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La leçon d’économie politique du professeur Kizounza à Télé-Congo

Connaissez-vous ce genre d’émission qui commence sur le mode majeur de l’ennui mais finit par péter à la gueule du présentateur ? Ces émissions à effet de serre sont légion à Télé-Congo. Par exemple, ce mercredi 25 mars, « L’économie en marche  » de Jean-Pierre Ngoma à Télé-Congo. Le téléspectateur en a eu pour sa patience et, c’était chaud pour l’animateur qui s’était mis à transpirer à grosses gouttes à la fin.

Firmin Kitsona Kizounza

Alors que l’auteur de l’émission économique s’empêtrait dans la définition et les dates du concept de pays émergents (2025 pour le Congo) personne n’avait encore idée de l’invité du jour. Puis, chemin faisant, on découvrira un personnage d’un certain âge, ne payant pas de mine. 64 ans. Il s’agit de l’économiste Firmin Kizounza. Bigre ! Ce nom me disait quelque chose. Des connotations AEC (Association des étudiants congolais) avec les psychologues André Nganga Léonard, Dieudonné Tsokini, Albert Foundou, Martin Mbayi, l’informaticien Malanda Binda, le philosophe Marie-Joseph Matingou, l’économiste Makaya Kokolo (paix à son âme) , les sociologues Didier Loufoua Lemay, Matondo-Kubu Touré...

D’entrée de jeu, sur le mode « il n’y a rien de nouveau sous le soleil de la science », l’invité rappela, au sujet du concept d’émergence, l’ancienne terminologie des années 1980, à savoir qu’il s’agit, en fait, de « pays en voie de développement », terme en vogue dans la vague des Samir Amin, inventeur des notions de centre et périphérie chères aux socio-économistes. La science économique, soit dit en passant, fait rarement économie de l’innovation conceptuelle. Les pays en développement étaient alors des Etats économiquement forts mais auquel manquait la sécurité sociale ou le bien-être des populations. C’est le cas du Brésil qui fabriquait des avions, des automobiles, possédait une industrie agro-alimentaire remarquable mais affichaient des disparités sociales effrayantes. Ensuite il y a eu les pays à économie ouverte et à économie fermée.

Et l’animateur de l’émission, Jean-Pierre Ngoma, de déplorer que L’Afrique continue de tirer le diable par la queue. « Il y a une exception » nuance l’économiste. Point d’interrogation du présentateur. « Le Botswana, précise Kinzounza, est un pays où il n’y a jamais eu de coups d’état, l’alternance s’y fait par élection  ». Aïe. Ce coup-là, le journaliste ne le voit pas venir. Habitué sans doute de recevoir sur le plateau des béni-oui-oui qui ont un manche à balais dans le cul, de peur de subir les foudres de Mpila, l’animateur se retrouve face à un interlocuteur iconoclaste.

Rôdé à l’affrontement verbal, l’air blasé de celui à qui on ne la joue plus, Kitsona Kizounza, joue au jeu du chat et de la souris avec son hôte . « Explication de texte ! » demande Jean-Pierre Ngoma soucieux de se dédouaner auprès de ses employeurs, sur le mode « ce n’est pas moi, c’est mon invité qui cherche des histoires  ». En effet, le bâton de la censure tombe vite à Télé-Kombo. Notre invité rappelle donc le schéma du développement historique de l’humanité, en commençant par la féodalité (période de la chasse aux sorcières), jusqu’à la période capitaliste actuelle où une minorité bourgeoise s’empare du capital (je schématise) au détriment de la majorité. De la chasse aux sorcières à nos jours, les mentalités ont changé ; le siècle des lumières est passé par là.

Vous l’avez compris, le professeur Kitsoro Firmin Kizounza chausse les lunettes marxistes ; celles qui regardent l’histoire de l’humanité en termes d’exploitation sans vergogne de l’homme par l’homme. Or, avec ses quintaux de pétrole et ses millions de m3 de bois, le Congo est un terrain favorable à cette domination/exploitation des classes ou plutôt d’une tribu/classe. Et le professeur de s’en prendre (je vais aller vite) aux différents types de leaders visibles en Afrique, leaders dont la voracité népotique a fait dégringoler les économies et poussé les populations de boire la tasse d’eau de mer.

Paul Kagamé

Sans l’air d’y toucher, Kizounza critique autour de lui. « Il y a un manque criard de leaders « transformationnels » susceptibles de rendre visibles des rêves impossibles, faute d’audace. » Exception à la règle, Paul Kagamé du Rwanda en était un, lui qui a été capable de battre une armée de 150 milles hommes avec 50 milles hommes, de faire de sa capitale (Kigali) la plus propre d’Afrique, de sa fonction publique la plus performante, de sa langue officielle l’anglais en l’espace d’un an alors que le pays était francophone. Il a aussi (un symbole anti-corruption) agrandi les prisons.

« Lorsque les rats des campagnes visitent une maison, ils y sont invités par les rats des villes » a dit, à peu près, un célèbre prédateur congolais. Le professeur Kinzounza dit que tous les rats sont des voleurs. Et comme ils sont tous gris dans l’obscurité des coups bas, il faut les obliger de porter chacun un badge. Ainsi le rongeur qui te demandera de débourser une commission de 50% dans toute opération financière au Trésor Public pourra être fiché. Car c’est l’anonymat qui encourage le vol, mot-valise des « antivaleurs » au Congo du...Shah de Mpila.

Exception congolaise

C’est, sous-entendu, loin d’être le cas du Congo, un pays où règne l’impunité typique de la jungle et où les prisons attendent en vain d’être remplies de tous les voleurs en cols blancs qui bouffent le capital à pleine gueule et à belles dents, prêts de saccager le mobilier national avec leurs ongles pour continuer de grignoter le fromage à l’odeur alléchée. Oui le Shah de Mpila est entouré de rongeurs qui vous mordent les orteils sans souffler.

Futé, le professeur Kizounza se garde de toponymie indigène. Il délocalise ses exemples à Singapour, en Corée du Sud, pays qui ont fonctionné en ayant des modèles. Ce fut le Japon pour la Corée. En Afrique, il n’est jamais venu à l’esprit des leaders de copier leurs pairs qui réussissent. Seul Ali Bongo a été inspiré d’aller copier Paul Kagamé (dictateur éclairé) quant à sa manière d’avoir une ville/capitale propre et une administration efficace.

Le Rwanda, pays qui sort d’une atroce guerre, a construit des indices de performance qui t’envoient en prison si tu ne les atteints pas en tant que fonctionnaire ou même en tant que ministre. Paul Kagamé, griffe Kizounza, n’est pas pour l’enrichissement personnel mais pour le bien-être de son peuple. Suivez mon regard. Le long de l’émission Docteur Kizounza a passé son temps à sortir ses griffes rétractiles contre son pays le Congo sans le nommer. On se tire dessus en faisant mine de viser une cible lointaine. Effet boomerang. A ce stade, le présentateur de l’émission transpirait à grosses gouttes en riant jaune.

Personne ne naît voleur

Comme dirait, à sa façon, Michel Innocent Péya, le Congo est à la croisée des chemins. Quand on veut atteindre l’émergence, il faut changer de mentalité. On ne naît pas voleur. On le devient. Et, la place d’un voleur c’est la prison. Ce n’est pas le cas du Congo-Brazzaville où plus on est voleur, plus on est promu. Le jeu du félin et du rongeur dure toute l’émission.

Quid Kizounza ?

Qui est Firmin Kizounza ? Un ancien de l’AEC, syndicat étudiant qui connut les illustres Matsocota, Lissouba, Lopes, Me Mbemba, Henri Ossébi. Economiste marxiste, Kizounza a été le géniteur du concept de « lumpenbourgeoisie » par opposition au lumpenprolétariat, le sous-prolétariat. Je ne trahirais pas sa pensée si j’articule ici que la pratique systématique de son concept au Congo éclaire toute cette classe de nantis qui s’engraisse de la rente pétrolière dans un contexte où le capital accumulé peut favoriser l’émergence s’il était bien utilisé. Cette sous-bourgeoisie fonctionne en vertu d’un axiome : semer le trouble si jamais on lui ôte ses moyens d’enrichissement illicite. La preuve : on la voit affuter ses griffes pour changer la Constitution afin de continuer de mordre le peuple. Celui-ci, chat échaudé craignant l’eau froide, dresse les poils. Ce signe est trompeur chez ce félin domestique. Il ne s’agit pas de peur. Souvent c’est le prélude à l’attaque.

Dr Kizounza a défendu sa thèse de doctorat au début des années 1980 sous l’encadrement des lions de la jungle universitaire comme Claude Berthomieu
, Albert Marouani, Robert Charvin, Dana, des férus de Marx. Les lecteurs du philosophe allemand sont d’avis que nos économies africaines sont extraverties, hier par le colonialisme qui a pillé richesses matérielles et affecté notre idéologiques lignagère, transformées ces richesses à l’étranger pour nous les revendre à des prix exorbitants une fois transformées, aujourd’hui par la néocoloniale françafricaine qui change nos leaders à sa guise.

Hilaire Babassana RIP

Que faut-il à nos économies riches en pétrole et autres richesses naturelles ? Une stratégie autocentrée et autodynamique selon la terminologie chère au professeur Hilaire Babassana (paix à son âme). Que fait le Ruandais Paul Kagamé cité en modèle si ce n’est s’appuyer sur ses propres ressources nationales afin d’échapper à l’aliénation. La meilleure rupture (cette rupture chère au Dr. Marcel Guitoukoulou) a consisté chez les Ruandais de passer de la langue officielle française à la langue anglaise plus portée vers des performances économiques en ces temps de mondialisation et de globalisation.

Kitsono Firmin Kinzounza a été formé à l’école de Nice, nourri au lait de la FEANF et de l’AEC. Au bout du compte Nice peut se prévaloir d’une contribution au débat politique et intellectuel congolais. N’oublions pas que Jean-Luc Malékat, bien que de l’école rennaise et grenobloise est comptable également du courant théorique niçois.

Gageons qu’avant 2016, le Pr. Kinzouza ne sera jamais l’invité d’une émission politique à Télé-foufou-Congo.

Thierry Oko

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