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L’association des Amis de la République Centrafricaine (ARC) a débattu de la situation postconflictuelle en RCA

Conférence à Paris (Maison des Associations) le 17 décembre 2016

L’ARC (Association des Amis de la République Centrafricaine) a soufflé ses trois bougies autour d’un thème douloureux : la prise en charge sanitaire des populations polytraumatisées après les conflits. La réunion s’est déroulée en deux temps. D’abord dans la matinée à La Maison des Associations dans le 18ème, ensuite dans soirée au restaurant Le Portobello (chez Mario) 38 Rue Ordener également dans le 18ème.

Que dire sinon constater que L’ARC a plusieurs cordes à son arc. Née au restaurant de Mario (un ami italien de la Centrafrique) l’ARC a un tableau de chasse garni. Samedi 17 décembre 2016, elle a décoché une flèche contre l’incurie qui tient lieu de politique sanitaire en RCA après que la guerre ait dévasté ce pays. Ce samedi 17 décembre, étant donné la qualité des interventions et des propositions, on peut dire que l’association a fait mouche. Certes, sur le terrain, la partie ne sera pas facile, car manquent les munitions (l’argent) pour qu’elle soit fructueuse.

Le Président démocratiquement élu, Faustin Archange Touadera, doit faire preuve de stratégie quand les propositions remonteront à lui. Il a la charge de doter la RCA d’une couverture sanitaire. Dévastée par la guerre, dotée d’un sous-sol minier scandaleusement riche et d’un Trésor Public quasiment vide, La RCA effraie. La tâche de l’actuel homme fort sera aussi difficile que celle de Maciste face aux écuries d’Augias.

La RCA, un pays à la fois riche et pauvre : c’est autour de ce paradoxe que la discussion a eu lieu samedi 17 décembre 2016 à la Maison des Associations du 18ème arrondissement parisien, « haut lieu historique de la démocratie  » (a tenu a souligné Me Michel Langa, Président de l’ARC) histoire de marquer le caractère apolitique de l’association.
On aura compris : le gibier de l’ARC, ce n’est pas le pouvoir même si on a vu parfois, durant ses trois ans d’existence, des postulants à la magistrature suprême braconner sur les terres de L’ARC.
Me Langa, catégorique, a assuré que L’ARC compose avec tout le monde et, par conséquent, l’association n’est la chasse gardée de personne. L’association a servi de tremplin politique à nombre de compatriotes, mais n’a pas pourtant aliéné sa liberté de mouvement.
« On a des conférenciers d’hier qui sont devenus ministres, conseillers, c’est leur choix. L’ARC a reçu tous les candidats.  » signalera James le modérateur de la journée. A l’inverse, Prosper Indo, brillant économiste, membre de l’ARC, est un oiseau rare. Il a refusé d’écouter les sirènes du pouvoir en retirant in extremis sa candidature aux dernières présidentielles. Quand on sait que le pouvoir est compulsif chez l’homme africain Prosper Indo impose le respect.

Loin d’être donc un parti politique, L’ARC est plutôt un groupe de pression dont les actions, en trois ans d’existence, ont beaucoup pesé sur les choix politiques de la République Centrafricaine. A titre d’exemple : la marche organisée à l’Ambassade centrafricaine à Paris au plus fort de la crise en RCA. Les propositions de l’ARC remises à l’ambassadeur furent de l’eau apportée à l’opération Sangari. Ce n’est donc pas fortuit si, dans le réseau associatif de la diaspora, peu avant les élections, en RCA, l’ARC fut l’association la plus courtisée par le personnel politique national. « L’Arc a reçu tous les candidats » précisera James.

Psychiatrie sociale

Avec des moyens de bord, aujourd’hui la RCA doit faire face aux ravages de la guerre sur la santé publique. Le Docteur Julien Ajavon, ethnopsychiatre, a rappelé qu’il existe des pathologies visibles et invisibles. Les maladies invisibles sont les plus graves et probablement les plus répandues. Au bout du compte, c’est tout le pays qui est atteint. « Le nombre de personnes ayant perdu la raison et déambulant dans les rues de Bangui ou dans nos campagnes a considérablement augmenté. L’unique unité de psychiatrie du CHU de Bangui est restée embryonnaire comme il y a plusieurs années. » déplore le Docteur Luisa Dologuélé Potolot dans sa contribution écrite. Pire, dans les hôpitaux, ce sont les parents eux-mêmes qui servent de garde-malades aux patients. La formation du personnel médical est un problème qui reste entier.

Déscolarisation

Justement l’école a été la cible des discussions. Depuis 18 ans, on trouve des enfants qui n’ont jamais été en contact avec l’école. Comment les scolariser ? Doit-on mettre ces adultes au milieu d’autres élèves qui ne sont pas de leur classes d’âge ? Le Dr Julien Ajavon préconise de récupérer le dynamisme des enfants-soldats, en développant chez ceux-ci des qualités de cuisinier, d’aide-soignant (on pourrait ajouter) d’ouvrier du bâtiment.

Il reste que l’Etat ne facilite pas l’intégration post-conflictuelle des enfants en exigeant systématiquement l’acte de naissance pour être scolarisé. Dans un pays qui sort de la guerre, cela tient de Kafka de présenter un document qu’un incendie a probablement léché durant le chaos ambiant. Reste la solution du jugement supplétif (pièce d’état civil établi devant témoins). De toute façon, l’âge reste une variable insaisissable en période de guerre.

En tout cas analphabète ou déscolarisé, âgé ou mineur, l’enfant sait où se trouvent ses intérêts. Alphonsine Bouya, fonctionnaire à L’Unesco, demanda à un enfant pourquoi n’allait-il pas à l’école. L’enfant (probablement un enfant-soldat) donna cette réponse poétique : « Je préférer la lumière du diamant à celle du tableau noir ». Dix années blanches, n’auront pas fait de l’école une force d’attraction magnétique. Jadis lieu d’acquisition de l’éducation, de la morale et de l’instruction civique, l’école a fait faillite. Pour un enfant déscolarisé, le diamant est plus facile à cultiver et le savoir scolaire plus difficile à acquérir passé le cap des 18 ans.

Les deux Codes

Une information donnée par Michel Bousquet au cours des échanges a fait sensation : la Centrafrique peut s’enorgueillir de posséder les deux Codes minier et forestier les plus fiables au monde. Pas de quoi bander fort. Mais à quoi cela sert-il d’avoir les meilleurs instruments juridiques quand le pays (en dehors de dirigeants véreux) n’en profite pas ?

La RCA, pays forestier s’il en était, on ne mesurera pas assez l’apport médicinal des plantes dans la santé publique. L’historien Victor Bissengué a travaillé sur les peuples autochtones (Pygmées), peuples au courant de la vertu médicale des plantes et des herbes. On est à un jet de flèche de la combinaison de deux systèmes médicaux, le moderne et le traditionnel. Y a-t-on songé ? Chassez le naturel, il revient au galop. On ne peut se passer de la tradition.

Les temps ont changé. Ceux qui ont de l’âge se souviennent de cette époque où la nivaquine était distribuée gratuitement. Sauf que la forêt a toujours été une pharmacie gratuite depuis des millénaires. Les Bantou l’ont oublié. Les autochtones de V. Bissengué ne l’ont pas oublié. Il se trouve que cette belle époque, c’était au lendemain des Indépendances, dans les années 1960, quand le pays comptait 1.300.000 habitants et 66.000 fonctionnaires. De nos jours le pays compte 4.500.000 habitants et 17.000 fonctionnaires (2016) - « Aspects positifs de la colonisation ? » s’est inquiété, à juste titre, le Dr Julien Ajavon car l’Occident est pour beaucoup dans les malheurs actuels de l’Afrique.

FMI

Le Nord précisément n’a jamais développé rien dans les pays du Sud. Les Institutions de Bretton Wood ont poignardé les économies de l5afrique. Comble de tout, en 1983, le FMI imposa des départs de fonctionnaires. Tous les fonctionnaires expérimentés étaient partis. Ils se sont lancés dans les affaires. Le remède de cheval des de La Banque Mondiale a mis les pays africains à genoux. Les conséquences ont été tragiques dans une RCA où déjà les infrastructures sanitaires héritées de la colonisation étaient quasi inexistantes. Malade, le Président Jean-Félix Patassé est décédé pour avoir été évacué en retard au Cameroun voisin.

A propos des rapports de voisinage, faire feu de tout bois. Il est de bon ton de s’inspirer de la longue expérience de la RDC en matière de gestion sanitaire des situations post-conflictuelles. C’est le moment de souligner ici les tracasseries que subit la RCA de la part du voisin soudanais. L’immense frontière avec ce pays dont la monnaie est utilisée dans la région centrafricaine mitoyenne donne du fil à retordre aux autorités.

Viols

La situation post-conflictuelle est généralement propice au viol de la femme avec tout ce que cela suppose comme diffusion de redoutables pathologies. Les Associations telles que « As du Cœur » de Nelly Gouandjia, des lanceurs d’alerte comme Micheline Gazambetty militent pour une ratification de ce qui se fait ailleurs, en l’occurrence en RDC voisine, pays qui a une longue expérience sur le chapitre de la reconstruction de la personne par le Dr Mukengué.

Réseautage

La notion de réseau devrait être intégrée comme mode opératoire pour plus d’impact dans les actions à mener. « As du Cœur » de Nelly Gouandjia préconise la participation du personnel de l’Ambassade pour constituer une force d’attraction des réunions dans la diaspora. Le message n’est probablement pas tombé dans l’oreille d’un sourd. Dans la salle on a noté la présence de Désiré Achille Baboula, conseiller culturel, représentant de l’ambassadeur de la RCA à Paris.

On a déploré le recul de la morale et de l’instruction civique qui développaient jadis patriotisme et conscience humaine chez l’enfant. Mais de l’avis de Sylviane Bogoté, la convivialité est une profondeur demeurée intacte à Bangui où dans les cités urbaines consommer tard dans la nuit des brochettes, sans coup férir, fait partie des fondamentaux. Sylvianne Bogoté parle en connaissance de cause, puisqu’elle revient de Bangui et s’y rend régulièrement. Qu’en conclure ? L’insécurité serait une exception, la paix civile la règle ? Pas si vite. Car le désordre moral vient d’en haut et, cette anarchie profite à certains qui ont intérêt qu’elle se perpétue.

On parle d’enfant soldat. Malheureusement la prévarication semble le monopole de la classe politique et non pas une exclusivité des couches populaires. En témoigne le détournement par trois hauts fonctionnaires d’une aide internationale destinée à payer la solde des militaires. S’ensuivit une rébellion dans les casernes. Comment veut-on que l’armée (une armée de positionnement) ait le moral pour aller défendre la longue frontière avec le Soudan !

Impérialisme culturel

« Vous nous avez vexé  » reprocha un magistrat tchadien à ce grand ami de la Centrafrique, Me Senghor, qui déplora que la cour de Ndjamena utilisait un Arrêté parisien du 19è siècle ! De retour à Paris, l’avocat sénégalais fit don d’un carton d’ouvrages de droit moderne au Tribunal de Ndjaména. En somme, l’interaction sud-sud est une dimension de l’aide au développement à ne pas négliger. Mais surgit ici le bien-fondé de l’ingérence de l’Occident dans les affaires africaines. Prosper Indo, spécialiste de la procédure pénale, ne semble pas un fanatique aveugle de la CPI. «  La RCA jugea Jean Bedel Bokassa avec ses propres instruments juridiques. Bokassa fut condamné puis recouvra la liberté après avoir purgé sa peine » sembla-t-il se féliciter. Il est vrai qu’aucun patriote ne saurait accepter toute forme d’impérialisme, en l’occurrence culturel.

Crise financière

La RCA est insolvable et sous assistance financière. Son budget actuel non encore voté est de 189 milliards de fcfa. L’équivalent financier de la fortune d’un ministre congolais. Ce budget ne peut être en mesure de financer une politique sanitaire nationale. C’est tout juste s’il peut offrir une nivaquine aux patients. En vérité il faut au moins 1000 milliards à la RCA pour s’en sortir. Mais qui pourrait prêter cette somme à un moment où les yeux des bailleurs sont tournés vers La Syrie, La Lybie, Haïti. Selon le polémiste, Bedel Baouna, la RCA n’est pas malade : c’est un cadavre qu’on ne peut réveiller avec de la morphine. C’est d’une chirurgie esthétique qu’il doit être question pour le sauver.

Les propositions

Pour Jean-Pierre Patout, ami de la Centrafrique, directeur d’hôpital public Chargé du droit de la santé dans les outres mers : l’environnement est une donnée fondamentale de la santé. La santé publique est déterminée par une eau potable, un habitat salubre, autant de facteurs de santé. La prévention est capitale : la vaccination notamment, l’éducation.

La télémédecine (médecine distancée), c’est l’avenir de la santé en Afrique. L’aide de la diaspora bute à un casse-tête : l’impôt sur les dons.
Il y a lieu précisément de simplifier l’administration douanière quand il s’agit de dons médicaux afin d’éviter la situation surréaliste des béquilles bloquées faute de taxe versée à l’Etat.
Combattre la corruption : cette calamité est un boulet qui ralentit l’émergence de nos pays.
L’instruction des enfants est un parcours de combattant. L’idéal est de faire des actes naissances pour scolariser les enfants.
Monter de bons projets pour éviter que l’ONU se fasse du beurre sur le dos des Africains. Des milliards qui ne servent à rien. On fiance n’importe quoi. L’ONU est contente. Et ça arrange les statistiques.

Rendez-vous est pris pour l’année prochaine. Thème suggéré : Le Code forestier et le Code minier de la RCA.

Annexes

MON REGARD SUR LA SANTE POST-CONFLIT EN RCA
par le Docteur Luisa Dologuélé Potolot

Message

Très chers Compatriotes

Je n’ai pu me joindre à vous et vous prie de m’en excuser. Des engagements arrêtés de longue date ne m’ont pas permis de me libérer… La « 1magie1 » des nouvelles technologies me permet cependant d’être avec vous à travers ces quelques diapositives. Notre sujet concerne le système de santé en Centrafrique ! Il est bien tel que décrit par M. Prosper Indo dans son excellent papier. Les questionnements qu’il y soulève sont exhaustifs et pertinents. Il n’y a rien d’autre à ajouter, aussi ai-je fait le choix de vous présenter quelques unes des situations de vie (et de non vie) qui m’ont touchée, il n’y a pas si longtemps. Des
situations de détresse qui m’interpellent encore aujourd’hui, en tant que médecin, mais aussi en tant que femme, en tant que mère et en tant que citoyenne.
Partout là où il y a con:it, il y a des vies qui se perdent ! Là où on parle de « Post conflit », il y a des vies qui vont encore être perdues. Dans le cas de notre pays, c’est véritablement 4,5 millions de centrafricaines et de centrafricains qui sont en danger et qui méritent notre attention, notre fraternité.
Vous le savez, l’OMS définit la santé comme « UN ETAT COMPLET DE BIEN ETRE PHYSIQUE, MENTAL et SOCIAL ». Si nous prenons à la lettre ce concept, alors aucun de nous et aucun de nos concitoyens ne peut prétendre être en bonne santé, que nous résidions ici ou là-bas. La tâche est donc immense, mais il nous faut l’affronter avec lucidité. Nous devons apporter des solutions durables à notre mal-être, à notre mal de vivre et à nos maladies, et ensemble cela est possible. Je nous invite donc à pousser nos échanges au cours de cette rencontre pour
laquelle nous devons féliciter les organisateurs.
Je vous remercie.

Dr Luisa Dologuélé Potolot

LE POST-CONFLIT… C’EST UNE NOUVELLE VAGUE DE JEUNES FILLES MERES

J’en ai rencontré beaucoup, à Bangui, à l’intérieur du pays. Leur âge ? 15, 14 voire 13 ans. L’accouchement s’est fait souvent à la maison, parfois en pleine nuit sur le bord de la route après être descendue d’une moto taxi, quelquefois en brousse.
Quel est leur statut sérologique vis à vis du VIH ? Celui de leur nouveau-né ? Celui du père géniteur, alors que le programme de lutte a connu des failles profondes du fait des conflits ?Le rapport sexuel était-il consentant ? S’agit-il d’un
viol ? Quelqu’un a t’il cherché à rechercher tout cela ? Quelles alternatives lorsque cet enfant fera une crise de paludisme, une diarrhée ? Aura t’il accès aux
vaccinations obligatoires ? A l’école ?

Source : Desk Search.

On me l’a dit et répété : Le nombre de personnes « ayant perdu la raison » et déambulant dans les rues de Bangui ou dans nos campagnes a
considérablement augmenté. L’unique unité de psychiatrie du CHU de Bangui est
resté embryonnaire comme il y a plusieurs années. Pourquoi n’y a t’il pas un programme de prise en charge psychologique de toute cette population traumatisée ?

Le TRAMADOL, les autres drogues de synthèse, le kangoya ou l’alcool de manioc sont devenus le compagnon facile de nos jeunes en armes mais aussi de tous ceux qui n’ont pas d’autres perspectives. Quel devenir pour cette jeunesse meurtrie et déstabilisée ?
LE POST-CONFLIT… C’EST DES CENTAINES DE « ZO TI FOU » ABANDONNES A
LEUR TRISTE SORT

Source : Desk Search

ARC ASSOCIATION 5lOI 1901° 6 r2C2PISS2 n°w751221805 - http://www.amisdecentrafrique.org
Tél : 0617831884

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