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L’antichrèse et l’hypothèque ont fait l’objet d’une thèse de doctorat à la Sorbonne par un Congolais

Ce mercredi 16 novembre 2011 a été soutenue à La Sorbonne une thèse en Droit Civil. Sujet de la thèse : « Le renouveau des sûretés immobilières  ».

L’évènement (la soutenance d’une thèse) est assez important pour être souligné car, en toute honnêteté, nous étions loin d’imaginer que le Congo, après la défection de l’OGSC, après le cynisme d’un Etat extrêmement riche ayant hypothéqué l’avenir de la nation, nous étions loin d’imaginer qu’il gérait encore des étudiants en France, a fortiori à un niveau aussi élevé qu’un Doctorat. Les langues de vipère (elles n’ont pas toujours tort) disent que l’étudiant congolais en France est une espèce en voie de disparation, que ce phénomène est inversement proportionnel à l’augmentation des besoins du pays en cadres. Paradoxe !

Salle comble

Quelle ne fut pas notre surprise de voir dans la salle des Thèses du Panthéon La Sorbonne une trentaine d’auditeurs venus soutenir un compatriote. La petite salle Dumas était comble.

Première conclusion : Il y a encore des Congolais qui, en dehors des fêtes et autres occasions de réjouissances, s’intéressent à des jeux intellectuels aussi austères qu’une thèse qui se défend sur des sujets où des notions comme antichrèse, hypothèque, fruit, usufruitier reviennent de façon redondante dans le discours. A chaque métier, son jargon.

Cas pratiques indigènes

Quant à la thèse discutée dans l’auguste Institution, Paris I Panthéon La Sorbonne, une somme colossale de 684 pages, quand bien même le candidat n’ait pas explicitement abordé le problème sous la dimension indigène congolaise (alors c’est nous qui extrapolons) il faut dire que ce type de Droit civil, (étant donné son objet d’étude : l’immobilier) fait appel à des enjeux financiers très énormes et, tout porte à croire que ce droit est loin de concerner des citoyens issus des couches populaires, les pauvres gens, prolétarisés par la crise. Il s’agit ici d’hypothèques qui portent sur la "pierre", un espace économico-juridique qui pourrait, vu l’actualité, concerner des propriétaires, bien de chez nous, impliqués en Occident (notamment en France) dans les affaires dites des « Biens mal acquis  » où, si ce n’est déjà fait, des possessions immobilières pourraient être saisies par des créanciers auxquels auront à faire (si là aussi ce n’est déjà fait) des barons politiques africains, en l’occurrence congolais, champions de la fraude. Il suffit de lire la presse pour voir combien dans le 16è arrondissement de Paris, sur la Côte d’Azur, le patrimoine immobiler de nos acteurs africains de la tristement célèbre Françafrique est largement sujet à caution.

A partir d’ici, il est instructif que le lecteur ait en tête les deux définitions des mots-clefs ci-après tirées du Larousse :

« Antichrèse : Contrat par lequel un débiteur transfère à son créancier la possession de son immeuble, pour en percevoir fruits et revenus jusqu’au remboursement de sa dette. »

« Hypothèque : Droit réel accessoire accordé à un créancier sur un immeuble en garantie du paiement de la dette, sans que le propriétaire du bien grevé en soit dépossédé. »

Universalité des deux sûretés

L’auteur, bien que se situant dans le Droit français, n’a pas moins évoqué l’hypothèse d’une application de l’hypothèque et de l’antichrèse, en tant que garanties d’un créancier d’être payé par son débiteur, dans les anciennes possessions de l’AOF et de l’AEF où, en raison d’un autre rapport à la propriété immobilière, il est difficile à un créancier de gager une maison puisque rares sont les scénarios où le bien n’est pas communautaire. Crise de l’antichrèse ? A ce moment précis, le Droit est obligé de composer avec la sociologie ou l’anthropologie afin d’en harmoniser l’universalité et lui donner une pertinence intellectuelle. On a d’ailleurs félicité le candidat d’avoir eu une démarche interdisciplinaire dans son approche du sujet en mêlant histoire, géographie, ethnographie, économie et bien d’autres disciplines des sciences humaines telle la philosophie où le Nietzsche d’ « Ainsi Parlait Zarathoustra » a été également évoqué.

L’échange

Le débat

Si nous avons bien compris le débat dans la salle (ce dont on peut honnêtement ne pas certifier ici, vu l’aridité avérée du sujet) le candidat s’est posé la question du bien-fondé de l’hypothèque et de l’antichrèse en tant que sûretés dans une créance immobilière. L’antichrèse est une garantie qui cohabite avec l’hypothèque alors que dans le Droit français, elle est antérieure à l’hypothèque. D’où vient-il alors que la nouvelle sûreté ne soit pas arrivée à éclipser l’ancienne ? Pour le candidat, la thèse est que la nouvelle sûreté, l’hypothèque, ayant montré ses limites, l’usager (ou l’usage) a tendance à revenir à l’ancien régime : l’antichrèse. De toute façon, les deux systèmes coexistent. Toutefois, comme dans le darwinisme, il y a une sélection naturelle qui s’opère ; une sélection où l’espèce la plus forte résiste et s’adapte, tandis que l’espèce faible disparaît. En l’occurrence l’antichrèse est appelée à disparaître en laissant, bien entendu, des traces dans l’hypothèque. C’est, du reste, le propre d’un système de changer en se reproduisant et de se reproduire en changeant.

De l’aveu du jury (nous l’avons alors constaté aussi) ce sujet sur le Droit des sûretés est austère et passe pour ne pas être le plus « excitant » (sic) tant il fait appel à des notions ultra techniques et surtout à une forêt d’instruments juridiques : lois, arrêtés et décrets dont les différents commentaires ne font pas toujours consensus.

Antichrèse ou anti-crise ?

Bref, en somme, bien qu’il y ait changement rétroactif, en matière de sûretés, il n’y a rien de nouveau sous le soleil.

Sauf peut-être (c’est nous encore qui extrapolons) si jamais, ainsi qu’on voit dans les spéculations foncières au Congo (aussi bien à Brazzaville qu’à Pointe-Noire où les nouveaux riches construisent tout azimut de somptueuses villas en bord de mer), si jamais le vent de l’histoire met du temps à tourner, la plupart des propriétaires vénaux qui ont acquis des immeubles, propriétés de l’Etat (au centre-ville à Brazzaville), à des prix symboliques (1 franc) sont largement gagnants car en cas de créance l’hypothèque d’un immeuble ne leur sera pas coûteux, ni économiquement ni psychologiquement, puisque l’hypothèse de l’hypothèque entre dans le cadre de la problématique très juteuse, au Congo, des biens mal acquis, une zone (encore plus au Congo) de non-droit où il n’y a ni foi ni loi. En fait ça ne coûte rien à un délinquant congolais en col blanc d’hypothéquer un bien mal acquis qui, évidemment, ne lui a rien coûté.

Quant à tous ceux qui ont acquis frauduleusement des biens immobiliers en expropriant des possesseurs légaux de leurs parcelles (le cas est fréquent à Pointe-Noire) ou en rachetant à vil prix, comment ne pas penser à l’antéchrist quand on voudrait appliquer à ces malfrats la sûreté de l’antichrèse ? Antéchrist, anti-christ, antichrèse, anti-crise : le jeu de mot (qu’on nous l’accorde) est facile mais les maux des victimes réels...

Jury

Ont composé le jury : Rapporteurs : Jean-René Gomez ( Université de Brazzaville) et Marius Tchendjou (France) , Directeur de thèse : Philippe Delebecque (France) ; Président du jury : Philippe Dupichaut (France),

Le jury après délibération a estimé digne d’élever le candidat, Miguel Andréas Bimbou-Louamba, au grade de Docteur en Droit, mention très honorable avec félicitations du jury à l’unanimité.

Tonnerre d’applaudissements dans la salle.

Deuxième conclusion : Même si Le Chemin d’avenir a hypothéqué tout l’avenir de la Nation, le Congo peut encore être fier de ses étudiants.

Simon Mavoula -Corbeil Essonnes

La salle

La salle

La salle bis

La salle - bis

Dans l’attente de la délibération

Dans l’attente de la délibération

Le candidat dans le corps professoral

Le candidat dans le corps professoral après délibération

La collation

La collation

Après la collation

Après la collation

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