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Le Dr. Marcel Guitoukoulou s’est soumis aux questions de la presse ce vendredi 11 décembre 2009

Ce vendredi 11 décembre 2009, le Dr Marcel Guitoukoulou a été l’invité du Club Presse de France à Paris. A titre de rappel, le médecin congolais, candidat aux élections présidentielles du 12 juillet 2009, avait vu sa candidature invalidée pour « défaut de séjour ininterrompue durant deux ans au Congo », une clause iconoclaste de la Constitution de Sassou dont, du reste, une foule d’articles, soulignera l’homme politique, est dure pour certains (souvent les mêmes, notamment ceux de l’opposition) et royalement souple pour d’autres (également les mêmes, notamment ceux du pouvoir). Justement, l’objet de la conférence de presse a porté, sur la parution chez L’Harmattan d’un mémorandum de 92 pages où sont décrits les mécanismes de la fraude électorale à l’issue de laquelle a été « brillamment réélu » le candidat à sa propre succession, Denis Sassou-Nguesso comptant, déjà à son actif 25 ans de carrière politique. Un record de longévité qui ferait pâlir d’envie un Président américain.

Sur le carton d’invitation on pouvait lire la vocation de la conférence : « briser le silence sur ce qui est apparu aux yeux de tous comme une forfaiture. Il s’agit pour l’intervenant, le Dr Marcel GUITOUKOULOU, de manière souveraine, de dénoncer la mascarade et d’y prendre appui pour évoquer la situation politique d’aujourd’hui. »

Le Dr Marcel Guitoukoulou préside le Congrès du Peuple, formation politique dont le concept-clef est la « rupture ».

Ce vendredi 11 décembre la joute oratoire à été introduite par le président du jury, le camerounais Nicolas Abéna et la modération des débats gérée par le congolais démocrate Freddy Mulongo de Radio FM. Pour la petite histoire, le Club Presse de France est situé dans un magnifique hôtel du 19è siècle dans le 8 è arrondissement parisien, à quelques pas du Grand Palais. Dans cette agora se déroulent, en semaine, des échanges intellectuels à connotation aussi bien politique, sociale que culturelle.

Dans son propos liminaire, le président du jury, après avoir spécifié le caractère exceptionnel de la date (un vendredi) une fin de semaine, a attaqué par une figure de style en jouant sur la notion de sommeil (voire de léthargie) dans lequel s’était plongé le médecin (anesthésiste de son état) après son injuste mésaventure électorale de juillet 2009 et son réveil par le biais d’un ouvrage autopsiant le système politique du Congo-Brazzaville ; subtile métaphore chirurgicale annonciatrice de la dynamique des débats qui, pour être policés ne demeurent pas moins incisifs ainsi qu’on le verra par la suite. De toute manière c’est conforme à la tradition de la maison où, ainsi que l’indique la raison sociale des lieux, seuls les journalistes ont droit de poser des questions.

La salle était comble. Plusieurs organes de presse. Beaucoup d’Africains, parmi eux, un nombre relatif de femmes, dont Thérèse Diata, journaliste indépendante. A noter aussi, la présence de l’épouse du Docteur Guitoukoulou.

MINUTE DE SILENCE

D’entrée de jeu, le Dr Guitoukoulou a invité l’assistance à observer une minute de silence en mémoire de l’ancien Premier Ministre Bernard Kolélas décédé le 13 novembre 2009 à Paris. « Le mémorandum dont il est question ici, a poursuivi l’orateur, retrace l’historique de l’élection présidentielle de juillet 2009 » qui, comme on sait est un « un évènement capital que vient de vivre le Congo-Brazzaville sur le choix de celui qui doit assurer la magistrature suprême. » En fait il a s’agit d’un choix entre statu quo et changement. « Les résultats ont consacré la réélection de Denis Sassou-Nguesso dont le bilan (25 ans) n’est pas glorieux ». Jugez-en : « Mendicité du pays ; son sort est entre les bras du FMI avec à la base, l’inscription à l’initiative PPTE ». Rien de plus révoltant que cette « génération qui ne cesse de considérer que le meilleur moyen de gérer le pouvoir, de (…) confisquer la souveraineté nationale reste le coup d’état. »

TRICHERIE

La tricherie s’opère en trois actes dont le premier est de manipuler l’opinion internationale en choisissant ses opposants qu’on bat d’autant plus facilement que l’élection participe d’une mise en scène. Le second acte est la manipulation du couperet constitutionnel. Sur 17 candidats, 4 (dont (…) le Dr Guitoukoulou) ont été recalés pour diverses raisons, par exemple « la non résidence ininterrompue au Congo durant 2 ans ». Troisième acte : manipulation des chiffres. « Le score de Sassou est complètement à l’opposé de la réalité. »

C’est le coup d’état permanent. Et pourtant on note de la part des Congolais un rejet global du Président de la république et de sa politique. En témoigne le colossal taux d’abstention. Près de 80%.

Comme de bien entendu, la majorité au pouvoir ne rencontre « aucune résistance à son passage ». C’est un signe qui ne trompe pas : c’est du terrorisme politique.
Comédie ou coup médiatique (on ne sait), à son investiture le Président Sassou « fraîchement réélu » a laissé entendre avoir « tiré les leçons du passé » puis invité chacun « à jouer le jeu politique pour ne regarder qu’une chose : l’intérêt supérieur de la République ». C’était mal connaître le personnage. Les cents premiers jours, la population a été abusée. « On a vu un gouvernement scindé en quatre pôles. Question : « Peut-on sacrifier l’intérêt supérieur de la Nation au profit d’une manœuvre dilatoire ? »

Certes la théorie du Congrès du peuple est la rupture, il ne reste pas moins que le Dr. Guitoukoulou « rassure le peuple congolais de (sa) disponibilité à œuvrer au rassemblement de tout le peuple afin que se dégage une nouvelle majorité. »
Le Dr M. Guitoukoulou tient comme la prunelle de ses yeux au rétablissement de la paix dans le Département du Pool, un sujet réservé à une élite qui en fait un « fonds de commerce »

AMBASSADEUR ITINERANT : CICERON MASSAMBA

De tous les hommes politiques, le Dr Guitoukoulou peut se targuer d’être allé dans ce champ de bataille que demeure le Pool, parfois il y es t allé « déguisé en paysan »
Médecin, il rappelle que son travail politique ne s’est pas borné à des slogans pieux. Il a en effet pratiqué « l’aide humanitaire, depuis 17 ans ». Il a approché Sassou au lendemain de la guerre civile alors que ce dernier, très remonté contre ses adversaires, ne voulait pas entendre raison.
« Mon devoir aujourd’hui est de dire aux Congolais, le changement est d’actualité. C’est pourquoi, après longue réflexion, j’ai décidé de nommer un « ambassadeur itinérant » qui a pour mission de mettre sur pied un groupe de contact au-delà de la bipolarité qui nous est imposée aujourd’hui par une classe politique qui « dispose d’un discours des années soixante ». Par conséquent : « la facture morale induite par cette génération du passé est à l’origine de nos maux » a diagnostiqué M. Guitoukoulou.
Monsieur Cicéron Massamba est cet Ambassadeur itinérant chargé de « prendre contact avec les autorités du pays pour décrisper le climat politique. »
Le pays a tendu la main au FMI et atteindra le point d’achèvement à l’initiative PPTE. On ne sait même pas quel est le montant réel de la dette. « J’en profite pour dire au gouvernement congolais de jouer de la transparence sur l’état des comptes de la Nation. »

DISPARUS DU BEACH

De la réconciliation des Congolais : « bien sûr, je ne suis pas d’accord avec Sassou, mais comme il s’est déclaré ouvert à l’amnistie, c’est un pas ouvert vers la réconciliation. Le 1er novembre a été la fête des morts. Les parents des Disparus du Beach n’ont célébré aucune cérémonie. Le Dr Guitoukoulou demande au Président de la République, garant des libertés, soutien de la veuve et de l’orphelin, de « consacrer du temps à la mémoire des 350 disparus du Beach. » D’autant plus qu’il y a eu « un procès au Congo qui a indemnisé les parents, donc il y a reconnaissance des faits. »
Amener à rassurer les Congolais dans les sept ans à venir pour la paix. Au Pool, le Waterloo congolais, il n’y a ni paix ni guerre. C’est pire. A Mindouli, c’est le Far West et l’Afghanistan : on attaque les trains, on y cultive du chanvre. La proposition du médecin congolais est la suivante : « Je sollicite le Plan Marshal pour le Pool. »
Inverser le rapport de force pour une révision de la Constitution. Garantir les conditions d’éligibilité transparentes.
L’orateur, avant de se soumettre au feu des questions des journalistes conclue par un « morceau d’architecture de Jean-Jacques Rousseau » dont le premier vers est : « L’homme est né libre et partout il est dans les fers… »

« Que chacun comprenne ce qui lui reste à faire. »

QUESTIONS DE JOURNALISTES

La première question est adressée à Cicéron Massamba, ambassadeur itinérant, sur l’état des lieux du pays.
Dans un propos éloquent et concis, Cicéron Massamba recadrera le débat sur les élections dont les dés « étaient pipés d’avance ». Le taux d’abstention, 80%, a indiqué le rejet du système. « Le mémorandum est un document qui témoigne comment a été organisée la fraude électorale » rappellera C. Massamba.
Création d’un Front Républicain ouvert à toutes les forces.

Tirs croisés des questions sur la main tendu de Sassou (Nicolas Abéna), les querelles internes au PCT (Freddy Mulongo), sur les femmes (les veuves) après la guerre (Thérèse Diata), les génération des pères des indépendances (Léon Le Post), la Françafrique et le fait d’avoir reçu la distinction de Sarkozy, qu’apporte aux Congolais d’avoir été promu chevalier de l’ordre du mérite ( Jacky Moiffo) etc. (A noter également la présence de Michel Botowamungu Kalome d’AFRIQUE ECHOS MAGAZINE, de l’éditeur Mawawa Kiésé éditions PAARI)

L’orateur a répondu point par point à toutes les questions (ce qui est rare dans les échanges intellectuels) en montrant une maîtrise du dossier économique congolais sur la dette et le service de la dette. Il est monté au créneau sur l’inamovibilité des générations des indépendances qui s’accrochent encore au pouvoir près d’un demi-siècle après ces indépendances sans vouloir aspirer à une retraite (plus ou moins méritée, souvent moins méritée). Le Dr, s’est dit ne pas se sentir lié à la françafrique pour avoir accepté la distinction de Nicolas Sarkozy (chevalier de l’ordre du mérite). Ce sont ses 28 ans de carrière qui ont été couronnées. A la question « qu’est-ce que ce titre honorifique apportait aux Congolais », l’orateur a répondu que ça insufflait l’espoir à ceux qui souffrent dans notre pays où le système scolaire est quasiment à l’abandon.

CONCLUSION

De façon générale, la prestation devant les journalistes du Club de Presse fut excellente. Aucun couac dans l’échange. Le discours de l’orateur était limpide. Le tour des problèmes qui minent le Congo a été fait. Aucune question de journaliste n’a été éludée.

Dans la salle, en plus de Cicéron Massamba, on a noté comme membre du Congrès du peuple, Roger Loufoua. L’ambition de tout homme politique est de se retrouver à la magistrature suprême avec des hommes qu’il faut à la place qu’il faut. On a senti chez le Dr. Marcel Guitoukoulou un amour très grand du pays et surtout une volonté de rupture avec l’ordre actuel des choses mais sans forcément chercher à jeter le bébé avec l’eau du bain. Il s’est déclaré non adepte obtus du « jeunisme » puisqu’il y a des jeunes qui affichent des comportements du passé et des « vieux » qui brillent par leur sens de l’innovation.

Marcel Guitoukou, Président du Congo ? Pourquoi pas. Marcel Guitoukoulou y croit. Durant le cocktail au bar du Club de la Presse, il m’a regardé, m’a tendu la main pour un top puis m’a dit : « je vais y arriver ». Barck Obama évoqué dans la salle y avait cru. Il y est arrivé.

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