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Stratégies de développement

Les investissements directs étrangers, une opportunité que les Etats africains doivent saisir.

Les économistes s’accordent à reconnaître que les investissements directs étrangers offrent une possibilité de gérer deux grandes problématiques africaines : l’écart entre l’épargne et les investissements d’une part, et le manque de technologies et de compétences de l’autre. Il est entendu que ces investissements ne représentent pas seulement un flux de capitaux, mais aussi un apport non négligeable d’expertise technologique et de gestion susceptible d’améliorer la productivité. La plupart des responsables africains le savent, et voici que l’Afrique est plus que jamais ouverte à ces investissements. Cependant la réalité est qu’ils ne s’y dirigent que lentement, en traînant le pas.

A l’échelle du continent les besoins en investissements pour les infrastructures nouvelles sont chiffrables, au minimum, à une centaine de milliards de dollars EU. La fourchette se situerait même entre 130 et 170 milliards, selon les calculs de la Banque Africaine pour le Développement. Ces besoins apparaissent considérables ; ils ne sont cependant pas surestimés compte tenu d’un sous-équipement chronique des pays couplé avec une démographie galopante (20 millions de personnes par an) et une urbanisation qui croît à la même vitesse.

Les financements actuels sont loin d’être à la hauteur des besoins estimés. Mais un rayon pointe dans le tunnel : les flux financiers vers l’Afrique subsaharienne ont été multipliés par plus de six au cours de la décennie 2000-2010, passant de quelques 6,3 milliards de dollars à 35 milliards de dollars. Pour l’année 2016 les engagements des différents bailleurs pour l’ensemble du continent s’élevaient à 62, 5 milliards de dollars dont 26,6 milliards souscrits par les gouvernements africains eux-mêmes. Notons, en passant, que les engagements des uns et des autres ne sont pas toujours honorés dans leur totalité.

Dans son plus récent rapport sur le financement dans le monde, la Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement indique que l’Afrique a reçu, en 2018, un total de 46 milliards de dollars au titre des investissements directs étrangers. Le rapport précise que ce montant est plus élevé de 11% par rapport à celui de l’année précédente, et ce «  malgré une baisse dans de nombreux grands pays bénéficiaires  ».

S’il est réjouissant de constater une tendance à la progression des investissements étrangers vers le continent, il faut toutefois rappeler qu’ils représentent moins de 2,5% du total des investissements directs étrangers au niveau mondial. C’est-à-dire, en termes clairs, une portion congrue.

Ainsi qu’indiqué plus haut, une bonne partie des financements provient des pays africains mêmes. Au cours de l’année 2016, l’Afrique du sud, l’Angola, l’Egypte, le Kenya et le Nigeria ont consacré chacun plus de 2 milliards de dollars à leurs infrastructures. Pour 2013 le Cap-Vert y a consacré 44% de son budget, la Namibie 39%, l’Ouganda 28% et l’Afrique du Sud 24%. Bien sûr, ce sont là des cas relativement exceptionnels où le financement mobilise le plus de ressources internes. Il n’empêche qu’il faut saluer l’effort, qui n’est pas moindre, des Etats africains, compte tenu de leurs faibles capacités. Ils sont, jusqu’ici, la source principale de financement de leurs propres infrastructures.

Quant à l’aide publique au développement, le moins qu’on puisse dire est qu’elle ne correspond pas aux promesses des pays riches faites devant la communauté internationale. On se rappellera la Résolution de l’Assemblée générale des Nations-Unies en 1970 selon laquelle «  chaque pays économiquement avancé accroîtra progressivement son aide officielle au développement des pays en voie de développement et s’efforcera particulièrement d’atteindre, au milieu de la Décennie au plus tard [avant 1980], un montant minimum en valeur nette de 0,7 % de son produit national brut aux prix du marché ». Près d’un demi-siècle plus tard seul un petit nombre de pays, et non les plus riches, atteignent ou dépassent ce modeste pourcentage. Si nous regardons du côté des Etats-Unis d’Amérique, leur contribution n’a pas dépassé 0,18% en 2017. Au niveau européen l’aide a représenté 0,51 % du revenu brut de l’UE en 2016 (en y incluant les dépenses consacrées à l’accueil des réfugiés). Une situation qui n’a pas connu d’amélioration au cours des années suivantes.

A l’occasion de la Conférence sur le climat de Copenhague en 2009, les pays développés avaient promis de mobiliser 100 milliards de dollars par an entre 2009 et 2020 dans un fonds vert pour le climat. Il se trouve que la situation du fonds est assurément loin des objectifs fixés.

De toute évidence l’Afrique est à la portion congrue. L’écart entre les besoins et les flux annuels demeure préoccupant. La conséquence en est précisément le manque de financement pour les routes, les télécommunications, l’eau, l’électricité etc. La Banque mondiale, qui a examiné la question de plus près, est formelle : l’écart en question freine la productivité du continent d’environ 40%. La gravité du problème n’est donc plus à démontrer.

En même temps l’Afrique est engluée dans un paradoxe : elle peine à attirer suffisamment d’investissements directs étrangers bien que son taux de retour sur investissements soit plus élevé que celui d’autres pays en voie de développement. L’Afrique séduit fort peu. Non pas qu’elle soit d’une nature repoussante ; disons plutôt qu’elle ressemble à une jeune femme aux charmes innombrables mais cachées. Elle doit s’employer à les faire découvrir aux éventuels prétendants.

Doing Business enregistre les progrès faits dans chaque pays en matière d’attractivité pour les affaires ; son rapport 2020 donne une notation faible, voire médiocre, aux pays africains, à l’exception notable d’une poignée d’entre eux. Les gouvernements africains n’ont pas d’autre alternative que de s’employer à améliorer l’attractivité de leurs pays.

Plusieurs pistes peuvent être empruntées pour relever le défi ; et l’éventail de mesures nécessaires à cet effet s’avère plutôt large. Toutefois les gouvernements africains ne peuvent faire l’économie de la démarche qui consiste à fournir aux bailleurs potentiels une information de qualité sur les possibilités d’investissement. Des initiatives, dont ces gouvernements peuvent profiter, existent déjà sur le plan international. Il s’agit de plateformes dont l’objectif ultime est de lever les barrières qui entravent les flux des capitaux privés vers l’Afrique. C’est le cas, notamment, de la mise en place d’une « boîte à outil », une initiative du G-20. Il s’agit pour les gouvernements de présenter aux investisseurs potentiels, dans une «  boîte », les informations pertinentes sur leurs programmes d’investissement, en y ajoutant les contributions substantielles des banques multilatérales de développement engagées dans la région, du Fonds monétaire international et de l’Association des institutions européennes de financement du développement. En outre, la « boîte » indiquera où se rendre pour obtenir du financement et du soutien. Le mécanisme lancé à cet effet depuis 2017, à l’intention des pays africains, porte le nom de Compact with Africa. Dix pays seulement y ont adhéré jusqu’ici ; l’Afrique centrale est aux abonnés absents, à la seule exception du Rwanda.

Pour terminer, il convient de souligner l’importance du numérique qui s’inclut de plus en plus massivement dans les infrastructures. Edifiante, la déclaration suivante du président de la région Moyen-Orient et Afrique de HUAWEI, un certain Steven Yi :
«  Il faut savoir qu’auparavant la question des infrastructures se jouait essentiellement autour des travaux des ponts et chaussées. Aujourd’hui, elle se joue au niveau des autoroutes de l’information et du numérique. Ce sont ces derniers qui vont porter l’économie et le développement. En Afrique, il importe de bien le faire comprendre à nos partenaires. Dans des pays comme le Ghana ou le Kenya, nous avons expérimenté cette démarche et les solutions innovantes que nous avons apportées ont permis d’améliorer l’efficacité des infrastructures. Je me suis, par exemple, rendu récemment au Ghana, où quelque 5 millions de personnes n’avaient pas accès à l’électricité. Pour solutionner le problème, en travaillant avec des opérateurs sur place, nous avons, à partir d’un programme baptisé Rural Star, permis par des solutions innovantes l’accès des populations concernées à l’électricité mais aussi à Internet. D’où l’importance de travailler avec des compétences locales en matière de technologies de l’information et de la communication (TIC). A ce jour, nous avons ainsi formé 60 000 personnes aux TIC et nous allons persévérer dans cette voie. Nous sommes convaincus qu’en agissant de la sorte nous allons permettre que les TIC favorisent le développement de l’Afrique.  ».

Notre souhait est que le Congo ne soit pas le dernier pays africain à profiter des innovations ci-dessus mentionnées.

Roger Ndokolo
Président du parti du Centre UNIRR
(Union pour la Refondation Républicaine
)

Article paru dans L’horizon africain n° 47 du jeudi 20 février 2020

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