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Rationalité politique

La diplomatie africaine à l’épreuve du Coronavirus

Alors qu’il y a plus de deux mois que l’épidémie de coronavirus est passée à la phase de pandémie, le continent africain développe d’inaudibles atermoiements. Sa diplomatie montre non seulement son inefficacité mais surtout son manque de cohérence puisque les Etats préfèrent discuter en ordre dispersé et essentiellement avec leurs anciens colonisateurs.

Aucune structure commune interne n’a clamé d’une voix forte les mesures prises pour l’ensemble du continent. Il est certes vrai que le virus n’a pas encore fait beaucoup de victimes. Mais les Africains sont déboussolés par des interventions médiatiques des pays occidentaux et certaines organisations internationales. La diplomatie africaine demeure inaudible, voire inexistante.

En dehors des conséquences financières et économiques qui ont toujours préoccupé les Africains, au niveau de l’Union Africaine (UA), il y a des commissions et équipes de travail à partir desquelles on peut attendre des approches plus originales. Mais hélas, ce sont encore les Occidentaux qui donnent le tempo sur ce qui doit se réaliser en Afrique.

Après le discours alarmiste tenu par le Directeur de l’OMS le 18 mars 2020, qui a, d’ailleurs, nourri une grande polémique et suscité une contre-réaction et méfiance des Africains, les diplomates africains continuent de rester au placard des médias et de la scène internationale. « L’Afrique devrait se réveiller, mon continent devrait se réveiller » s’étranglait le même Tedros ADHANOM GHEBREYESUS, Directeur de l’OMS. Il a fallu que le confinement soit décrété dans des pays occidentaux pour que les pays africains prennent individuellement la mesure de la menace et suivent sans discernement le message porté par l’Europe. Heureusement que l’opinion africaine ait eu à court-circuiter les diplomates en criant au scandale et à la manipulation consistant à imposer des vaccins empoisonnés. Là encore aucune réponse de grande envergure de la part des diplomates africains pour faire passer la pilule.

Avec son infime nombre de cas de coronavirus constatés, l’Union Africaine va-t-elle laisser les Africains se comporter en pionniers pour tester les vaccins d’origine étrangère ? Ne serait-il pas concevable, devant le doute émis par les Etats-Unis, la France et d’autres pays européens sur l’attitude de la Chine, que les dirigeants africains se prononçassent sur la décision américaine tendant à priver l’OMS de sa contribution financière au titre du budget 2020-2021 ?

Le débat manqué sur la vaccination des Africains à propos du coronavirus

D’après les données publiées par le Centre pour la prévention et le contrôle des maladies de l’Union africaine, l’Afrique compte déjà plus de 18 792 cas confirmés et près de 967 personnes décédées de coronavirus (Il faut toutefois noter que ces chiffres concernent tout le continent africain). La Chine et les autres pays occidentaux où le Covid-19 a fait plus de ravage n’ont pas témoigné d’une grande résistance à l’idée de la vaccination des populations. Ces Etats se sont individuellement exprimés sur cet aspect et à ce jour, l’idée qui y prévaut est celle de multiplier les tests de dépistage de la maladie. L’Union Européenne (UE) s’est engagée à prendre des mesures communes immédiates même si celles-ci ne s’imposent aux 27 Etats. Par exemple, elle a confirmé la fermeture des frontières de l’union, le rapatriement des ressortissants, le financement d’un laboratoire allemand pour la recherche sur le vaccin etc. Exceptées les mesures financières prises pour l’accompagnement des plans de confinement des pays africains, aucune initiative commune aux Africains n’a été médiatisée en vue de mettre en selle la solidarité africaine.

Les Etats, privilégiant leurs intérêts personnels et faisant abstraction de toute stratégie commune de lutte contre le coronavirus, préfèrent négocier séparément leurs aides étrangères. Ce qui laisse croire que l’UA se trouve dépassée par des circonstances qu’elle ne peut maîtriser du fait de son manque de coordination.

Au sein de l’OMS, par exemple, l’idée de la vaccination des populations africaines a couru et les Etats s’en sont accaparés individuellement jusqu’au point de créer une cacophonie médiatique. Les Africains continuent d’espérer qu’un point de vue commun aux Africains viendra apaiser les rumeurs d’empoisonnement et calmer les velléités purement vénales des certaines firmes internationales. Le débat sur la vaccination ne doit pas être résumé à la seule expression des politiques de santé publique de chaque Etat. Il devrait aussi consister à révéler les capacités de l’UA à faire face aux problèmes transfrontaliers de ses Etats. Le Covid-19 ne connaît pas les frontières du Cameroun, du Sénégal, de l’Algérie ou de l’Afrique du sud. L’OMS, qui persiste à faire des déclarations sur la vulnérabilité des populations africaines, que dit-elle actuellement sur le paludisme qui déciment des humains depuis des décennies en Afrique ?

Les institutions africaines n’ont-elles pas de communicants ?

A l’heure du pouvoir des médias et du déploiement des réseaux sociaux, les Africains communiquent en ordre dispersé (chacun selon ses moyens) et les décisions prises dans les institutions africaines apparaissent ainsi comme des données concernant uniquement les experts. Les populations aimeraient entendre l’UA prendre des positions et communiquer à partir des intérêts propres à l’Afrique. Les solutions dictées par les pays occidentaux commencent à exaspérer plus d’un.

Le confinement ayant causé une débandade dans les discours des dirigeants africains, il a fallu encore gober le message anesthésiant du 13 avril 2020 du Président français, visant outre mesure à câliner les technocrates africains avec l’idée de l’annulation massive de la dette (Voir “Quel rapport entre le coronavirus et la dette des Etats africains ?”, article de Rocil MATINGOU publié le 18 avril 2020 sur le site www.congopage.com). C’était la deuxième voix étrangère à parler de l’Afrique comme si, en interne, les communicants ne savaient que faire.

Les experts de la Commission économique de l’ONU sur l’Afrique estiment que 27 millions de personnes seront touchées d’extrême pauvreté après la crise sanitaire mondiale. Les conséquences de cette pandémie vont plus perdurer dans ce continent où l’aide internationale est envisagée comme la panacée des difficultés socio-économiques. A ce jour, les études et prévisions sont connues, mais il existe comme une sorte de tiédeur ou peut-être un manque de conviction des Africains pour prendre le leadership politique et faire valoir des solutions typiquement continentales.

Hormis tous les projets fondés sur l’aide internationale n’y a-t-il pas d’autres pistes à envisager pour épargner les économies africaines des attaques expansionnistes récurrentes ? Il s’agit du continent jusqu’ici le moins touché par le Covid-19. Celui-ci peut demeurer dans la logique de la prévention et se permettre ainsi d’éviter d’accroître sa dette publique extérieure. Alors pourquoi continue-t-on de communiquer à travers le discours pessimiste de la communauté internationale, qui a de gros enjeux financiers à voir l’Afrique s’embarquer à ses côtés ?

Le bégaiement comme langage diplomatique des Africains

Quant aux Nations-Unies, ses institutions spécialisées ont fait connaître leur politique de lutte contre le coronavirus en Afrique. D’une part, les solutions proposées pour éradiquer la pandémie ont un caractère universel et, d’autre part, l’Afrique doit bénéficier d’aides internationales pour lui permettre de gérer les difficultés causées par les mesures de confinement. Qu’en pense l’UA ?

Le Centre de contrôle et de prévention des maladies (CDC) de l’Union africaine prévoyait de distribuer, à partir du 20 avril 2020, un million de tests pour dépister le Covid-19 (d’après son directeur, le Dr John NKENGASONG). Ne s’agit-il pas d’une mesure sur laquelle les Africains souhaiteraient avoir des précisions et connaître la faisabilité ? Les diplomates se terrent comme s’ils ne veulent pas assumer le caractère dérisoire du nombre de tests par rapport à la population totale du continent qui est de plus 1.340.000.000 âmes.

En ce qui concerne les Etats, des tests du coronavirus sont pratiqués çà et là sans pour autant que les populations ne soient suffisamment éclairées sur les critères pris en compte pour mener ces opérations médicales. Y a-t-il quelque chose que l’on cache aux Africains ? Les besoins estimés pour soutenir la lutte contre la pandémie sont, pour la mise en place immédiate d’un dispositif de protection, de 100 milliards de dollars. Il conviendrait quand même que les Africains aient des précisions sur un tel dispositif et notamment sur ces conditions de financement puisque les médias africains demeurent aussi avides d’informations quotidiennes. Sous d’autres cieux, les aides accordées à l’Afrique ont été portées à la connaissance du public. Reste aux diplomates africains de communiquer avec vélocité sur ce qui se vit sur la crise du coronarivus à travers le continent. A l’instar de l’OMS et d’autres organisations régionales ou continentales, qui communiquent sur leurs avancées par rapport à la cherche des traitements, que fait l’UA à propos de l’Apivirine, molécule explorée par une équipe de chercheurs africains ? Ceux-ci méritent aussi attention et encouragement.

Des initiatives existent aussi chez les Africains et les explications de coulisse doivent également transpirer pour que les populations concernées puissent participer de façon responsable et circonstanciée aux sujets de leur développement socio-économique. Avec la multiplications des réseaux sociaux, il y a lieu d’éviter les sous-entendus. Les Occidentaux nous aiment bien. Mais qui sommes-nous les Africains ? Ne dit-on pas que « aide-toi et le ciel t’aidera » ?

Rocil MATINGOU
Docteur en Droit
Avocat au Barreau de Paris

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