email

Jean-Dominique Okemba surveillé comme le lait sur le feu

Dans le duel au sommet qui a lieu à Mpila autour du trône, Sassou a marqué 1 point ; Jean-Dominique Okemba - 0 (zéro pointé.)

EMBARQUE DE FORCE POUR RIO

Devenu « bateau ivre » l’amiral Jean-Dominique Okemba (JDO pour les intimes) est désormais littéralement surveillé par Sassou. Jean-Dominique Okémba a été notamment invité, de force, de monter dans l’avion qui a récemment été affrété pour Rio où se tenait le sommet sur l’écologie. Laisser Okemba à Brazzaville, c’est ce que Sassou n’avait pas l’intention de faire. La rumeur dit que le Chef de l’Etat était prêt à tout pour l’embarquer dans l’avion pour Rio, c’est-à-dire d’être en permanence à portée de son regard.
Pourquoi cette défiance de l’oncle envers un neveu doublé d’un... frère ?

Renversons la question : pourquoi le neveu voudrait-il doubler l’oncle ?

Okémba le légionnaire

Et certains "analystes", fascinés par la fantasmatique françafrique, d’invoquer la connexion systémique et systématique entre L’Elysée et le placement des pions noirs sur l’échiquier politique africain. Cette corrélation aurait mis en évidence le destin présidentiable de Jean-Dominique Okemba suite à un rituel honorifique dont il aurait fait l’objet par l’entremise d’un lobbyiste nommé Jean François Valette, Ambassadeur de France au Congo.

« Pour les populations Congolaises, la France aurait dû promouvoir Mr Okemba Jean Dominique à la légion étrangère pour ses méthodes de barbouzes et non à la légion d’honneur » ironisera à ce sujet un observateur français.

En tout cas une vérité politique s’impose dans la relation désormais tendue entre Sassou et Okemba : le pouvoir n’a que fiche de la parenté.

Genèse de la défiance

La tempête dans l’entourage de Sassou serait déterminée par plusieurs causes.

D’abord il y a eu le pied de grue qu’il a fait à l’aéroport de Rio de Janeiro, a la fin du sommet sur le développement durable. L’appétit insatiable de Bonaventure Engombo et de Félix Ondaye empêcha l’avion présidentiel de décoller parce que trop chargé des achats des deux bonshommes. Le sang de Sassou ne fit qu’un tour car non seulement il ne pouvait pas embarquer ses propres achats mais en plus on frôla l’incident diplomatique puisque les autorités aéroportuaires de Rio de Janeiro, ne supportant pas cette samba africaine, désertèrent le site durant des heures. Sassou poireauta longtemps dans la salle des pas perdus.

Ensuite il y a eu le fiasco des lobbyistes devant négocier sa venue en France pour être reçu par François Hollande. On sait que Hollande refusa de lui dérouler le tapis rouge à l’Elysée. En revanche, ses homologues, Ali Bongo et Macky Sall, n’ont pas essuyé de refus du nouvel homme fort français. Vous parlez d’une humiliation !

Ajoutons enfin que ce fiasco de la diplomatie congolaise arrive sur fond d’explosions à la caserne de Mpila le 4 mars 2012, feu d’artifice à l’occasion duquel Sassou faillit laisser sa peau. Vous parlez d’une série noire !

Solidarités fraternelles !

Chat échaudé craignant l’eau froide, dorénavant Sassou emmène son « conseiller spécial », JDO, partout où il se rend, même quand sa présence n’est pas nécessaire. Sassou a peur d’un coup d’Etat émanant d’un parent, un neveu et, de surcroît, un...frère. Il ne manquerait plus que ça : avoir un Brutus dans son palais.

Toutefois quand on sait qu’il est mêlé à tous les coups, on se demande de quoi a-t-il peur ? Ne peut-il pas être lui-même victime de la technique d’accession au pouvoir qui l’a toujours fasciné. Fort heureusement, quiconque connaît l’éthique maçonnique, JDO ne toucherait pas à un seul cheveu de son oncle si jamais il le renversait. A la limite, il l’enverrait en exil (doré) au Maroc ou à Honolulu (on ne sait) mais jamais il ne le "carotiderait". Lui-même fit cette grâce à Lissouba (un frère) quand il le "dégagea" en 1997. Il lui affréta un hélico. Augusto Pinochet devint l’ennemi juré des Maçons pour avoir occis Salvadore Allendé, un frère. Les Maçons ne se bouffent jamais entre eux.

Même toi mon fils !

Alors pour ne pas vivre le sort de l’Empereur Jules César poignardé à mort par son fils adoptif, Sassou ne quitte plus l’agent secret Okémba qui, à force d’avoir sécurisé le pouvoir de l’oncle, en connaît les rouages et les maillons faibles. Le devoir de Sassou, un rompu de l’espionnage, est, justement, de soupçonner tout agent politique supposé être « au-dessus de tout soupçon ». Grâce à cette « police épistémologique  » Sassou, Empereur du Congo, doit se féliciter de ne pas avoir à prononcer un jour, dans les couloirs du palais de Mpila, cette tragique maxime qui rendit Marcus Brutus célèbre pour la postérité :« Tu quoque mili Fili  » (« Même toi mon fils ! »), maxime ante-mortem prononcée par un Jules César agonisant après avoir essuyé vingt-trois coups de couteau.

Quid Dominique Okemba ?

Les soupçons de Sassou, réputé lui-même superflic, sont-ils fondés ?
Pour le savoir posons-nous la question sur le parcours de Jean-Dominique Okémba. Parent, on l’a dit, de Sassou, ce mbochi a fait carrière dans la marine jusqu’au grade d’amiral. Même si personne ne l’a vu naviguer, Okémba sait noyer le poisson dans l’eau. Il est du genre à « apprendre la nage aux poissons ». A un point tel que son lieutenant, Marcel Ntsourou, n’hésite pas à le traiter de cancre. C’est sûrement pour ça que, d’abord Dominique de Villepin, alors 1er Ministre, puis Sarkozy, alors Président de La République, prirent le parti de le traiter comme du menu fretin.

ACTE 1 : -Se passant pour un renard de la politique, Okémba fut vertement remis à sa place par Dominique de Villepin à Matignon lorsqu’il lui demanda un entretien. « Je suis le dauphin de Sassou » se présenta-t-il. Il passa comme un courant d’air dans le bureau de De Villepin. L’entretien avec le Premier Ministre de Chirac dura deux à trois minutes : autant dire qu’il ne fut pas reçu. Ou, disons, qu’il fut reçu pour ce qu’il fut en vérité : une grenouille voulant être aussi grosse qu’un bœuf. D’ailleurs le lobbyiste qui organisa cette réception fut vilipendé par De Villepin. Comme un poisson pourri.

ACTE 2 : - Coup de tonnere dans un ciel serein, on apprit que JDO fut ceint de la Légion d’honneur. En vérité Sarkozy, grand actionnaire de la françafrique, mena notre amiral en bateau. La médaille à haute portée symbolique qu’il accrocha sur la vareuse du marin Okémba, intriguant à souhait, participait d’une escroquerie. Il paraît que Nicolas Sarkozy ne signa pas le décret qui décernait la prestigieuse décoration au neveu de Sassou (sûrement au grand dam de ce dernier). Bien entendu, le décret ne parut pas au Journal Officiel.

« Pour un Français ou un étranger vivant en France, la non promulgation de son nom dans le décret de nomination de la « légion d’honneur » au Journal officiel entraîne sa nullité selon l’« article R.33 » du code de la « légion d’honneur ». Vous ne trouverez pas le nom d’Okemba dans le décret du 31 décembre 2010 signé par Sakozy et publié le 01 janvier 2011 au « Journal officiel » de la France  » (http://www.nerrati.net/europe-dossier/index.php?option=com_content&view=article&id=505&catid=33&Itemid=56)

Caserne en feu

Il ne reste pas moins que Sassou a perçu cette vraie fausse consécration comme une façon de nager à contre-courant de son chef de la sécurité. Sassou vit que cela n’était pas bon et qu’il n’était pas bon de laisser faire ça sans se faire avoir sur toute la ligne. La coupe de la suspicion déborda lorsque, le 4ème jour du mois de mars 2012, la caserne de Mpila prit feu à un moment où, selon la rumeur, Sassou aurait dû être dans les parages. C’est clair : on voulait le voir partir en fumée. Bilan : des milliers de morts et d’importants dégâts matériels.

Ce pouvoir, fut-il militaire, quelle idée d’anéantir une caserne pour anéantir un pouvoir !

Sassaou avait sa petite idée sur les conspirateurs ayant mis le feu aux poudres. Dans un pays où l’opposition a été réduite à néant depuis des lustres, rien de tel pour suspecter ceux qui s’occupent de sa sécurité, à commencer par le neveu Okémba. Il y avait du Marcus Brutus dans l’air pollué et vicié de Mpila. Mais suivant le principe de l’union sacrée intra ethnique, Sassou épargna le Mbochi Jean-Dominique Okemba. En revanche, il ne fit pas de quartier chez ses alliés « hors mbochi ». Sassou frappa avec une rare sévérité, le Batéké Marcel Ntsourou, un second couteau. Deux poids, deux mesures.

Prêcher le faux pour savoir le vrai. C’est ainsi qu’aurait procédé Sassou après le 4 mars en privilégiant la « piste téké » tout en sachant, dans son for intérieur, que le coupable désigné n’était pas le vrai coupable désiré, que pour apaiser la colère des familles endeuillées (du nord pour la plupart) il lui fallait offrir en pâture à la vindicte publique un bouc-émissaire, de préférence Batéké, sujet d’un peuple décrit comme ambitieux alors même que ledit peuple n’arrive jamais à mettre à exécution le fameux postulat du Kouyou Jacques Okoko « ils (les Téké) veulent aussi diriger ce pays ».

L’héritage du pouvoir en société mbochi

Désormais l’idylle semble finie entre l’oncle et le neveu. Qu’à cela ne tienne : patrilinéaire, la société Mbochi privilégie le fils au neveu. La succession se fait de père en fils, jamais d’oncle à neveu comme chez les Kongo. Simple neveu, Jean-Dominique Okemba sait que ce n’est pas simple d’hériter dans le système de parenté mbochi. La problématique de la succession ne se pose pas dans le cas d’un Cristel, d’un Wamba, d’un Willy ou d’une autre progéniture à potentialité successorale indubitable car si ces fistons veulent hériter à "titre exclusif", il leur suffira de se livrer à des fratricides en règle comme chez les Grecs ou les Romains de l’Antiquité. Tout cela, bien entendu, sous réserve que le testament politique que ses adversaires prêtent à Sassou et dont les clauses stipulent un scénario à la Bongo, à la Kabila ou à la Eyadéma trouve l’assentiment du peuple, ce qui, soit dit en passant, reste à démontrer.

La dichotomie oncle/neveu

Donc désormais Sassou oblige Okémba de ne pas le quitter d’un iota. Sassou le surveille comme le lait sur le feu. « Pas un pas sans Bata  » disait la pub. Okemba ne fait pas un pas sans que Sassou ne mette les siens dans les siens. JDO apprend à ses dépens que Sassou reste l’Einstein du renseignement, le Machiavel du contre-espionnage, le flic des flics, le maçon des maçons, l’oloma niama, le niama olomi. Mais surtout il demeure le garant physique des us et coutumes mbochi, à savoir : un neveu ne succède pas à la place d’un fils. En effet, la dichotomie oncle/neveu n’a pas bonne presse en matière de transmission de pouvoir. C’est sans doute cette gènante règle patrilignagère qui pousse Jean-Dominique Okemba à procéder autrement, en donnant un coup de pouce au destin ethnologique, pour ne pas dire un coup de « pousses-toi là que je m’y mette »

Lion édenté

Mais, fût-il le Javert de la filature, fût-il le Néron de l’histoire de la politique congolaise, apparemment Sassou s’est amendé. Le lion serait-il édenté ? Il fut un temps où la technique de l’assiette roumaine aurait eu raison de ce téméraire neveu. Le tigre n’a plus de griffes.

Tout de même ! Lui, Okemba, qu’on n’a jamais vu l’arme à la main, qui l’a rendu si vain ? On ne nous dira pas que pour avoir été élevé chevalier de la Légion d’honneur, ça le mettait en pole position pour l’après-Sassou. Qu’on ne nous fasse pas avaler ça, puisque le décernement de la médaille honorifique l’a plus tourné en bourrique que bourré d’atouts pour la succession avuncunlaire.

La moralié de cette lutte familiale ? Quand les Sénégalais changent leur Président par les urnes, Okémba veut le faire par les armes. Il serait temps qu’il se fasse rembourser les frais d’achat de sa légion d’honneur par Nicolas Sarkozy. Si, bien sûr, le malheureux adversaire de F. Hollande est homme à payer ses dettes.

Laissez un commentaire
Les commentaires sont ouverts à tous. Ils font l'objet d'une modération après publication. Ils seront publiés dans leur intégralité ou supprimés s'ils sont jugés non conformes à la charte.