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La pulvérisation du Congo-Brazzaville par Denis Sassou-Nguesso

 
 Derrière les discours et les déclarations de circonstance, se cache une triste réalité, celle d’une opposition du Congo-Brazzaville à la peine et une majorité présidentielle sans foi ni loi.

Hold-up réussi

En Afrique, les séquences post-électorale constituent un cauchemar pour les leaders politique à la quête d’un point de chute pour s’assurer des meilleurs lendemains dans la perspective d’échapper au théorème suivant lequel : « ceux qui l’emportent, gagnent tout et les malheureux perdent tout  ». Au Congo-Brazzaville, la situation de la plate-forme IDC-FROCAD élargie à la composante JMMM relève d’un positionnement politique nuancé. Mais, en politique, les nuances comptent, elles parlent et elles disent quelque chose. La bataille des leaders pour le positionnement politique qui fait rage sous les yeux hagards des populations du Congo-Brazzaville participe de cette logique. La période post-présidentielle a tourné à une foire d’empoigne pour l’alliance IDC-FROCAD et la composante JMMM. Denis Sassou Nguesso qui s’agrippe au pouvoir et qui manie le bâton et la carotte, est en passe de réussir son hold-up électoral du 20 mars 2016 c’est-à-dire la pulvérisation de l’Opposition et la tétanisation de l’Eglise (sans parler d’anathème).

L’Opposition sens dessus-dessous

 La plate-forme IDC-FROCAD a été transformée en une hydre à trois têtes. Mathias Dzon, donnant du « A son Excellence, Monsieur le Président » à Denis Sassou Nguesso, qui balaye d’un revers de la main l’idée d’un chef de file de l’opposition. L’IDC-FROCAD incarnée par Claudine Munari Mabondzo droit dans ses baskets et Serge Blanchard Oba qui s’est prononcé pour le maintien de Sassou Nguesso jusqu’en 2020 sans que cette sortie ne suscite des remous. Et, enfin, Guy Brice Parfait Kolelas qui prône une large opposition allant de Pascal Tsaty Mabiala, Paul-Marie Mpouélé qualifié naguère de « mountoudia » (sangsue ) par le patron de « Youki » , à Jean Michel Bokamba yangouma, Anguios Nganguia Engambé en passant par Kinioumbi Kia Mboungou et Nicéphore Fyla de Saint Eudes. Si la convention proposée par Guy Brice Parfait Kolelas devrait se tenir, elle se résumerait à un ramassis de personnalités ayant cautionné le changement de la Constitution du 20 janvier 2002 et reconnu la victoire de Denis Sassou Nguesso. En effet, par-delà les nuances programmatiques, les divergences de gouvernance et même les désaccords de valeurs, les leaders de l’alliance IDC-FROCAD et la composante JMMM ne savent pas où donner de la tête ou plutôt s’interrogent sur la stratégie à amorcer après le passage en force du khalife d’Oyo, Denis Sassou Nguesso qui dispose de mercenaires, d’une police politique et d’un arsenal militaire impressionnant.

« Dialogue », vous avez dit dialogue ?

S’il existe un point de litige entre les leaders de l’opposition, c’est bien entendu le dialogue. Denis Sassou Nguesso qui est passé maître dans l’art de l’esquive a déjà trouvé une martingale à la crise politique post-électorale du Congo-Brazzaville : le vivre ensemble. Quoiqu’en ordre dispersé, l’appel au dialogue sans exclusive a été substitué au concept de « vivre ensemble  » par Denis Sassou Nguesso et son premier ministre Clément Mouamba qui a reçu l’assentiment de Serge Blanchard Oba, ci-devant porte-parole de l’IDC en l’absence D’André Okombi Salissa disparu des écrans radars. Les populations du Congo-Brazzaville connaissaient l’aversion de Denis Sassou Nguesso à toute idée du dialogue, synonyme de la perte du pouvoir à l’instar de la conférence nationale souveraine de 1990. Le prétexte a été vite trouvé. « Pas de dialogue dans le sang  » a déclaré Clément Mouamba, premier ministre de fait de Sassou Nguesso à l’occasion de la cérémonie des hommages des victimes tombées dans le champ du Pool du 11 octobre 2016. Fermez le banc.

Clément Mouamba versus Thierry Moungalla

A quand les hommages pour les autres victimes ? Y aurait-il deux catégories de victimes ? Les bonnes et les mauvaises ? Evidemment, Clément Mouamba, instruit par Sassou Nguesso, et enfermé dans une bulle de kevlar, a une autre lecture des événements dans la région du Pool. « Il n’y a jamais eu de bombardement dans le Pool ni d’État de siège. Je suis désolé d’entendre pareilles choses au niveau de la représentation nationale », a-t-il déclaré (Les Dépêches de Brazzaville, 20 octobre 2016), en réponse à l’une des questions du député de Kinkala Guy Brice Parfait Kolelas sur les bombardements dans le Pool et l’État de siège dont ferait l’objet cette partie du pays.

Que font donc les hélicoptères de combat pilotés par des ukrainiens dans le ciel du Pool ? Difficile de faire croire que ces engins de mort se livrent à des baptêmes de l’air dans les localités du Pool. Devant la représentation nationale, Clément Mouamba nie l’évidence et la réalité des faits contredisant le porte-parole du gouvernement Thierry Moungala et le colonel Moukala Tsoumou, porte-parole de la police, qui ont, eux, par contre, justifié les bombardements dans le Pool sans pudeur.

Comment rendre hommage à d’autres morts si on nie qu’il y a une guerre dans la région du Pool ? Apparemment les paradoxes ne semblent pas impressionner les partisans du « vivre ensemble. »

L’Eglise

Denis Sassou Nguesso a réussi la performance de diviser l’Eglise catholique en instillant la graine de l’ethnocentrisme. « La hiérarchie semble paralysée par des contradictions internes. Les neuf évêques de la conférence épiscopale sont divisés  », témoigne un acteur de l’Église congolaise, « les deux originaires du nord, la région de Sassou Nguesso, penchent plutôt du côté présidentiel. Les trois évêques européens, deux Français et un Espagnol, ne se sentent pas autorisés à dénoncer les dérives actuelles au motif qu’ils ne sont pas Congolais. Enfin, les quatre évêques du sud ne veulent pas braquer leurs collègues du Nord (La Croix, 18 avril 2016). ». Ce mal est aussi présent au niveau de l’Eglise. L’épiscopat du Congo-Brazzaville, traversé par des divisions ethniques, après un long silence, est sorti du bois et a planté le théâtre de la sortie de crise dans le message du 16 octobre 2016 : le dialogue. « Nous, Evêques du Congo, vous rappelons que le dialogue véritable constitue la pierre angulaire de toute vraie démocratie. Nous demandons vivement à nos responsables politiques d’œuvrer dans ce sens en vue du retour définitif de la paix au Congo en général et dans le Pool en particulier. Que l’Etat prenne ses responsabilités de garant de la paix et de l’unité nationale  ».

Législatives

Certains leaders politiques de l’opposition se situent déjà dans la perspective des législatives de 2017. C’est le cas de Pascal Tsaty Mabiala qui bat déjà campagne dans le « Niboland » et l’UPADS, de manière insidieuse, et sans le dire, c’est l’horizon vers lequel se tourne désormais le « Youki » de Guy Brice Parfait Kolelas. Entre Pascal Tsaty Mabiala et Guy Brice Parfait Kolelas, une course à l’échalote est engagée. A qui échoira le statut du chef de l’opposition et les avantages qui vont avec ? Qui tiendra le haut du pavé de l’échiquier de l’opposition ? D’autres clament le dialogue sans exclusive, la mise en place d’un gouvernement de transition qui déboucherait sur l’organisation de l’élection présidentielle sans Denis Sassou Nguesso. Vaste programme. C’est la posture défendue par Mathias Dzon et les Assises dirigée désormais par Gabriel Mawawa Mawa Kiéssé.  

Benjamin BILOMBOT BITADYS

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