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Il y a un an, mourrait Abel GOUMBA

Président Abel GOUMBA -

Le 30 avril 2009, soit 10 jours avant la survenance du tragique événement - événement qui nous a plongé dans une immense tristesse - nous avions fait le deuxième déplacement exprès de Paris, votre éditeur le Pasteur Shebuel MOWHOU et moi-même, afin de vous accompagner à la présentation du 2ème tome de vos « Mémoires et Réflexions Politiques, du Résistant anti-colonialiste, démocrate et militant Panafricaniste, », après celui de janvier 2006 relative à la présentation du 1er tome.

Cette journée du 30 avril 2009, fut pourtant chargée, et disons, réussie. Vous aviez magistralement défendu vos Mémoires tant devant les officiels invités à l’occasion à l’hôtel SOMBA, que devant les étudiants l’après-midi, à l’Université de Bangui.

Rien, mais en tout cas, rien ne présageait ce qui allait arriver le matin du lundi 11 mai 2009. C’est dire combien cette nouvelle nous a littéralement bouleversés.

GOUMBA, symbole de la fidélité

L’homme qui a été votre Maître à l’école Primaire Supérieure de BAMBARI vers les années 42-43, qui deviendra par la suite votre Mentor Politique en faisant naître en vous le sentiment nationaliste par ses enseignements et par la correspondance politique abondante que vous entreteniez alors que vous étiez à l’école de médecine « William Ponty » à DAKAR ; il fera de vous en 1957 le personnage politique le plus important en vous désignant Vice-Président du premier gouvernement Oubanguien sous la loi Cadre, en se réservant lui-même pour la Présidence du grand Conseil de l’AEF à Brazzaville ; enfin, après sa tragique disparition le 29 mars 1959, cet homme deviendra votre « Modèle Politique ». J’ai nommé Barthélemy BOGANDA : sa vie, son action politique, ses idéaux sont devenus votre VADEMECUM politique, ainsi que vous l’aviez promis dans l’oraison funèbre consacrée au Président BOGANDA, le 3 avril 1959 à l’occasion de ses obsèques.

Président GOUMBA, l’histoire a retenu que le dernier acte politique majeur de votre Maître, devenu votre « Mentor Politique » et enfin de votre « Modèle Politique », fût de planter le drapeau Centrafricain, j’aurais mieux dit le drapeau PANAFRICAIN, telle est la vocation de ce pays, socle de l’Unité Africaine.

En ce qui vous concerne Président GOUMBA, l’histoire retiendra que le 30 avril 2009, votre dernier acte politique majeur, a consisté à présenter vos Mémoires dans un ultime effort malgré un état de santé particulièrement fragile, et nous pouvons le dire aujourd’hui, a posteriori, pour avoir été témoins à vos côtés en vous servant quelquefois d’appuis. Mémoires dans lesquelles à chaque mot, à chaque ligne, à chaque paragraphe, à chaque page, vous avez fait la démonstration de votre indéfectible attachement aux idées de BOGANDA au prix des privations, déportation, emprisonnement, exil et j’en passe. Voilà la meilleure preuve de votre fidélité politique.

GOUMBA, symbole d’intégrité

Ceux qui ne connaissent pas l’histoire ont souvent vite fait de railler votre slogan : « Maboko Avourou », entendu mains propres, comme une démagogie politicienne, ne savent pas que dès votre entrée en politique sous La loi-cadre, vous aviez inauguré votre action par un acte frondeur dans le sens de l’intégrité.

En effet, on se souviendra que dès l’entrée en fonction du gouvernement de la Loi-cadre, le 14 mai 1957, vous vous êtes élevé contre l’acquisition des voitures de luxe, fort coûteuses destinées aux ministres, à cause des maigres ressources financières du gouvernement local.

Ce qui paraissait normal pour vos collègues africains du gouvernement, souvent aux regards hagards dus aux avantages matériels liés à leurs fonctions de ministres alors qu’ils étaient des « évolués » d’il y a quelques mois, vous, Abel GOUMBA, vous vous démarquiez, suscitant ainsi un malaise en mettant le doigt sur le décalage entre les discours moralisateurs des dirigeants politiques et l’exercice du pouvoir.

Président Abel GOUMBA, nous autres, nombreux sympathisants panafricains, vous aviez l’habitude de nous surprendre à chacune de vos visites en Afrique ou en France, en préférant séjourner dans les hôtels modestes, non pas parce que vous ne pouviez vous payer les palaces luxueux, mais pour être en conformité avec vos convictions de justice sociale et de modestie.

GOUMBA, symbole de la démocratie

Je ne reviendrai pas sur votre douloureux parcours, émaillé de brimades en tout genre pour la conquête démocratique entre 1960 et 1993, soit 33 ans. L’une des premières victimes du Néocolonialisme en Afrique noire devenu « Françafrique », vous n’avez jamais cessé de croire en l’Homme. La démocratie comme l’indépendance, a toujours été une quête. Et c’est ce que vous n’avez cessé de faire votre vie durant.

Je vais illustrer votre attachement à la démocratie par cette anecdote :

En 1997, jeune militant panafricain, rentrant à peine dans la majorité, de passage à BANGUI en venant du CONGO, je m’étais rapproché du FPP parti panafricain, aux fins d’apprentissage mais aussi pour apporter ma modeste contribution au combat politique. Ma première réunion plénière coïncida avec le traitement d’une lettre ouverte dite « affaire des 11 co-signataires » portant quelques griefs contre le Président, donc vous Abel GOUMBA.

Ma surprise fut grande, en vous découvrant, sur le banc des accusés comme simple militant de base, cédant la présidence de la réunion à un militant neutre pour ne pas être juge et partie, vous expliquant selon le temps de parole accordé limitativement aux uns et aux autres, sans imposer votre avis.

Je découvrais là, une véritable école de démocratie. Car j’ai été frappé d’apoplexie, en vous voyant, GOUMBA, doyen d’âge de la classe politique à 70 ans passés, premier chef du gouvernement de ce pays, l’homme qui a combattu sans courber l’échine tous les partis uniques depuis les indépendances et qui venait de perdre de justesse les élections présidentielles 3 ans plus tôt dans les conditions douteuses face à l’ancien premier ministre de BOKASSA et idéologue de l’empire de la honte Ange Félix PATASSE, évidemment difficile de croire en effet pour tout esprit lucide ; agrégé de médecine, porte parole du G11 (groupe des 11 partis politiques d’opposition d’alors), sans prétexter de son expérience tant politique que professionnelle, ni d’ailleurs du droit d’aînesse (transformé en dictature d’aînesse par ceux qui abusent de nos traditions), se soumettre à la critique des militants de base, à l’exercice de la démocratie au raz du sol.

Il n’y a pas meilleure preuve de votre attachement à l’esprit démocratique !

GOUMBA, symbole de la dignité

Président GOUMBA, en 1964, après votre exil forcé, vous m’avez confié que vous ne supportiez pas que l’on vous traite de médecin colonial comme si votre formation était au rabais. Vous avez décidé alors de faire un doctorat de médecine comme s’il fallait aussi décoloniser vos diplômes.

L’initiative, quoi que louable, mais ne fût pas aisée à entreprendre car comment redevenir étudiant en faculté, après avoir été, successivement Vice-président du gouvernement sous la Loi-cadre, Ministre des finances, Président de la République par intérim ?

Mais, vous, Abel GOUMBA, homme digne, vous êtes reparti à l’école comme un étudiant, non plus seulement pour obtenir votre doctorat « décolonisé », mais en poussant plus loin jusqu’à l’Agrégation et multiples spécialités, et ce durant 9 ans d’études supplémentaires.

Cet épisode, comme tant d’autres qu’il serait long d’évoquer ici, montre à suffisance votre attachement à la dignité !

GOUMBA, le Panafricaniste

Président GOUMBA, on ne le dira jamais assez, votre contribution et votre constance à la Cause Africaine, ne se sont jamais démenties. Vous avez toujours témoigné de votre attachement aux idéaux de l’Unité Africaine.

L’histoire retiendra que c’est vous qui avez arrimé le MESAN (Mouvement d’Evolution Sociale d’Afrique Noire) de BOGANDA vers les grands mouvements panafricanistes en participant par exemple au Congrès du PRA (Parti du Rassemblement Africain) à COTONOU en juillet 1958 au côté des grands noms comme George PADMORE, Afro-américain, l’un des pères du Panafricanisme et conseillé politique du Président NKRUMAH, sortant ainsi le MESAN de son cloisonnement de l’Afrique Centrale.

Vous rejoignez donc tout naturellement vos pairs, de Barthélemy BOGANDA à NKRUMAH, de NYERERE à LUMUMBA. Et tous ceux qui ont fait HONNEUR à la Patrie Africaine : Um NYOBE, Félix MOUMIE, Ossende AFANA, Steve BIKO, Thomas SANKARA…

En définitive, l’Afrique et les générations montantes retiendront de vous, Président GOUMBA : Fidélité en politique, Intégrité morale, Dignité et Amour de la Patrie Africaine.

En publiant vos Mémoires de votre vivant, acte rare dans le paysage politique africain et qui convient d’être souligné, vous avez voulu, répondre de vos actes devant le Peuple car l’action publique n’a jamais été pour vous ni récompense ni sinécure, mais d’abord et avant tout un DEVOIR.

Président GOUMBA, je ne cesserai de vous témoigner ma profonde gratitude en me mandatant de m’occuper de l’édition et de la publication de l’ensemble de vos Mémoires. Contrairement à vos souhaits, nous n’avons réussi à publier de votre vivant que les deux premiers volumes. Le troisième et dernier volume, sera publié, hélas, à titre posthume.

Je puis vous affirmer, par fidélité et par la communion d’idées-forces qui nous lient, que c’est avec la ferveur panafricaine que je travaille d’arrache pied afin que le 3ème tome soit publié. Je vous le dois sûrement par gratitude, mais aussi et surtout par Amour de la Patrie Africaine.

Feu Abel GOUMBA,
Intellectuel organique,
Et ligoté au Peuple !
La Patrie Africaine vous restera reconnaissante aujourd’hui, demain et pour toujours !

Toulouse, le 4 mai 2009

Henda Diogène SENNY
Militant panafricain,
Chargé de l’édition et de la publication
des Mémoires du feu Président Abel GOUMBA

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