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Les Amis de La république Centrafricaine ont réfléchi à Paris sur la crise en RCA

« Depuis le renversement du président François Bozizé le 24 mars par la coalition rebelle Séléka dirigée par Michel Djotodia, la population du pays vit, selon l’ONU, "une tragédie", victime de meurtres, viols, pillages perpétrés par d’ex-rebelles et des mercenaires venus du Tchad et du Soudan qui avaient rejoint les rangs de la Séléka.  » (AFP)

Vous comprendrez alors pourquoi l’association des « Amis de la République Centrafricaine » a organisé une rencontre samedi 2 novembre 2013 à Paris à La Maison de L’Afrique (1) afin de réfléchir sur les solutions à la crise qui mine ce pays depuis le coup d’Etat. Près d’une cinquantaine de Centrafricains et amis de La Centrafrique ont répondu présent à l’appel de ce nouveau cercle de réflexion présidé par Me Michel Langa, avocat à Paris.

Similitudes

C’est que l’histoire de la RCA est semblable à celle du Congo avec sa série de coups d’état depuis son accession à l’Indépendance en 1960. A titre d’exemple, La Centrafrique de François Bozizé a eu aussi son putsch militaire le 24 mars 2013. Une cohorte de mercenaires, venue du Tchad voisin, mit fin au règne du très mal aimé François Bozizé. Répondant au nom typique de « Séléka » (alliance) les assaillants s’emparèrent du pouvoir, semant terreur et désolation dans la population. A titre de comparaison, les Cobras de Sassou, à la fin du coup d’état du 5 juin 1997, aidés de mercenaires angolais, avaient exprimé la même sauvagerie dans les quartiers sud de Brazzaville. Ils obéirent à un sadique mot d’ordre de mise à sac donné personnellement par le vainqueur de Lissouba, le nommé Otchombé, en guise de « butin de guerre. »

Ce samedi 2 novembre, La Maison de L’Afrique, véritable agora grecque (en plus de ses montagnes d’ouvrages), a été, l’espace d’une après-midi, le théâtre de deux à trois exposés et échanges soutenus qui ont donné des Centrafricains de la diaspora une image d’intellectuels farouchement attachés à leur pays en proie à une guerre civile larvée.

Amitiés interculturelles

L’auditoire a affiché une interculturalité exemplaire qui en dit long sur l’intérêt que la diaspora africaine et quelques Européens portent sur un pays où se déroulent jusqu’alors des massacres à huis-clos (comme jadis au Congo de Sassou après la fin officielle du conflit civil) : Togolais, Béninois, Sénégalais, Camerounais, Congolais, Burundais, Européens ont donc répondu présent l’appel des « Amis de La République Centrafricaine  » afin de « trouver des solutions de sortie de crise » au drame cornéliens auquel est sujette l’ancienne Oubangui-Chari.

A propos, les « Amis de la République Centrafricaine », s’agit-il d’un parti politique ou groupe de réflexion visant à faire pression sur le cours des choses en Centrafrique ? La question sera d’autant plus posée que dans l’auditoire se compte un nombre remarquables d’anciens députés centrafricains. Le besoin de définir la nature réelle des « Amis de la Centrafrique » montre qu’il existe une soif d’agir que, du reste, n’ont pas cachée les femmes et hommes présents rue des Carmes, notamment Denise Yakazougba de « Réseau des femmes en action pour le développement » (REFAD) , Edwige Zoe Dondra de« Femmes en danger  » (FED). Au nombre des communications, celles de l’anthropologue et historien Victor Bissengue, des avocats Michel Langa et Jean-Gabriel Senghor, de l’honorable Serge Singha et de Nicolas Abena ( ce dernier campant avec objectivité dans le rôle de journaliste modérateur).

Les exposés

Le professeur Victor Bissengue, carte géographique à l’appui, a éclairé l’auditoire sur la dynamique historique de la RCA, de la période coloniale à la postcoloniale. En substance, selon l’anthropologue, le sol, le sous-sol, la faune, flore et la forêt de cette ancienne colonie française sont à l’origine de ses malheurs. Comme au Congo-Brazzaville (NDLR) où le pétrole serait à l’origine des différents conflits qui ont ravagé le pays depuis les années 1997. « Malheur aux riches ! » pourrait-on dire, paraphrasant St-Mattieu.

L’or bleu versus l’or noir

Les ennemis de la Centrafrique sont légion. Idriss Déby, profession « dictateur », en est un. Ce Tchadien en veut énormément à La Centrafrique, sa voisine du sud. L’une des raisons de la colère du tombeur d’Hissène Habré ? Une histoire d’eau. En effet, menacé d’asséchement le lac Tchad a besoin d’être approvisionné en eau. Le tyran tchadien n’a pas trouvé meilleure idée que le projet de détourner le fleuve Oubangui de son cour naturel pour résoudre le cataclysme inquiétant auquel est sujette cette mer intérieure que fut jadis le Lac Tchad : pharaonique ! Encore une similitude avec le voisin congolais : le fleuve Congo (prolongement de l’Oubangui) fut aussi envisagé comme château d’eau pour renflouer la cuvette quasi désertique qui tient actuellement lieu de rares plans aquatiques tchadiens suite au réchauffement de la planète. Que celui qui a dit que l’enjeu des futures batailles ce n’est pas l’or noir, c’est l’or bleu ? Celui-là n’a pas totalement tort.

Impunité

D’où vient-il alors que les visées impérialistes d’Idriss Déby sur la Centrafrique ont l’assurance de l’impunité ? La raison en est que pour avoir rendu service à La France dans la crise malienne, le ploutocrate de Ndjaména, par Séléka interposée, peut se permettre de commettre des razzias sur le territoire centrafricain de la RCA sans craindre le moindre regard réprobateur de l’Onu et de l’ancienne puissance colonisatrice aujourd’hui gouvernée par François Hollande. Du reste deux résolutions du fameux Machin gaulliste (entendez L’onu) attendent toujours de produire leurs effets dans un pays où les exécutions extra-judiciaires ne semblent pas émouvoir la Communauté internationale : Faute de pétrole la RCA compterait-elle pour une portion congrue au regard de la françafrique ? Et pourtant, rappelle Victor Bissengue, le pays regorge de richesses minières et sylvestres. Du reste, dans son stade suprême, le capitalisme au 19ème siècle s’exporta en Afrique Centrale où il réalisa d’immenses profits. Le grand capital se partagea la sous-région. C’est ainsi que le salariat, masque subtil de l’exploitation, fut introduit par une typologie de compagnies concessionnaires à la terminologie hiérographique ( CFHBC, SCKN, Paris-Sangha etc.) Pourtant au milieu des années 1970, la RCA suscita quelque intérêt sur le plan mondial, devinez pourquoi ? Un des purs produits de la françafrique, devenu incontrôlable, créa l’inédit historique en s’autoproclamant Empereur de La Centrafrique. Jean-Bedel Bokassa, car c’est lui, ouvra la vanne des dérives dont le pays n’a pas fini de faire les frais à ce jour.

Batouala

La Séléka, inquiétante et brutale coalition politico-militaire, n’a pas surgi ex nihilo. Il suffit pour cela de relire l’Antillais René Maran pour se rendre compte que le roman Batouala, écrit sous la colonisation, parle déjà de La Centrafrique du 21ème siècle. Batouala, à en croire l’historien Victor Bissengué, est annonciateur du bluff du nouvel homme fort de la RCA, Michel Djotodia et de ses prédécesseurs (David Dacko, André Kolingba, Ange Patassé, François Bozizé).

Figurez-vous que le sango, langue nationale, rend la notion de chaise par « mbata  » et l’idée du mensonge par « ouala ». En clair : le pouvoir (pour ne pas dire chaise) est le siège du mensonge.

Comment douter de cette équation basique (politique = mensonge) quand on voit Michel Djotodia, à l’œuvre. Le fait est qu’il y a du « batouala  » dans la Séléka. Que voit-on ? Bande hétéroclite venue de partout et de nulle part, la Séléka, une fois au pouvoir, reproduit les dérives qu’elle reprochait (à juste titre) à François Bozizé, homme de paille. Que sont devenues les promesses des insurgés de mars ? A la grande surprise (mais cela arrive souvent) ceux qui ont prétendu purifier le champ politique ont finalement ajouté à l’impureté anarchique : du vrai « batouala » où on vous met tout sens dessus-dessous, où on vous met « l’est en ouest » (disent les Algériens) . Se proclamant pure et dure au départ, Séléka s’est révélée exclusivement dure, après-coup.

Guerre de religion

Chrétienne et majoritairement animiste, la population centrafricaine est invitée de force par les nouveaux maîtres de tenter l’aventure islamiste. De fait, en dépit de son prénom catholique, Michel Djotodia est le premier Président musulman qu’ait jamais connu La Centrafrique, au grand dam de tout un pays effrayé par le prosélytisme d’hommes barbus et son corollaire : la guerre des religions. Comme au Nigeria, comme au Liban.
C’est parce que 90 % de chrétiens centrafricains ne veulent pas de cette domination par une minorité musulmane que l’association Les Amis de La Centrafrique a vu le jour. L’une des revendications de cette association qui se dit apolitique est le départ de Djotodia et sa Séléka. Cette institution politique voit ses militaires répandre chaque jour la mort à Bangui et dans les Provinces. De plus, les membres de sa branche armée ne parlent même pas la langue nationale, le sango. Qui oserait encore douter, en raison de ce hiatus linguistique, qu’il s’agit d’étrangers devenus maîtres d’un Etat souverain ?

Leadership

Malheureusement, Les « Amis de La Centrafrique » souffrent du mal infantile des mouvements sociaux naissants : le manque de leader. « Mais vous avez un leader tout désigné parmi vous ici  » fera remarquer un orateur en montrant du doigt l’homme de Justice, Me Michel Langa.

Propositions

La question qui a fait rebondir les débats est la suivante : quelles solutions pour sortir de la crise ? Des propositions ont fusé. Parfois avec passion. Entre autres, propositions, celles-ci : formation des cadres car le pays en manque cruellement ; une transition à la congolaise avec un prélat à la tête puisque en RDC elle a fait ses preuves ; des Etats généraux de la Nation ; le départ sans condition des mercenaires de la Séléka

Cette dernière proposition suscite, à juste titre, l’inquiétude de voir des gens verser dans la xénophobie.

De même, la solution de la formation des cadres est balayée d’un revers de main par un intervenant qui considère que ce n’est pas lorsque le bateau est en train de couler qu’il faut apprendre la nage aux gens. Au contraire, il faut parer au plus pressé : le redressement politique. Le même intervenant fera remarquer (signe que la Séléka a de longues oreilles) que tout ce qui se sera dit au cours des débats filtrera le soir-même à Bangui. Le même orateur se réjouissant du genre grammatical du nom du pays (LA et non LE Centrafrique) ira aussi de sa petite anecdote historique : le substantif « toquet  » (fou à lier) viendrait, rappelle-t-il, d’un préfet français sous la colonisation, en Oubangui-Chari, qui introduisait des bâtons de dynamite dans le rectum des indigènes pour célébrer le 14 juillet. Ce cruel colon répondait au nom de Toquet.

Compter sur soi-même

« La solution de La Centrafrique revient aux Centrafricains eux-mêmes » suggère Me Jean-Gabriel Senghor (neveu de l’ancien Président du Sénégal) « Au Sénégal la coexistence religieuse se fait sans heurts. Il n’y existe pas de cimetière musulman ou de cimetière chrétien. Tout le monde est inhumé ensemble. Dans chaque famille on a un parent de chaque confession religieuse » ajoute l’avocat, lequel invite les chrétiens centrafricains de se rendre au Sénégal afin de tirer profit de l’expérience des chrétiens sénégalais. »

On ne pourra pas faire économie d’une table-ronde avec tous les acteurs de la crise centrafricaine. En clair, il faudra désormais compter avec la Séléka, composer par conséquent avec les musulmans du nord 10% de la population). « Bref, tous les citoyens doivent discuter ensemble » analyse avec réalisme un débatteur.

(1) La Maison de l’Afrique Irea-Harmattan, 7 rue des Carmes, Paris 5ème Quartier Latin.

La RCA, pays abandonné par la Communauté internationale
Femmes Centrafricaines en action
Nelly G. présidente de l’association As de Coeur
Me Michel Langa président des Amis de la République centrafricaine
Les Amis de la République Centraifricaine
On n’apprend pas à nager quand le bateau coule
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