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Les dérives de la Lettre du Continent

Ras le bol de cette presse qui se fait des choux gras sur l’Afrique. Que penserait la Lettre du Continent si jamais le président candidat François Hollande s’accaparait du Trésor Public français, rassemblait les généraux militaires pour des sales besognes, demandait à l’armée de tirer sur la foule sur les Champs Elysées, faisait du gouvernement un ramassis de corréziens, bourraient les urnes, corrompait le ministre de l’intérieur, annonçait en 2017 des résultats différents des votes réels. Bref, que ferait la rédaction de la Lettre du Continent si François Hollande s’autoproclamait Président à vie ?

A notre avis, ce journal crierait au scandale, à la dictature, à la tyrannie, à l’horreur, appellerait à la résistance comme De Gaulle, distribuerait des passages de la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789, invoquerait les pères de la Révolution Française, rappellerait le statut (autoproclamé ?) de la France berceau des Droits de l’Homme, pays de la démocratie, etc. etc.

Sassou le stratège

Et pourtant, La Lettre du Continent n’a pas trouvé de termes plus admiratifs pour apprécier la politique menée par le candidat à sa propre succession, Denis Sassou-Nguesso, au Congo-Brazzaville, après plus de trois décennies de règne. La Lettre a trouvé en lui un stratège qui va parvenir à ses fins le 20 mars prochain.

Comme si la messe était déjà dite, comme si la soif de liberté n’habitait pas d’autres peuples que les Français, comme si les Congolais étaient des veaux, ce canard écrit dans ses colonnes : « Sauf tsunami ou violentes secousses sismiques à Brazzaville, Denis Sassou Nguesso devrait aborder la campagne pour sa réélection en mars dans un fauteuil molletonné, non sans avoir méthodiquement manipulé le processus de bout en bout. » Lettre du Continent 724 du 24 février 2016.

Exit la soif de changement inscrite dans l’ADN de tous les peuples, quelle que soit leur aire culturelle.

On ne sait si c’est de l’ironie socratique, si c’est le syndrome Charlie Hebdo ou s’il s’agit d’une façon de s’aligner sur l’actuelle position de L’Elysée qui a porté son choix sur le dictateur congolais. En tout cas il y a de quoi trouver insoutenable cette légèreté de l’écriture ou de l’analyse.

Sans doute que pour la Lettre du Continent les démonstrations de force de l’IDC-Frocad des derniers mois de 2015 ne sont pas des séismes. Sûrement que les nombreuses marches de la diaspora congolaise qui se déroulent sous ses yeux, sur les grands boulevards parisiens, ne sont pour elle que des pique-niques de boy-scouts. Mais n’en déplaise à la rédaction de La Lettre, ces actions sociales ont permis de démontrer que Sassou, loin d’être un stratège, est assurément le plus féroce des dictateurs que le stalinisme tropical ait jamais produits car en guise de réponse il continue de brader la richesse nationale (cf. les articles de Rigobert Ossébi dans Congo-Liberty). De toute façon les mouvements sociaux du 20 octobre 2015 auraient pu être pires qu’un tsunami n’eut été le coup de pouce de François Hollande au terrifiant président congolais, Denis Sassou-Nguesso !

Le peuple était dans la rue. Selon le dicton, il existe dans la nature quatre forces : le vent, le feu, l’eau et le peuple. Le peuple est une force supérieure au tsunami et aux séismes réunis. Et, ce qui s’est passé dans les rues de Brazzaville et Pointe-Noire au mois d’octobre n’était qu’une petite vague qui augure d’un raz-de-marée aussi ravageur qu’un printemps arabe ou un coup de balai burkinabé si le fin stratège du bord de l’Alima ne lâche pas prise à compter du 20 mars.

La commune de Paris

La France, revenons-y. Napoléon III ne vit que du feu après avoir maté la commune. Il tomba comme un baobab et prit le chemin de l’exil. Napoléon III subit (sans succès) un coup d’état auquel contribua une grande éminence grise, Victor Hugo, cité par Jean-Marie Michel Mokoko dans le propos sur sa candidature. La commune de Paris fut un puissant tsunami qui emporta, après-coup, le monarque. Dommage que le général Jean-Marie Michel Mokoko (NDLR) n’ait pas mis à exécution son vieux projet hugolien de coup d’état contre Sassou. On n’en serait pas là. La « commune de Brazzaville  » n’aura rien à envier à celle de Paris. Elle débordera le Napoléon de Mpila.

Le pouvoir de la presse

Ras le bol de cette presse qui se fait du blé sur l’Afrique. Dans son essai sur la Télévision, Pierre Bourdieu dénonce les abus de pouvoir des masses-médias. Il invite le public de jeter un regard critique sur ces médias qui invitent de consommer l’information sans faire une critique de leur propre mode de production de cette information.

Les Congolais ont, quelque part, suivi les consignes du sociologue Pierre Bourdieu lorsqu’ils ont émis des réserves face aux dernières éditions du journal Jeune Afrique, particulièrement celle où ce canard avait « balancé » Jean-Marie Mokoko dans une vidéo dont le but évident était de « carboniser » le candidat rival de Denis Sassou-Nguesso.

L’Afrique des dictateurs fait vendre la presse française, unr presse nationale dont la courbe des ventes, selon les études concordantes, suit une allure déclinante. Que serait le compte bancaire de Jeune Afrique sans ses « accointances » avec les dictatures tropicales d’Afrique Centrale ?

Ras les patates de cette presse grassement arrosée dont le but est de préparer l’opinion nationale et internationale aux réélections des tyrans les plus sombres jamais connus sur les continent noir.

La stratégie du général Mokoko

A en croire La Lettre du Continent le général Mokoko est tellement traumatisé par la violence de Sassou qu’il part désormais comme un toutou se faire cuisiner à la Direction générale de la surveillance du territoire. Quant à Guy Brice Parfait Kolélas un seul mot de Sassou a suffi pour qu’il ne batte plus campagne sous la bannière du MCDDI.

Eviter les pièges de Sassou

Ce que LLC ignore ou feint d’ignorer c’est que Mokoko voudrait attraper Sassou à son propre jeu : rendre possibles les élections anticipées du 20 mars 2016. Donc l’absence de riposte à l’agressivité de Sassou n’est pas une forme de lâcheté du général. C’est qu’il ne s’agit de ne pas donner prétexte au dictateur de décréter un état d’urgence en cédant à la provocation.

L’un des pièges tendus par Sassou a été la scène de la lapidation du général le 9 février à l’aéroport de Maya-Maya. Mokoko l’a soigneusement évité. Il aurait suffi qu’il ripostât pour qu’un tireur d’élite dissimulé dans la foule règle son compte au général ou pour que Sassou invalide la candidature de son dangereux rival sous prétexte qu’il aurait troublé l’ordre public. L’autre piège fut tendu (toujours) à Maya-Maya quand Sassou, contre toute attente, empêcha le général de se rendre à Pointe-Noire. Là aussi, le général évita de tomber dans le panneau. Il aurait suffi d’un passage en force de Mokoko pour que Sassou trouve une raison pour l’accuser de tous les maux. Ne parlons pas des convocations du général par un petit colonel à la DGST pour y être interrogé comme un vulgaire malfrat afin de le pousser à la faute dans un sursaut orgueil saint-cyrien de l’ancien chef d’état-major. Là encore, rien n’y fit.

Tel est pris...

Au début JMM voulut céder à la provocation en opposant un refus aux convocations. Puis ayant compris que Sassou voulait le pousser à la faute, le Saint-Cyrien déjoua le traquenard en s’y rendant de son plein gré.

« Tout ça pour une vidéo dont ceux qui s’indignent du contenu sont, précisément, ceux qui depuis trente ans emploient les techniques de coups d’état pour accéder au pouvoir » constatent, amers, ceux qui sont dotés encore de bon sens.

Malgré la paranoïa du procureur Mbochi Oko Ngakala, les mâchoires du piège de Sassou claquèrent dans le vide. L’interrogatoire à la DGST ne donna rien. Le dossier était vide. L’opinion se retourna contre Sassou coiffé du casque doré du pompier-pyromane. Tel est pris qui croyait prendre.

Que, dans un jeu d’échecs un joueur cède des pions pour donner, in fine, le coup fatal à l’adversaire, ça ne s’appelle pas couardise tant que la partie n’est pas finie. Ca s’appelle coup de maître. Sassou gagne les batailles de l’intimidation. Il n’a pas gagné la guerre. Pour quelqu’un qui veut calquer sa longévité sur celle de De Gaulle, sur ce coup-là il y a échec et mat.

L’Afrique pompe à fric

Il n’y a pas qu’une certaine presse française qui se bat pour que les dictatures triomphent en Afrique. Les hommes politiques ne sont pas en reste. A gauche comme à droite ils vont tous se faire corrompre en Afrique, notamment chez Sassou. Hollande, Sarkozy, Valls, Hidalgo rêvent d’une Afrique gouvernée de mains de fer par des ploutocrates. Exception confirmant la règle, Le Figaro (pourtant de droite) ne joue pas à ce jeu-là. Ses analyses sont pertinentes et comportent une grande dose d’indignation. C’est ce qu’on attend pourtant de la presse de gauche supposée lutter contre les injustices dans ce bas monde. Comble des paradoxes, ce sont des hommes politiques d’extrême-droite qui se battent aux côtés des Africains de la diaspora.

Mpila-gate

Au fait, de quel bord politique est la LLC ? De gauche, du centre ou de droite ? Je vous le demande. Malgré les intrigues de marabouts africains qu’elle véhicule à longueur d’éditions, elle n’a jamais fait tomber un pouvoir ; à l’inverse du Washington Post avec Nixon. A quand le Sassougate de cette presse française dont les lettres de noblesse furent écrites par des gens comme Victor Hugo, Jaurès, Zola ?

Au lieu de ça, les bruits de couloir que fait circuler la Lettre du Continent, font rigoler les dictateurs rouges dans leurs palais tropicaux. Jadis François-Xavier Verschave déplora le noir silence de la presse française sur le dictateur rouge du Congo-Brazzaville, désormais on assiste à une ruée journalistique vers l’or noir de Sassou. La route fut ouverte par Jean-Paul Pigasse ancien patron de Tribune d’Afrique, aujourd’hui à la tête des Dépêches de Brazzaville. On verra si dans un mois cette presse continuera de battre le tam-tam pour louer nos ténébreux tyrans.

Simon Mavoula

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