email

La 12 ème édition du Festival du Film Panafricain de Cannes

La 12 ème édition du Festival du Film Panafricain de Cannes a ouvert ses portes mercredi 29 avril 2015 à L’Hôtel Novotel Montfleury. Avec son look de moine tibétain qui fait son charme, le franco-camerounais Basile Ngangué Ebengé, initiateur du projet, a encore ratissé large cette année.

Depuis douze saisons, le Festival approche le nirvana de la réussite. Ce qui est admirable c’est le côté zen d’un évènement culturel que le grand Festival de Cannes aurait pu maintenir à jamais au second plan. Mais c’était sans compter avec le karma positif de la diaspora africaine et la puissance des réseaux sociaux grâce auxquels ce festival d’images élargit son égrégore. Cette année l’esprit du festival africain s’est enrichi d’une présence plus ou moins notable de Congolais de Brazzaville aussi bien dans la composition du jury que dans les films en compétition. C’est le cas du juge et réalisateur Amog Lemba qui, dans son mot de présentation, a dit à peu près cette vérité de bon sens : « s’il y a peu d’élus à l’issue de la compétition, cela ne signifie pas que le reste des appelés a démérité. »

A signaler aussi la présence dans son statut de marraine du Festival, de mademoiselle Marcelle Ayessa, directrice de la revue Bantuenia et remarquable avec son feeling très Krishna.

Voici la composition du jury :

Stéphanie Girerd : Réalisatrice - France Présidente ; Françoise Ellong Réalisatrice Cameroun ; Nadia Tamo productrice Cameroun ; Glad Amog Lemra réalisateur Congo ; Bernard Oheix France ; Ayekoro Kossou réalisateur Bénin : Tima Ouamba Realisateur écrivain Congo

En ouverture le cœur des spectateurs a tremblé d’émotion en raison de l’avalanche spirituelle dans les courts métrages « The double deal » de l’afro-canadien Mark Holden (né à Londres, de mère anglaise et de père nigérian) ; « The sound of road » de l’iranien Barzan Rostami ainsi que dans le long métrage « Le prix de l’amour » de l’éthiopien Hermon Haila. Somme toute l’existence est un profond mantra dirigé par une force transcendantale. Mark Holden illustre cette métaphysique quand il met le thème biblique du Jugement Dernier au centre de son scénario. Car jouer la vie des autres au poker est digne d’une catastrophe naturelle. Et, gare à la colère de Dieu même si, toutefois , Il nous laisse une chance. C’est le cas dans « Le prix de l’amour » où, à partir du thème du taxi, la strophe de La Fontaine « aide-toi le ciel t’aidera » est un séisme qui nous parle quand sa propre vie n’est que succession d’accidents sociaux. Pas à pas, le cinéaste iranien « The sound of road » nous guide à la croisée des chemins de la connaissance où le choix est cornélien : faut-il prendre à gauche ou à droite, faut-il faire le bien ou le mal, faut-il être yin ou yang ; faut-il changer ou maintenir la Constitution : s’éterniser au pouvoir ou passer le témoin ?

Retenons que le cinéma africain a cessé de prostituer sa raison d’être, à l’image du joueur dostoïevskien de Mark Holden représentatif de la caste clanique qui joue l’avenir d’un continent, en empoisonnant, au passage, ses meilleurs fils. L’Afrique a soif d’émergence. Hier encore, saisi à la gorge par le crabe de la misère, un pays comme l’Ethiopie est aujourd’hui sur le point d’intégrer son économie en ascensionnant vers l’Annapurna du bien-être. Comprenne qui pourra. C’est bien d’un message dont il est question, précisément dans le cinéma africain, à savoir : plus un pays libère son développement, mieux se porte son cinéma. Ce n’est pas hasard si le Congo est peu représenté dans les festivals.

Illustration : « Qu’est devenu Camille Mouyéké ? » ai-je demandé au réalisateur Amog Lemba. Il m’a été répondu, énigmatique, «  Porté disparu ».

« Voyage à Ouaga » (2000) est l’œuvre de Camille Mouyéké, excellent réalisateur congolais, jadis habitué de Cannes, qui, semble-t-il, a subi le sort réservé aux cracks dans notre pays : le refoulement vers le néant. Les dirigeants du Congo aiment le pétrole, pas les idées, a fortiori ceux qui en sont les porteurs : cinéastes, romanciers, artistes, musiciens, étudiants... On se souviendra des « Mavericks, » (1998) court-métrage de C. Mouyéké présenté à Cannes. Ce fut d’une puissance éthérique.

Laissons le mot de la fin à la réalisatrice du court-métrage « ku m’kélo » (A la source) (2008) Nadège Batou, congolaise. Absente au festival panafricain de Cannes sa technique de narration mérite qu’on évoque son nom ici. J’ai dit à N. Batou qu’elle nous devait une suite de son dossier sur le problème d’eau à Brazzaville. Batou s’est expliqué : « Ku m’kélo 2" n’est pas une dette. C’est un devoir patriotique.  » C’est ça un auteur engagé ! Ku m’kélo (numéro 1) fut primé à Ouagadougou. Le second épisode est attendu par un public assoiffé non seulement d’eau mais également de culture. Vite N. Batou, ne nous fais pas languir !

Pour apporter l’eau au moulin de N. Batou, j’ajoute : « Le cinéma n’est pas une dette envers le peuple, c’est un combat.  »

Le festival ferme ses portes dimanche 3 mai 2015.

Simon Mavoula

Laissez un commentaire
Les commentaires sont ouverts à tous. Ils font l'objet d'une modération après publication. Ils seront publiés dans leur intégralité ou supprimés s'ils sont jugés non conformes à la charte.

Recevez nos alertes

Recevez chaque matin dans votre boite mail, un condensé de l’actualité pour ne rien manquer.