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Le budget 2015 du Congo-Brazzaville pique du nez

Sur le flanc des finances publiques, le fond de l’air a changé au
Congo-Brazzaville. L’époque où Sassou Nguesso, Gilbert Ondongo et les
épigones du « Chemin d’avenir  » plastronnaient en brandissant des taux de
croissance à deux chiffres et des recettes budgétaires tutoyant des
sommets est révolue. Le temps des rentrées fiscalo-douanières et
pétrolières himalayesques n’est plus qu’un souvenir. Un temps
pendant lequel Sassou, Gilbert Ondongo et Nicolas Okandzi, directeur
général du budget et assassin du jardinier Bambélo, enivrés par l’odeur
des pétroCFA, se sont sentis pousser des ailes, s’adonnant à l’économie
d’endettement en octroyant des crédits tous azimuts aux pays africains : 100 milliards de francs CFA à la Côte d’Ivoire, 50 milliards de francs CFA au Niger, 50 milliards de francs CFA à la Guinée Conakry, 25 milliards de francs CFA à la République centrafricaine et à une institution financière, 50 milliards de francs CFA à la BDEAC. C’est aussi improbable que Rockefeller qui accorde un prêt à un berger Massaï. Ou Aimé-Emmanuel Yoka qui construit un hôpital général à Vindza.

Et, depuis, la donne a changé.

Décrue

La conjoncture économique internationale n’est plus sous de bonnes
auspices. La Banque mondiale prévoit une croissance du PIB en Afrique de
5,2% entre 2015 et 2016 contre 4,6 en 2014. Le Congo-Brazzaville table
sur une croissance du PIB de 8 % en 2014 et 5,1 % en 2015 après avoir
brandi un taux de croissance du PIB de 10 % en 2012 comme un trophée
alors que les institutions de Bretton Woods prévoyaient 7,8 % du PIB.
Le niveau himalayesque du budget a cédé le pas à une sévère décrue. Le
budget du Congo-Brazzaville a fondu comme neige au soleil.

Budget rectificatif

En témoigne le budget rectificatif exercice 2015. Un projet de loi de
finances rectificative est déposé au parlement si l’atteinte de
l’équilibre financier défini par la loi de finances de l’année est
compromise, ou si les recettes constatées en cours d’année sont
largement inférieures ou supérieures aux prévisions, ou encore si de
nouvelles mesures législatives ou réglementaires affectent l’exécution
du budget.

Rythme

En l’espace de sept ans, le budget du Congo-Brazzaville a été
multiplié par trois ; passant de 1300 milliards de francs CFA en 2007 à
4000 milliards en 2014 ramené à 3800 milliards à la suite du collectif
budgétaire. C’était la fiesta. Le budget 2008 était de 1671 milliards de francs CFA en
augmentation de 294,093 milliards de francs CFA par rapport à 2007. Le
budget de l’Etat exercice 2012 avait été arrêté en recettes et en
dépenses à la somme de 3.645 milliards 575 millions de francs Cfa,
contre 3006 milliards 257 millions de francs Cfa, en 2011, ce budget a
connu une augmentation de 21%, (600 milliards en valeur absolue). « Fêti na fêti ! » Ainsi, le budget de l’Etat rectifié exercice 2015 est arrêté en
recettes et en dépenses à la somme de : deux milles sept cent quinze
milliards soixante-six millions (2.715.066.000.000) de francs CFA. Ce
qui ramène le budget 2015 au niveau de celui de 2010 à 100 millions de
francs CFA près. En effet, Le budget de l’Etat pour l’exercice 2010
arrêté par le gouvernement est estimé à 2814 milliards FCFA. Le budget du Congo-Brazzaville est donc passé de 4000 milliards en 2014 ramené à 3800 milliards à la suite du collectif budgétaire à 2.715.066.000.000 de francs CFA en 2015. Soit une baisse d’environ 1.100 milliards de francs CFA. Une véritable érosion des recettes du Congo-Brazzaville.

Dégringolade

La chute des cours du pétrole - de 125 à 50 dollars (de 110 à 44 euros) en un an
et une remontée actuelle à 60 dollars - a considérablement tari les
revenus du Congo-Brazzaville qui tire des hydrocarbures 70 % de son
budget et environ 80 % de ses recettes d’exportation. Une situation économique qui fait du Congo-Brazzaville une économie de rente. « Molinga a komi civil. » Finie la période de vaches grasses.
Voici arrivé le temps des vaches maigres.

Le pays doit aujourd’hui trouver une alternative à des ressources en
baisse. Comme un flambeur qui sort du casino de Deauville, le Congo n’a jamais investi pour développer les autres secteurs de son économie, notamment son industrie (autour de 5 % de son PIB), son agriculture et son tourisme. Et, ceci, en dépit de l’invitation insistante et répétée des institutions de Bretton Woods et de la Banque Africaine du Développement (BAD) de la diversification de l’économie du Congo-Brazzaville qui demeure une économie mono-produit. « Le Congo-Brazzaville en est venu à (presque) tout importer - y compris des safous, du Cameroun, des poissons et du foufou du Congo-démocratique, des haricots verts et des aubergines du Rwanda ! » se désolent souvent, ironiques, les populations du Congo-Brazzaville. En 2014, sa facture d’importation des produits alimentaires s’est élevée à quelque 120 milliards de francs CFA. Et, la tendance n’est pas prête à s’inverser. Ces dernières années, le Congo-Brazzaville a pris des mesures pour limiter les importations, stopper les chantiers d’infrastructures ou favoriser la consommation locale, mais il n’est pour le moment pas question de s’attaquer à la corruption et de toucher aux transferts sociaux ( subventions des denrées alimentaires, de l’essence, etc. qui ne sont toujours pas à la portée de toutes les bourses ), une politique coûteuse (environ un quart du PIB) mais qui assure aux autorités une certaine illusion de travailler. Denis Sassou Nguesso n’est-il pas affublé du patronyme : « Le bâtisseur infatigable »  ? Hum, avec le ton ironique des Juifs appelant Hitler « Bon Samaritain. »

Comparaison

Le Congo-Brazzaville, aux budgets colossaux, est moins doté en infrastructures routières, aéroportuaires, hospitalières, universitaires, hydroélectriques comparativement aux pays aux budgets modestes tels le Burkina Faso ( et le budget de l’Etat, gestion 2015 s’élève à 1 516 501 125 000 de francs CFA), le Sénégal(Budget du Sénégal au titre de l’ exercice 2010 estimé à 1845 milliards 660 millions de francs CFA, le budget de l’exercice 2013 est arrêté à 2.531 milliards de francs CFA et le budget de l’exercice 2015 est 2 869 milliards de francs CFA) et le Bénin ( 1267milliards 407 millions de francs cfa exercice 2010, le budget du Bénin exercice 2013 était chiffré à 1016 milliards de francs CFA et Le budget béninois, exercice 2015, s’élèvait à 1.506, 638 milliards de francs CFA) et le Togo (Le budget s’équilibre en recettes à 536,8 milliards de francs CFA en 2009 contre 432,7 milliards de francs CFA en 2010et en dépenses à 548,7 milliards contre 499,7 milliards de francs CFA, Le budget 2013 s’évalue à 728 milliards de francs CFA et Le projet de budget du Togo pour l’exercice 2015, s’équilibre en recettes et en dépenses à 806, 193 milliards de francs CFA). Il ne suffit pas d’avoir de budgets gigantesque, faudrait-il encore avoir des idées et la volonté politique de leur mise en œuvre.

Le budget du Congo-Brazzaville, exercice 2015, est équivalent à celui du Gabon en 2015 qui est de 2.651,2 milliards de francs CFA. Malgré le plongeon des recettes budgétaires du Congo-Brazzaville, l’exercice 2015 des finance publiques reste un bon cru, au regard de la population et de la superficie. Car, 2.715.066.000.000 de francs CFA, c’est énorme. A condition d’opérer des choix économiques judicieux : réduction des dépenses non ordonnancées (DENO) ainsi que des dépenses somptueuses et priorités aux investissements productifs. Dans le programme du « Chemin d’avenir » , un certain nombre d’erreurs commises pourraient être corrigées sans trahir l’utopie première : celle de hisser le Congo-Brazzaville vers l’émergence d’ici 2025. « S’adapter, ce n’est pas se renier » , disait Léon Blum.
Emergence dans dix ans ? Mais Sassou n’est pas Woody Allen qui disait : « L’utopie m’intéresse, car c’est là que j’ai l’intention de faire ma vie. »

Benjamin BILOMBOT BITADYS

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