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Congolais

Hommage de BAYI SINIBAGUY-MOLLET à CALLAFARD monstre sacré de la danse et de la Sape

Ce fut une légende. Anecdote : quand Lissouba nomma Bongo-Nouara Premier Ministre, l’opposition ironisa : « autant nommer Callafard. » Edmond Ntary était à l’imaginaire congolais ce que Rastignac était à celui du Second Empire : une interaction de la mondanité et du monde politique.

Edmond Marie Antoine Ntary dit Callafard, l’un des sapeurs et danseurs congolais les plus charismatiques de la sape et de la danse avec les stars de la musique congolaise sur les deux rives a quitté ce monde à l’âge de 76 ans (09/07/1935 - 05/10/2011).

Callafard était une figure adulée en Afrique , et une légende dans le monde de la sape et de la danse afro-cubaine et européenne. Le célébrissime chanteur Joseph Kabasele a tenu a lui faire une belle dédicace à travers sa chanson « Laurent fantôme » réalisée avec l’orchestre « African Team » (ci-dessous un extrait )

Pour revenir à l’hommage de Bayi Sinibaguy- Mollet , à celui qu’il considérait comme son grand frère et son ami, ci-après, quelques extraits des mots très poignants prononcés lors de sa disparition, et qui demeurent toujours d’actualité.

"Grand frère. Edmond l’Ami, notre Ami
Aujourd’hui le sort a voulu que je sois ici, devant les hommes et devant Dieu dans cette église pour t’adresser les dernières paroles qui vont t’accompagner vers ta dernière demeure.

C’est donc en leur nom, au nom de tes amis, hommes et femmes qui t’ont côtoyé, de ton collège d’âge, de ceux qui partout dans le monde ont gardé de toi, la belle image de ta vie à Brazzaville, à Kinshasa, à Libreville, à Ndjamena, à Abidjan, au nom des plus jeunes qui voyaient en toi le grand frère !

Au nom de ceux qui en matière du mariage des couleurs sont devenus tes adeptes, il m’incombe cette responsabilité. Je te demande de me donner tout le courage nécessaire et d’inspirer mon propos en ce moment combien triste et douloureux.

Edmond ! Ce 5 octobre 2011, le jour s’est levé, avec des signes avant-coureurs et la nouvelle de ton décès qui s’est aussitôt répandue comme une trainée de poudre est tombée. C’est un véritable tremblement de terre sous nos pieds. Oui il a plu au Tout Puissant de te rappeler à lui. Bien qu’attendue, puisque l’Ecclésiaste nous l’enseigne, «  il y a un temps pour naitre et un temps pour mourir, un temps pour planter et un temps pour arracher ce qui a été planté  », la volonté de Dieu s’est faite mais ce 5 octobre restera une date de triste mémoire. Nous implorons Dieu pour nous aider à surmonter cette épreuve.
La mort dit le sage, « n’est pas l’obscurité. C’est une lampe qui s’éteint car le jour se lève ».
Encore adolescent, selon le témoignage de notre maman Cécile Nkembi, que nous appelons « Sukisa », tu as commencé à te construire. Ta première révélation a été, au hasard de ta ballade, de t’être présenté à un concours de recrutement des élèves opérateurs radio organisé par l’aviation civile. Quelques jours après, tu es avec un petit nombre des camarades proclamé admis. Ici commence ta vie professionnelle et la recherche d’une meilleure existence qui te conduit à convoiter un emploi mieux rémunéré à Air France qui venait d’ouvrir son escale de Brazzaville.

Parallèlement à tes activités professionnelles puisque, par ta position d’agent d’Air France, tu es bien informé des grands courants qui se dessinent en Europe, tu te places avec un certain nombre de condisciples dans le courant des « Existentialistes ». Aussitôt, tu te méfies du caractère sectaire que prenait ce mouvement. Tu abandonnes pour créer un nouveau Club, le « Bel âge  » qui regroupe quelques jeunes de Bacongo et de Poto-Poto parmi lesquels un des survivants Akanati, qui est inconsolable depuis ton décès.

Cependant, en ta qualité de fils de Guillaume Ntary, un évolué du Moyen Congo qui avait accédé à la nationalité française, tu es vite rattrapé par l’exigence de la nouvelle nationalité de ton père et dois te soumettre à tes obligations militaires avec, à tes côtés, des grands noms devenus officiers supérieurs et officiers généraux qui ont constitué l’ossature des Forces Armées Congolaises d’aujourd’hui tels que Raymond Damase Ngolo, Emmanuel Ngouelondelé, Bruno Nkouka et d’autres encore.

Démobilisé te revoilà dans la conquête d’une vie correspondant à ton statut. Tu te retrouves employé des Postes au Gabon. De Libreville où tu avais en permanence une vue sur la mer, le chemin de la Métropole devient pour toi une obsession. Tu t’engages à faire sauter ce verrou, à refaire justice, du fait qu’au Congo, le chemin de la Métropole n’était ouvert qu’aux étudiants.

Oui, Edmond ! Te voilà en France. Que fais-tu de ta vie ? Toi qui a pour penchant le travail de l’intelligence ? Alors Edmond toujours avec ton audace légendaire, tu intègres aux emplois de survie, la formation continue.

Tu fréquentes tes compatriotes réputés intellectuels tels que : Matsocota, Edouard Ebouka-Babackas, Martial Sinda et comme ton autre frère Tchicaya U Tamsi, et au contact des autres tu te formes, tu t’affirmes dans ton domaine des relations publiques et du commercial. Aussi, fais-tu tes armes dans les Grands Moulins de Paris du Groupe JL Vilgrain. Cadre maison de SOMDIAA, tu es formé pour l’introduction et la promotion de l’Agro-industrie en Afrique et d’abord dans ton pays d’origine, le Congo où SOMDIAA a sa filiale, la SIAN-SOSUNIARI, actuel SARIS à Jacob (actuellement Nkayi).

Le leader du Bel Age revient dans son pays d’origine comme cadre expatrié et suscite l’admiration de la génération montante qui trouve en lui le modèle à suivre. Chaque jeune de Bacongo, chaque jeune de Poto-Poto écrit ton histoire à sa manière. Les jeunes congolais rêvent désormais d’aller réussir en Métropole et dans ce fantasme, ceux qui ont suivi ton exemple de témérité, te doivent la démocratisation du chemin de la Métropole.

Tes anciens camarades « Existos » « Bel Age » et ceux de tous les autres Clubs qui ont vu le jour dans les années qui ont précédé l’indépendance et après, assurent qu’ils te doivent leur réussite.

De retour à Paris, doté d’une expérience de terrain dans l’agro-industrie, tu deviens le polyvalent et te revoilà en adultère avec l’aviation civile comme Directeur des Relations Publiques d’Air-Congo à Kinshasa, et ensuite en Belgique dans la filière Café Cacao avant d’être de nouveau rappelé par Vilgrain père, afin d’accompagner son fils dans la relance des activités de SOMDIAA en Afrique (SOSUCAM-Cameroun, C.S.T.-Tchad, SUCAF-Gabon, SUCAF-Côte D’Ivoire).

Edmond ! Tu fus en quelque sorte l’Ambassadeur Itinérant de SOMDIAA surtout, au Congo devenu un pays rouge où tes séjours n’étaient pas toujours des plus aisés. Le sucre devenu un des principaux produits d’exportation du Congo, tes séjours deviennent de plus en plus acceptables et le franco-congolais devient de bonne odeur voire patriote.

Edmond Ntary-Callafard, est dans la conscience des jeunes congolais « synonyme de l’audace ».

Edmond Ntary-Callafard est synonyme de « Kitendi » et des couleurs, un courant de longue date que les nouvelles générations dénomment « Sapeurs »
Ces moments disons-le comptent dans la vie de celui que nous pleurons. Faut-il en parler ?

Puis je parler d’Edmond Ntary-Callafard et cacher ce trait de caractère le plus expressif de sa vie ?

Une anecdote pour illustrer cette partie de la vie. A son arrivée à Paris, Edmond rencontre son frère de Poto-Poto Babackas, qui le convie à un repas dans un restaurant du quartier latin. Edmond portait sur lui un costume dit CFA mal taillé au gout de Babackas, qui lui dit «  kendè kolongola élamba oyo. Eza mabé »

L’homme qui se voyait aussi élégant qu’à Brazzaville où il dominait dans le paraître est frustré. Comme toutes frustrations suscitent réaction, Edmond se refait à travers la griffe Guy Taylor et quelques temps plus tard, il quitte ce «  couturier des étudiants et jeunes ministres africains  » pour un habilleur des grands. Il devient l’homme des griffes des grands Boulevard dont il avait seul le secret. Des pieds à la tête, il manipule couleur et aisance. Il forge un style de vie fondé sur l’élégance. Il est exigeant envers lui-même. Il devient le jeune africain du tout Paris à témoigner d’une meilleure mise. Surpassant ainsi tous les anciens de Paris. C’est le Dandy.

Spécialisé en relations publiques après une excellence formation à l’école de la rue Saint Germain. Il devient de ce fait l’inégalable. Loin de s’adonner au mannequinat, Edmond se fait un devoir, celui de mieux se vêtir. Il devient pour de nombreuses personnalités africaines, le pourvoyeur en « Kitendi  ».

Qui a dit que « la taille ne fait pas l’homme et l’habit ne fait pas le moine  » ? Chez Edmond Ntary, le taille à fait le moine et l’habit à fait l’homme. La vision que l’on projette à autrui n’est-elle pas une des clefs de réussite ? Cette clef qui a fait qui a fait de lui un ami personnel du alors Prince Albert, l’actuel Roi de Belgique.

Inégalable, il l’était également comme Salsero. Avec son jeu des pieds il introduit dans cette danse le « tricotage  » qui était sa spécialité, un ensemble des phases difficilement inimitables, devenant ainsi un des rares invités des orchestres Latino-Américains en tournée de spectacle en France.

Edmond ! Tu étais l’ami de tous. Quel que soit le statut, quelle que soit la race, quel que soit le pays, nombreuses sont des personnalités qui vouaient en toi une sincère amitié surtout dans le monde des artistes. Outre ses frères du Congo, Kallé et Franck Lassan, Don Gonzalo, Tito Puente, Papaito, Alfredo Armenteros « Chocolate », Alberto Valdes, Charlie Rodriguez, Cheo Feliciano, Oscar de Leonne, Ray Barretto, Pacheco, Roberto Torres, Pablo Juan Torres et d’autres encore, figuraient dans son impressionnant carnet d’adresses.

Oui grand frère, Oui papa, Oui oncle, Oui l’ami, Oui Edmond la coqueluche, Oui le Brazzavillois sans frontière.

«  Le livre de la vie est un livre suprême que l’on ne peut ni fermer ni rouvrir à son choix. On voudrait revenir à la page que l’on aime, et la page où l’on meurt est déjà sous nos doigts.  »
« Tu es poussière et tu retourneras en poussière dit encore l’Ecclésiaste  »

Va mon frère, Va Papa, Va Oncle, Va l’ami, Va rejoindre ceux et celles qui t’ont précédé dans l’au-delà. Va rejoindre tes frères : Joseph Kabasele-Tshamala notre Grand Kallé. Va rejoindre Gonzalo, Christian Diallo Dramey, Michel Mulenga, Laurent Masibu, Michel Mongault, Jean Pierre Elouma, Maurice Stéphane Bongho-Nouara, Ambroise Moumazalay, Jean Baptiste Lounda, Abel Dandou Bibimbou, Adzika, Miafouana-Molinard, De Mapart, Luc Nsana, Jérôme Mounganga, Jeff, ton pot le marginal, Claude Ngoma Alias le môme.

Va rejoindre Donatien Nkouka, Va rejoindre ta belle sœur Louise KEKE, Va rejoindre Ya Gaby Ondoko, Va rejoindre Thérèse Ndinghat, Va rejoindre ton Ya Michel FILA qui vient de te précéder il y a quelques jours et, pardonne moi d’avoir oublié certains
Cousin ! Au nom de tous les enfants Ntary. Au nom de toutes les sœurs. Au nom de ton épouse ROSE. Au nom de tes mamans et principalement de mama « SUKISA » que tu quittes après avoir célébrer ses Cent ans de vie sur terre, au nom de tous ceux qui, ta mort constitue une déchirure difficile à raccommoder, va en paix car c’est Thimotée 6 :7 qui nous le rappelle, « nous n’avons rien apporté dans le monde, et il est évident que nous ne pouvons rien emporter  »

Va te reposer auprès de ton cadet Ange Balossa-Ntary « Basso  »
Edmond ! Oui ta vie est un modèle. Tu as vécu une vie pleine. Tu as su utiliser tous les claviers de ton piano. Merci au nom de tous, Va, et repose en paix. Adieu - (Hommage à Callafard par Bayi Sinibaguy-Mollet)

Clément Ossinondé

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