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L’honneur de l’homme du Nord

Selon le découpage fantasmatique hérité de la Conférence Nationale de 1992, le concept d’homme du nord représente Katangais (Sangha/Likouala), Norvégiens (Les deux Cuvettes) et Frolibaba (Plateaux).

Sans tomber dans une ethnologie de café de la gare, il se trouve que par les temps qui courent, dans l’idéologie de la résistance, « L’homme du Nord » revêt de plus en plus une connotation combattante passive, inactive, voire complice du « système » Sassou.

Le type du Nord aurait-il perdu son sens de l’honneur ? Son mutisme face aux dérives de la dictature étonne d’autant plus que cette dictature frappe sans distinction dans son propre camp.

Histoire

En vertu de quoi, Sassou, monstre froid, aux origines douteuses, semble avoir incarné le leadership nordique (ou nordiste) ? Comment a-t-il fait pour occuper la place juste après le mythique père-fondateur Jacques Opangault ? En effet Oloma Niama a surclassé le charismatique Marien Ngouabi, terrassant ainsi l’autre Opango (Joachim Yomby) et, ainsi qu’on voit, battant à la courte-paille, à plate couture et de courte-tête le général Mokoko.

Hypothèse : Sassou hérite de ce mâna(chance) pour avoir été dans les années 1960 secrétaire particulier de Jacques Bonaparte Opangault, premier leader Mbochi (MSA) alter Ego de l’Abbé Fulbert Youlou (UDDIA). (La confidence nous a été faite par un ami ayant requis l’anonymat).

Une autre explication : d’avoir croisé la route du thaumaturge Mbochi, Okémba Dominique, la magie ancestrale a aidé Sassou de débarrasser la route de tous les gêneurs potentiels. Sacrifices humains.

Pince-sans-rire, l’ami Sassou, malgré son « goût du sang des autres », semble avoir fait l’unanimité autour de sa personne dans toute l’aire culturelle allant de Mbé à Souanké, en passant, évidemment, par le nœud d’Oyo, alors que ce champ socio-ethnique regorge d’hommes de valeur à la moralité intacte dont par exemple Letembey Ambilly nous fournit, en son temps, l’archétype. Comment Dracula Sassou (dixit Clarisse Akouala, une femme du Nord) a-t-il fait pour prendre le large sur des prestigieux natifs de cette zone ? Comment s’est-il débrouillé pour sortir du lot d’enfants du pays nantis d’un sens aigu de l’honneur ?

Sassou, devenu le type-idéal du Nord, ne cesse de dérouter les esprits dans un monde où, en principe, c’est celui qui est doté d’honneur qui est hissé au sommet. Car disent les Latins, à tout seigneur, tout honneur. Or Sassou ne brille ni par son intelligence ni par son humanisme. Au contraire tout ce qu’il entreprend aboutit au fiasco.

L’une des prouesses de cet homme sans qualités c’est d’avoir amadoué tout l’espace ethnique septentrional alors que, par sa politique, le type du Nord est soumis au même traitement de choc que celui du Sud, le « Tchek ». L’homme du Nord serait-il maso ? Serait-ce cette peur ancestrale du Mokongo issue de la guerre civile de 1959 ?

En vérité, on vous le dit, notre Etoile du Nord (Sassou) n’a d’honorable que cette distinction dont on affuble les parrains de la Mafia, genre Don Corléone, façon Al Capone.

Tribaliques

A Oyo, devant une cohorte de kani buvant ses paroles comme du tsamou-tsamou, Sassou tint à peu près ce langage : « Le pouvoir est un gibier. Il est tombé dans mon filet. Ce cibissi, personne n’en verra plus la couleur à Ngélé ».

Il entonna cette antienne dans une langue mbochi approximative ; ce qui confirme le mythe des ascendances ouest-africaines popo de l’homme Nguesso (ou Nguessan, c’est selon).

« Si je meurs à midi, à 14 h on ne vendra pas cher votre peau » lança Sassou aux nordistes massés à Mikalou en 1992 alors qu’à cette époque, l’homme du 8 février 1979 était aussi impopulaire qu’actuellement son ami François Hollande dans le contexte de la Loi du Travail El Komri.

Le chantage sembla avoir fait mouche. A ce jour, aucun « homme du Nord » ne paraît avoir dénoncé cette récupération. Au contraire l’actualité des incarcérations semble confirmer cette sympathie dont bénéficie le leader infatigable parmi les siens. En effet, à ce jour, les observateurs s’arrachent les cheveux en s’étonnant : « Un des leurs vient d’être arrêté comme un voleur, aucun homme du nord ne lève le petit doit pour le défendre !  »

Le général Jean-Marie Michel Mokoko, un homme du Nord, a en effet laissé de marbre son groupe ethnique ( les Makoua) lorsqu’il a été jeté en prison comme un bandit. Silence radio à Marataï ( Makoua dans le jargon local)

Etonnant ! Car il ne s’agit pas que de Mokoko. Un autre homme du nord, le colonel Marcel Ntsourou, ayant servi Sassou avec un zèle inouï croupit depuis 2 ans dans une cellule dans le ...nord du pays sans susciter la moindre compassion de ses compatriotes Téké.
Owando ( Beyrouth dans le jargon local) ne bougea pas d’un iota quand Sassou incarcéra Yhombi, l’embastillant dix ans sans jugement. A cet effet, en 1997, lorsque Sassou voulut entrer à Fort-Rousset/Beyrouth en tipoye, les Kouyou l’en empêchèrent. C’est l’une des rares fois que dans partie Nord on remit en cause le statut de Sassou. La guerre civile de 1997, selon une historiographie, aurait, dans cet incident, l’une de ses racines.

« L’homme du Nord se borne de protester. Ca s’arrête là. Quand il s’agit de passer à l’acte pour défendre, rien à faire » critique la vox populi en regardant le professeur de philosophie Charles Zacharie Bowao, Katangais, c’est-à-dire, sujet rompu à la lutte et à la bagarre. Le professeur continue de donner ses cours à la Fac comme si de rien n’était.

Mais alors, selon ce schéma, Charles Zacharie Bowao (par ailleurs), Okombi Salissa, Guy Mafimba, qui combattent Sassou à leurs corps donnant, seraient donc une exception ; la règle étant que tout type du Nord est pro-Sassou ?
Dans ce cas Mokoko, Jean-Luc Malékat, William Ota, Bowao, Okombi, Marion Mandzimba, Serge Blanchard Oko, Mokondi-Mobé, Mafimba sont des faux types du Nord. Niet.
Oui « NIET » car Il faut raison savoir garder dans ce catalogue, dans cette catégorisation.

En effet, la théorie est à relativiser car dans les rangs des manifestations parisiennes, l’interaction ethnique est de mise. Itoua Okongo, Marienta, Bob Ebaka, Aya Tonga (autant d’hommes du Nord) occupent les premiers rangs de la contestation anti-Sassou dans la diaspora. C’est à tout leur honneur.

Seulement, les Cassandres veillent : Mais ça c’est valable, ex situ, en diaspora. Car au Congo, in situ, c’est branle-bas de combat chez le katangais, Norvégien, Frolibaba. geignent-ils.

« Quand Bacongo se lève comme un seul homme, le bloc Talangaï/Ouenzé demeure statique comme une statue » déplorent les opposants à son régime pensant à la tragique journée où Paulin Makaya se retrouva en taule après avoir pris la tête d’une manifestation devant converger vers une autre manif censée partir des quartiers Nord.

« Honneur à Paulin Makaya ! » reconnaissent mezzo voce mêmes ses détracteurs.

Après avoir fait arrêter Mokoko sans que « le ciel ne tombe sur sa tête » Sassou a dû se dire que finalement il avait raison de modifier la Constitution pour se maintenir au pouvoir car malgré la grossièreté de la manœuvre et sa brutalité, personne au sein de la communauté internationale ne lui a fait la moindre semonce. Au contraire, François Hollande l’a congratulé de vive voix.

Même si Sassou n’a pas le sens de l’honneur, la baraka est incroyablement de son côté et toutes les diplomaties se cassent en quatre devant lui pour cirer ses pompes moyennant des espèces sonnantes et trébuchantes. Aucune rédaction occidentale (encore moins africaine) ne lui a demandé des comptes après l’arrestation sauvage de son heureux challenger Jean-Marie Michel Mokoko. Aucune interview pour qu’il explique pourquoi la prison est le lot de tous ses adversaires. Aucun statisticien pour lui poser des questions sur l’équation selon laquelle plus on est impopulaire plus on gagne une élection dès le 1er tour. Cerise sur le gâteau : avec 60% !

« Ne vous l’avais-je pas dit ? Allons seulement. Vous me donnerez raison » aura-t-il beau jeu, de se gargariser en regardant droit dans les yeux ceux de ses partisans (particulièrement son épouse) qui avaient essayé de le dissuader dans cette folle entreprise.
« Je ne veux pas que mon mari meurt au pouvoir. Je veux qu’il quitte la scène par la grande porte  » s’inquiéta Antoinette Sassou (comme l’épouse de Ponce Pilate) peu avant la tempête électorale du mois de mars dernier.

Sassou, (comme Pilate) n’écouta point le conseil de sa tendre et chère moitié. Au bout du compte, dans la pure logique absurde, on peut dire que Sassou fit le bon choix. C’est que, malgré son arme de destruction massive (la corruption) rien n’était joué quand son marabout Blanc (Jean-Paul Pigasse) lui conseilla de "Modifier".

In fine, paraphrasant Fidel Castro, le dictateur infatigable d’Oyo peut chanter : « L’histoire m’a donné raison. »

Appendice

Attentat contre l’Ambassade

« La diaspora me les casse, il faut la casser. » Ainsi a dû raisonner Sassou dont les deux organes de propagande Les Dépêches de Brazzaville et Jeune Afrique ont immédiatement mis sur le large dos des Résistants congolais l’attaque à la voiture bélier de l’Ambassade de la rue Paul Valery à Paris survenu dans la nuit du 20 au 21 juin 2016. Sur le mode « On vous l’avait dit » « La Pravda » de Jean-Paul Pigasse a aussitôt chargé les Congolais de Paris au motif que ceux-ci, chaque jour, fustigent le régime de Mpila aussi bien Place Venezuela à un jet de cocktail Molotov de l’Ambassade du Congo que sur les réseaux sociaux. Ce sont-là les méthodes des hommes d’honneur émargeant dans les mafias américaine, russe et napolitaine. Nos confrères Congo-Liberty (21 juin 16), Mwinda n’ont pas gobé cette musique. On a fait l’hypothèse que l’attentat de la chancellerie congolaise a été harmonisé par le régime de Brazzaville qui a intérêt de salir le combat de la Résistance. Sassou qui n’est pas à une barbouzerie près avec la foule d’arrestations arbitraires en cours à Brazzaville n’aurait aucun scrupule à tirer dans son propre camp et faire porter le chapeau à l’ennemi. C’est du classique pur en matière d’infiltration de manipulation et d’instrumentalisation.

Bourdieu dit que dans la stratégie du don et du contre-don, la riposte dispose qu’on gagne en honneur en surenchérissant sur l’adversaire car il s’agit de relever un défi. Pour éviter l’humiliation. Côme Manckassa, observa ce sens de l’honneur chez les hommes du Nord (les Bakouélé de la Sangha) dans l’Institution du mariage dit concurrentiel. Sassou, l’homme du Nord n’a pas relevé le défi de Massamba-Débat, l’homme du Sud qui augmenta la croissance économique du Congo sans l’apport du pétrole.
Pourquoi ? Parce que Sassou serait précisément « né avant la honte  » (« Soni é sila yé ») . L’honneur n’a pas de sens à ses yeux. Il aime les honneurs et se fiche de l’honneur.

Or il se trouve que, dans ses discours, l’homme du Nord, Mokoko, promet rétablir cet honneur perdu de L’homme du Nord. Car l’honneur n’est l’apanage de personne. Il est universel au monde congolais. Longonia Moïse !

Thierry Oko

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