole va où ?
YS : Vous avez une réponse ?
MAG : Oui, j’ai une réponse, parce que je vois quand même qu’il y a des gens qui s’enrichissent. Il y a de plus en plus de milliardaires au Congo, et d’où sortent-ils cette richesse là ? Ces gens n’ont pas une seule entreprise ici ou ailleurs, ils n’ont rien qui crée la richesse. C’est ça que je reproche à ce régime et c’est ce que je reproche aussi à ceux qui s’enrichissent, Mais s’ils s’enrichissent qu’ils le fassent au moins en donnant du travail aux autres. Si c’est pour aller acheter des maisons à Paris ou à Dubaï, ou je ne sais où, acheter des voitures qui ne leur servent même pas, puisqu’ils n’y a pas de route pour rouler avec. Alors à quoi ça sert ? Mais qu’ils nous le laissent [l’argent] nous on saura quoi en faire. Il y a 60% des congolais qui n’ont pas accès aux soins de santé, alors qu’actuellement le baril est à 120 dollars, il ne faut pas exagérer. Et l’école c’est la même chose, un congolais sur deux va à l’école, et quelle école ? Moi j’ai des BAC+2 et je vous assure, il faut voir comment ils écrivent le français… C’est ça qu’on devrait faire avec l’argent.
Et le PCT il nous dit quoi ? Qui dirige le RMP ? Ce sont des anciens PCT…
YS : On ne peut plus considérer qu’il existe encore un PCT unitaire…
MAG : Oui, d’accord, mais ça ce sont des querelles internes, je n’entre pas là dedans. Moi je dirai que nous avons les mêmes thèses le jour où je les entendrai dire qu’il faut construire des hôpitaux, qu’il faut construire des dispensaires, mais ils n’ont pas ce langage là, et c’est pourtant ça qui est important pour moi, c’est de donner de l’eau aux populations, c’est de leur donner du courant, c’est de leur permettre d’accéder gratuitement à l’éducation. Dans la plupart des pays producteurs de pétrole les soins médicaux sont gratuits, pas chez nous, les écoles sont gratuites, pas chez nous. Il y a même des pays qui ne sont pas producteurs de pétrole où l’école est gratuite. C’est un scandale ce qui se passe chez nous.

YS : Aujourd’hui, aucun observateur ne donne Sassou gagnant si les élections sont organisées de façon régulière. Pourtant personne ne doute qu’il sera réélu. Pensez-vous qu’il soit quand même possible qu’il soit battu ?
MAG : C’est pour ça que nous luttons, pour que les élections soient libres et transparentes. Effectivement çà… je ne sais pas, mais nous luttons pour ça. Nous sommes de plus en plus nombreux à le demander, j’espère qu’on va y arriver. Mais si on n’y arrive pas il faut qu’on ait un très bon candidat et un candidat unique. Un seul candidat et je crois que nous sommes en mesure de battre Sassou. Un peu comme ça s’est fait au Zimbabwe, bon, ce n’est pas encore réglé, mais on y parle de plus en plus d’un gouvernement d’unité nationale, enfin je viens de vous le dire, je n’y crois pas. Ca veut quand même dire que quelque part Mugabe est en train de mettre de l’eau dans son vin. Il y a deux ans et même six mois, je ne pensais pas qu’il pourrait envisager de proposer un gouvernement d’unité nationale. Si au Congo nous en arrivons là ce ne sera déjà pas mal. C’est pour ça qu’il faut qu’on fasse un front unique avec tous ceux qui se disent d’opposition, et même ceux du PCT, puisque vous dites, vous prétendez être sur la même longueur d’onde. Il faut que nous parvenions a avoir une plateforme commune avec tous ces gens là pour exiger que les élections se passent d’une autre manière qu’elles se sont passées au moment des législatives.

YS : L’expérience de l’alternance démocratique au Congo s’est traduite par un échec cuisant. Lissouba partait de toute manière perdant avec une fonction publique issue du PCT et toute acquise à celui-ci, ce n’étaient certainement pas des conditions favorables à une réussite…
MAG : Oui, moi j’ai toujours dit que c’est Lissouba qui est responsable du retour de Sassou…
YS : C’est un point de vue. Ceci dit, si demain Sassou était battu, la donne a-t-elle changée et le nouveau président pourrait-il compter sur l’administration ?
MAG : Nous avons un problème avec l’administration, comme nous le disions tout à l’heure et ça ne s’est pas arrangé, ce n’est pas parce qu’elle était PCT ou pas PCT. En fait il n’y a plus d’administration. Actuellement nous sommes dans une situation de non Etat. Rien ne marche, on expédie les choses au jour le jour, tant bien que mal. Je cois que la première chose à faire, justement, ce sera de reprendre en mains toute cette administration.
Vous savez, l’avenir, je ne le vois pas tout rose. Je ne vois pas ça comme une promenade de santé, absolument pas, je crois même qu’il faudrait… je ne voudrais pas prononcer le nom de dictature mais il faudra être ferme…
YS : Il faut serrer les boulons ?
MAG : Ah ! faut serrer les boulons ! Il-faut-ser-rer les boulons ! Il faut remettre de l’ordre, surtout dans l’administration. Nous n’avons plus d’administration. Pourtant nous avions une des administrations les plus performantes d’Afrique. On nous citait en exemple.
YS : On l’exportait ?
MAG : Oui, absolument on exportait des cadres congolais. Malheureusement e n’est plus ça aujourd’hui.
Si on veut rétablir l’ordre, il faut une certaine fermeté. Je préfère le dire, annoncer les couleurs. Que les gens ne s’imaginent pas que quand nous serons là tout ira bien. Nous travaillerons dans le sens du progrès social, mais en même temps pour qu’il y ait le progrès social, il faut… Si la douane continue à voler l’argent. Si les impôts… Si toutes les administrations piochent dans la caisse, finalement qu’est-ce qui nous restera quand nous voudrons donner de l’eau aux gens. Il faut qu’on mette de l’ordre dans tout ça. Du coup je ne me souviens plus très bien de la question de départ…
YS : N’ayez crainte vous y avez clairement répondu…
J’arrive au bout de ce que j’avais préparé, et je dois dire que je n’espérais pas pouvoir aller au bout de mes questions.
En tout cas je vous remercie beaucoup de m’avoir accordé autant de temps.
On m’avait dit :
« Tu as rendez-vous avec Gnali, tu vas voir, elle a une grande gueule. » Je confirme !
MAG : (Riant) Ben moi, j’ai commencé tôt, à la FEANF [3]. Vous savez, pour nous, la FEANF nous a un peu servi d’école de ce point de vue là et moi, je ne parlais pas beaucoup à la FEANF, j’apprenais. Ca nous a donné de l’assurance, on écoutait les gens parler. Et puis j’ai eu l’expérience de mon père… La conversation, hors interview, se poursuit plus d’une demi-heure en même temps que l’enregistrement. Madame Gnali le sait et ça ne la dérange pas. Elle parle… Et de toute évidence elle aime parler.

Quelques morceaux choisis :

  De son entrée au gouvernement : Je dois dire quand on m’a présenté la chose, m’a parue assez séduisante, c’était le 25 octobre, et ce jour là j’ai vu tout le peuple qui s’était réfugié dans les forêts revenir à Brazza. C’était comme un immense espoir. Et le Président m’a dit textuellement ceci : « Voyez dans quel état est Brazzaville, je voudrais avec moi une équipe pour reconstruire Brazzaville. ». Je suis peut-être naïve, mais quand on me parle comme ça… J’ai cru en la perfectibilité de Sassou, j’ai cru qu’il avait changé…

  Du fonctionnement du conseil des ministres : Il ne se passe rien au gouvernement, personne ne m’y a jamais rien demandé… On ne demande rien à la plupart des ministres. Il n’y a pas de plan de développement gouvernemental. On travaille si on veut. Je crois aussi qu’on décourage les ministres, chaque fois que vous demandez de l’argent, on vous répond qu’il n’y en a pas.
YS : Sauf peut-être pour la défense ?
MAG : Oui, là je pense qu’il n’y a pas de problème. C’est la seule chose qui fonctionne.

  Du train de vie de l’Etat : Vous savez que l’Etat vis sous un grand train. Quand j’étais ministre on parlait beaucoup de la réduction du train de vie de l’Etat mais on n’a jamais rien fait. Et ça continue.

  De Jean-Baptiste Tati-Loutard : Elle dit toute l’admiration qu’elle a pour l’homme. Elle loue ses efforts auprès des pétroliers pour qu’ils investissent dans les infrastructures. Pour elle, il est l’élément positif du gouvernement.

  De la lucidité de Sassou : Je crois qu’il ne se sent plus, il a complètement décollé dans les nuages, il ne voit plus le pays tel qu’il est. J’en suis convaincue. Il faut l’obliger à mettre le nez dans la pagaille qu’il a créée

  Des salaires des fonctionnaires : Je reconnais a Sassou qu’il fait des efforts pour payer les salaires. En ce moment il se charge de faire payer les arriérés et c’est une bonne chose. Mais les salaires sont trop bas, ils sont largement dépassés par le coût de la vie, alors personne ne travaille, on se fait un salaire, on monte des combines. Comment trouvez-vous normal qu’un médecin spécialiste soit payé 150 000 francs dans la fonction publique ? Alors que le plus petit chauffeur à TOTAL a le même salaire. Ca ne vaut pas la peine d’aller faire des études.

  Des éligibles : Je suis comme vous, je cherche. Je crois que dans le parti on va voir… Je vous ai dit qu’il fallait un bon candidat, mais pour l’instant je suis incapable de vous dire. Je n’en vois aucun pour l’instant. Si j’en voyais ils seraient dans la tranche d’âge de ceux qui ne peuvent plus… Ce qui est dramatique c’est que personne n’émerge, ni dans l’opposition ni dans la majorité présidentielle…

Aimée Gnali, intellectuelle brillante, parfois naïve et idéaliste, s’exprime bien. Mais elle se laisse parfois emporter par son enthousiasme, Cf le terme de dictature, même si elle tente de le tempérer, auquel elle fait référence pour dire qu’il faut une grande fermeté et l’insistance avec laquelle elle demande de la rigueur. Il est aisé de lui en faire rajouter une couche.
J’ai aimé son franc parlé même s’il me semble populiste. Est-il démagogique ? Franchement, je n’oserais pas me prononcer.
Je n’ai toujours pas mieux saisi son passage au gouvernement ni les raisons profondes de sa démission tardive. Mais cette dame est passionnante et sa conversation est un plaisir de l’esprit.
Elle ne mène pas de train de vie ostentatoire. Elle reconnaît vivre confortablement de sa retraite de l’UNESCO.

Laissez un commentaire
Les commentaires sont ouverts à tous. Ils font l'objet d'une modération après publication. Ils seront publiés dans leur intégralité ou supprimés s'ils sont jugés non conformes à la charte.