email

Le général Mokoko sort enfin de sa réserve

La voix grave (celle avec laquelle on joue des tragédies) le général Jean-Marie Michel Mokoko a appelé à la désobéissance civile (ou civique, c’est selon). Très attendu, (Dieu seul sait par quel canal) l’appel a finalement été lancé jeudi 24 mars suite à la publication nocturne des résultats officiels (forfaiture suprême) donnant Sassou gagnant avec 60% de suffrages.

L’heure n’est plus à la rhétorique lénifiante préélectorale qu’on a du reste reproché au candidat Mokoko. Cette fois-ci le ton est dur, ferme. C’est le militaire qui parle, un militaire qui veut faire taire à jamais un autre militaire.

Quid la désobéissance civile ?

De quoi est-il question quand on parle de désobéissance ? Derrière le concept de « désobéissance civile » se profile celui d’insurrection, avant-goût des révolutions comme celle de Tunisie, comme celle du Burkina Faso. Mieux : le général a appelé ses frères d’armes de réitérer l’exploit de 1992 qui déposa Sassou. Si l’armée est mise à contribution, il y a risque d’affrontements ; autant dire que l’heure est grave.
« Le peuple ne doit pas se faire voler sa victoire » a articulé le général avec une tonalité dont les fréquences oscillaient sur les graves. Rien en commun avec l’accent aigu d’un Sassou.

Il y a désobéissance civile quand les populations restent terrées chez elles, prêtes d’en découdre. Des barricades sont dressées, des pneus brûlés. On est a mi-chemin entre ville morte et insurrection populaire. C’est ce qui est arrivé au Burkina-Faso.
Au Congo, à compter de ce 24 mars 2016, on risque de dire « Brazza c’est Ouaga. »

Mokoko a donc opéré le passage à l’acte tant attendu par une population qui n’en finissait pas de ronger son frein.

L’insurrection est d’autant plus probable que les Congolais ont noté avec satisfaction le lâchage (certes encore timide) de Sassou par la Communauté Internationale. Pire, il se murmure que (mythe ou réalité) le Président Eduardo Do Santos compte se mêler de la situation, au profit de l’Opposition ; à l’inverse de ce que fit le voisin angolais en 1997.

Plan B

Soutien externe, vous avez dit « soutien externe » ?

S’agirait-il du fameux plan B dont les partisans critiques de JMM Mokoko attendent avec fièvre dévoilement et déploiement ?
A propos de plan B, on se souviendra du propos du Dr Marcel Guitoukoulou (ami du général Mokoko) qui dit judicieusement qu’un plan ne vaut plus rien si on le dévoile. Il n’y a pas meilleur plan que celui auquel ne s’attend pas l’ennemi.

Alors le général détient-il une botte secrète ? On l’espère âprement.

L’attentisme des quartiers Nord

Les grandes villes se déversent dans la rue : c’est le scénario le plus probable quand la désobéissance civique évolue vers l’insurrection.

Bacongo n’a pas attendu l’appel du général pour marcher dans les artères publiques. Mercredi 23 mars, la résistance avait déjà pris forme dans le fief de Parfait Kolélas.

Reste que la répartition des mouvements sociaux est inégale dans la ville de Brazzaville qualifiée déjà de dichotomique et d’ambiguë par le sociologue Georges Balandier dans les années 1950. L’attitude passive des quartiers Nord de Brazzaville suscite des interrogations. La désobéissance civile doit être universelle sur le plan urbain. Elle ne doit pas être le monopole des quartiers Sud, Bacongo/Makélékélé.

« Poto-Poto, Talangaï, Moungali, Ouénzé attendent qu’on leur tire les marrons du feu  » s’indignent les observateurs.

L’attentisme des quartiers Nord fut fatal au peuple de Bacongo le 20 octobre 2015. Les analystes estiment que le pouvoir de Sassou eut la vie sauve à cause du faux bond des périphéries nord.

Une vieille tradition

Or depuis 1963, la Commune de Bacongo a été à l’avant-garde des insurrections. Youlou fut balayé par un furieux vent qui souffla des quartiers Sud. Chasser le tyran est une vieille tradition des Kongo/lari depuis l’époque coloniale. Matsoua, Mabiala-Ma-Nganga sont des modèles historiques de résistance qui, forcément, inspirent le sujet kongo. Il ne demeure pas moins que les quartiers Nord, melting-pot, savent dirent "non" à l’oppresseur. Bacongo doit-il faillir à la tradition sous prétexte que Poto-Poto traîne les pieds ?

Que faire ?

Mokoko doit devoir parler à l’inconscient collectif des Mbochi de Talangaï comme le fait Kolélas avec ses frères du Pool.

Dans le même temps, Mokoko doit s’employer d’internationaliser la crise congolaise en occupant inlassablement réseaux sociaux et autres moyens de communication.

Au moment où nous écrivons ces lignes, l’histoire du Congo est en train de s’écrire quasiment à huis clos, dans l’indifférence de la communauté internationale dont la presse (en particulier JEUNE AFRIQUE) est restée complaisante à l’égard du tyran congolais.
Il aura fallu que trois journalistes (Le Monde et l’AFP) soit molestés pour noter le sursaut de la presse étrangère.

Actions multiformes

Le Dr Marcel Guitoukoulou par exemple passera à Africa 24 samedi 26 mars. en attendant, il est passé ce soir sur Télé-Sud au journal de 19 h.

Une délégation congolaise conduite par le ministre Jean-Luc Malékat s’est rendue à Rome. Le Pape a béni l’effigie du Cardinal Emile Biayenda que les Congolais ont présentée au Souverain Pontife. Le chef des Catholique a Sassou dans son collimateur (ne l’oublions pas). On impute à Sassou la mort du Cardinal Emile Biayenda. Santo Subito pouvait lire le Pape sur la pancarte des Congolais en cette veille de Pâques.

Ce jeudi, 24 mars une conférence de presse a été convoquée sur le parvis du Tribunal de Paris par le représentant officiel du général Mokoko : Marc Mapingou.

Leadership

Mais, les Congolais, las de voir Sassou s’accrocher au pouvoir trouvent que le général n’en fait pas assez, qu’il ne prend pas assez d’initiatives et qu’il répond un peu trop facilement aux injonctions de ses adversaires, en l’occurrence à celles du petit procureur fou nommé Oko Ngakala. Par ailleurs le problème du leadership doit être réglé dans les rangs de l’Opposition. Entre Kolélas et Mokoko on a l’impression que l’Opposition est bicéphale.

Simon Mavoula

Laissez un commentaire
Les commentaires sont ouverts à tous. Ils font l'objet d'une modération après publication. Ils seront publiés dans leur intégralité ou supprimés s'ils sont jugés non conformes à la charte.

Recevez nos alertes

Recevez chaque matin dans votre boite mail, un condensé de l’actualité pour ne rien manquer.