email

Marcel Guitoukoulou au micro de Radio Afrikana : "plus personne ne respecte Sassou"

Le Dr Marcel Guitoukoulou continue de structurer son aura politique depuis que Sassou a décidé de tourner le dos à la légalité en tripatouillant la Constitution de 2002, son propre bébé. Infanticide républicain.

La stratégie de l’anesthésiste a été illustrée dans un récent entretien radiophonique au cours duquel l’un des points forts a porté sur la structure de son programme si jamais il était élu en 2016.

Non ! Dans la mesure où les paris sont ouverts, l’hypothèse d’une élection du médecin ne relève pas forcément de la politique fiction.

« Moi Président de la République, je vais assainir l’économie...développer l’agriculture » a, entre autres projets, proposé le leader du Congrès du Peuple dans une forme de discours qui n’est pas sans rappeler les anaphores du candidat François Hollande lors de son débat télévisé avec Nicolas Sarkozy, candidat malheureux à sa propre succession.

Forte anaphore bien télescopée.

Il est évident que quant à l’horoscope de Denis Sassou-Nguesso dans les mois à venir, le Dr Marcel Guitoukoulou n’a pas besoin d’être devin pour prédire l’avenir sans issue du tyran d’Oyo. La posture du médecin, prosaïque, est celle d’un leader de l’Opposition qui milite pour un arrêt définitif des jeux du leader du PCT, et cela dès 2016.

Donc peu avant le meeting des partis de l’Opposition à Pointe-Noire (3 mai 2015) ( coup d’essai qui a été un coup de maître) le Président du Congrès du Peuple a accordé une interview à la Radio afro-helvétique Afrikana, vendredi 1er mai, jour de la fête de tous les travailleurs. Durée de l’entretien : 2 h15. Le temps ne compte pas quand on aime.

Près de 200 mn au cours desquelles le médecin explique qu’il est tombé dans la politique par le biais des actions humanitaires quand il aidait, en compagnie d’amis médecins, la population congolaise meurtrie par les guerres contre les civils orchestrées par Sassou. Ensuite il a coupé l’herbe sous les pieds de Monsieur Sassou. ploutocrate décidé de se maintenir au pouvoir en dépit du bon sens. « Il faut arrêter ça !  » ou «  on va finir avec ça » (auraient dit les Ivoiriens).

Sassou fut élu pour quatorze ans : contrat à durée déterminée. Mais le voilà qui veut changer les règles du jeu alors que le jeu se joue encore. Dieu merci, l’âge du capitaine est en train de jouer en sa défaveur dans la zone de turbulence qui a déjà commencé pour notre pays. « Ata ba sali kissi na bango, pamba ! » chantait Etouri Kanga.

Le Congo est un patient en train de mourir et pour lequel le médecin ne peut rien.

Et pourtant en matière de fiasco politique, le modèle Blaise Compaoré (avant Sassou) aurait dû faire jurisprudence dans une Afrique où les catégories sociologiques de la soif démocratique sont cruellement visibles dans les revendications des peuples. Autre apocalypse dictatoriale ayant mal tourné pour l’acteur principal, la chute de Kadhafi devrait servir également de leçon de chose au contingent de ploutocrates qui reste en Afrique, mais la cécité intellectuelle continue de frapper les partisans du Changement des Constitutions. Le Togo et le Burundi sont des cas d’espèce. Au Burundi, le peuple veut finir avec ça. D’ici peu Pierre Nkurunziza, le Sassou de Bujumbura va mordre la poussière. Ses jours sont comptés comme le furent ceux de Compaoré impliqué dans le même type de crise politique. Mêmes causes, mêmes effets.

Opposant pour le compte des populations

Le Président du Congrès du Peuple s’estime opposant indépendant en phase avec le peuple, mais voguant au milieu d’une brochette de leaders auxquels il a solennellement demandé d’assumer leurs responsabilités si jamais ils envisageaient d’accompagner Sassou pour un 3ème mandat. Car la corruption avec ses « nguiri » bat son plein grâce aux capitaux du pétrole. Mathias Ndzon, vous voilà prévenu.

L’armée, la grande muette, doit prendre également ses responsabilités historiques car le Congolais est devenu, a-t-on vu, « Ondongo très fâché ». donc en cas de soulèvement populaire, les militaires doivent être aux côtés du peuple comme un poisson dans l’eau. ( une métaphore de Mao-Zedong)

Je suis Régis Batola

L’émission a fustigé l’architecte d’une Loi fondamentale qu’il est le premier à fouler lui-même. Résultat : désacralisation de l’autorité présidentielle . « Plus personne ne respecte Sassou » dit le Dr Marcel Guitoukoulou : dégoût total et phénomène de rejet chez 99 % de Congolais.

Les raisons de la nausée ? Une longévité chronologique et chronique qui ferait pâlir d’envie Mathusalem ou d’Enoch. Pensez que Sassou fut déjà Président sous Giscard, Mitterrand, Chirac, Sarkozy puis sous Hollande en France ; sous Johnson, Carter, Reagan, Bush Clinton, Bush, Obama I puis II en Amérique « Il n’a qu’à arrêter ça ! » ; « Ata ba sali kissi na bango pamba » s’époumonait le peuple de Talangaï sous Ngouabi..

Donc irrespect à son égard. Un peu à l’image de l’atmosphère prévalant dans les années 1990, à l’orée de la Conférence Nationale Souveraine. Il suffit de lire les pancartes politiques (devenues espace de défoulement collectif) pour s’en convaincre. « Sassou dégage ! » ; « Sassufit !  », jeu de mot qui renvoie au ras-le-bol, un peu comme le « Y en a marre  » sénégalais ou le « Coup de balai  » burkinabé.

Exécutions sommaires, insécurité, intimidation. « Je suis Régis Batola » déplore M.G. en souvenir d’un ponténégrin de 28 ans récemment torturé puis zigouillé par la police parce que accusé de vendre des DVD supposés subversifs.

Chronique d’une tricherie annoncée

La trilogie « Dialogue, référendum puis changement de Constitution » planifie une escroquerie. Personne n’est dupe, le piège est cousu de fil blanc. Vieille recette que le PCT sort de son imagination tordue chaque fois qu’il veut « blaguer les gens ». Y en a marre !

Jugez qu’on compte les populations, on inverse les chiffres obtenus ; les grands ensembles diminuent tandis qu’augmentent les petits. Voilà des districts de la partie nord du pays, fief de Sassou où la densité, d’ordinaire faible, est dotée d’une démographie galopante. Soit on a gonflé les chiffres (l’hypothèse la plus plausible ) soit on a fait venir des électeurs exogènes, par exemple en puisant dans le stock des réfugiés Rdécéens, rwandais ou centrafricains ayant fuit la guerre dans leurs pays.

Aussi, les listes électorales, fausses, doivent êtres jetées à la poubelle. On doit recompter la population congolaise. C’est le préalable absolu.

Mbata ya ba kolo

L’invité d’ Antoine Mankumbani de la RDC, a plaidé pour la solidarité entre les deux Congo, de manière à en faire un moteur de développement sous-régional voir africain. Au passage il a tordu le cou à l’opération honteuse dite « Mbata ya bakolo  » dont l’impact a causé (pour longtemps) un tort aux relations entre des peuples se nourrissant d’une même culture depuis l’ancien royaume de Kongo. A la question pourquoi cette opération « Mbata  » d’une brutalité inouïe, le Dr Marcel Guitoukoulou est d’avis qu’il s’agi d’une stratégie de diversion élaborée par Sassou afin de camoufler les véritables problèmes que lui reproche son peuple (du reste) prêt à en découdre en 2016, date butoir à laquelle la solidité des verrous qu’il a lui-même posés dans sa propre Constitution de 2002 l’oblige de dégager le plancher.

La petite Suisse

Hasard ou nécessité, Radio Afrikana émet depuis la Grande Suisse, un pays dont un célèbre leader congolais voulut copier le modèle économique. Mais le pays du Lac Léman est aussi un modèle de démocratie politique dont le respect de l’exercice du pouvoir du peuple par le peuple a répandu une image enviée du monde entier.

En un mot, le Dr Marcel Guitoukoulou a milité au micro de Radio Afrikana pour un « Non  » au Changement de la Constitution, un « Non  » au Dialogue, un « Non  » au Référendum ; Changement de la loi fondamentale, dialogue, référendum sont trois caprices d’un monarque au pouvoir depuis quarante ans ; un dictateur rompu aux coups fourrés, foireux et mafieux. Un autocrate, qui plus est, adepte absolu de népotisme, le Pater Familias latin.

Le Dr, un précurseur du dialogue

En matière de dialogue, le leader de la Rupture a rappelé (pour ceux qui l’auraient oublié) qu’il fut un farouche et téméraire précurseur lorsqu’il s’employa d’amener à la même table des négociations des protagonistes aussi incontrôlables que Bernard Kolélas, Pascal Lissouba, Denis Sassou-Nguesso et André Milongo.

Le plus dur (car cela fut fait à ses risques et périls) fut de ramener le tonitruant Pasteur Ntoumi à la raison après que celui-ci eut pris la région du Pool en otage. Cela fit gagner quatorze ans de paix au Congo et, cela fut entrepris aux propres frais domestiques du Dr M. Guitoukoulou. La différence avec Sassou est celle d’un pompier et d’un pyromane. « Lui est pompier/pyromane, moi je suis pompier. »

Un Sassou peut en cacher un autre

Donc à ce sujet (le dialogue) le toubib a beaucoup donné. Mais, de toute manière, personne n’est dupe car sous prétexte que Sassou s’acharne de changer la Constitution pour ne pas donner du fil à retordre aux Congolais après son départ, le bonhomme veut, en vérité, se faire élire au suffrage indirect par un parlement à sa solde , pour se maintenir aux affaires « ad vitam aeternam », par exemple par son fils interposé. Ô misère.

Il est surprenant, martèle le bon docteur, que Sassou oublie qu’il a signé juste un contrat à durée déterminée. Il ne s’agit donc pas d’un bail à vie bien qu’il ait cherché, à tout prix, de le rendre intemporel avec des trucs comme « Transition flexible ». Remarquez qu’à ce jeu-là, l’individu a eu le bonheur de gagner cinq années. Si on ajoute la double prime du passage du quinquennat au septennat, le gain a été de quatorze ans. En plus le renard s’était déjà octroyé un bonus sous Ngouabi, lorsqu’il s’employait d’exercer la fonction de superflic au ministère de l’intérieur dans les années 1970, peu avant d’occire le malheureux cousin d’Ombélé alors Chef de l’Etat. C’était le 18 mars 1977. Quelle histoire !

La peur de la CPI

Au total, le mec peut se prévaloir de quarante ans d’exercice du pouvoir (plus ou moins) sans interruption. Une vraie aubaine. Voilà que les vieux démons de la dictature poussent l’ancien instituteur de s’inscrire dans l’éternité monarchique ; pour ne pas rendre compte de tous ses méfaits et forfaits. Car le spectre de la CPI plane si jamais il rompt avec le pouvoir qui « procure l’immunité  ».

Souvenez-vous des 365 Disparus du débarcadère de Brazzaville en 1999. Qu’on se souvienne de l’affaire des Biens Mal Acquis. Ce sont autant de boulets que le vainqueur de la guerre du 5 juin 1997 traine et qui alourdissent son dossier. Or le génocide, brise l’immunité, car il s’agit d’un crime imprescriptible. C’est pour cette raison que Sassou, à l’approche de l’échéance de 2016, chante mezzo voce «  j’y suis, j’y reste  ». « Tu te casseras en 2016 sans demander ton reste » rétorque le peuple.

C’est beau de se dire qu’on est le seul qui puisse « gouverner » le Congo car le « plus doué ». On oublie que le Congo regorge de jeunes cadres compétents. C’est malin de dire que la Constitution de 2002 doit être changée au motif que sa promulgation fut déterminée par la situation post-conflictuelle de 1997 (bien que, soit dit en passant, c’était lui, Sassou, l’auteur du conflit) .

Recul économique

Mais d’où vient qu’en dépit des milliards générés par le pétrole notre pays le Congo continue de végéter dans la misère ? L’électricité, l’eau, l’éducation, la santé sont des utopies sous Sassou. La réponse ? La gabegie, le népotisme, la corruption, l’achat des consciences, l’évasion des capitaux ont miné le champ politique.

Le vol. Malheureusement c’est la seule chose que sache faire « L’homme des masses », « bâtisseur infatigable » qui, cependant, ne compte rien à son actif en dehors de rares mégastructures staliniennes qui parsèment, çà et là le territoire de la République (de préférence la région d’Oyo son village) et qui sont toutes, des éléphants blancs. C’est-à-dires, des gouffres financiers sans fond, des fantômes, des fantasmes, des fantasques. Sassoufiiiii

Rupture

Le Dr Marcel Guitoukoulou, Président du Congrès du Peuple, veut opérer la rupture avec cet ordre des choses qui tire le pays vers les bas-fonds de la misère. La rupture c’est maintenant. . Théophile Obenga n’aime pas le concept de rupture. Normal ce supposé panafricain a choisi l’ethnie, c’est-à-dire, selon cet intellectuel, Sassou doit continuer.

Et si d’aventure un autre leader de l’Opposition est préféré à M. Guitoukoulou ; va-t-il s’aligner, s’incliner ? « Oui » répond le Président du Congrès du Peuple. Et si, à l’exclusion de Sassou, un candidat du PCT est élu ; va-t-il, lui M. Guitoukoulou qui se situe dans le combat depuis vingt ans, va-t-il s’incliner devant le verdict ? « Oui » car il est démocrate.

Mais soyons réalistes, des gens comme ceux qui représentent le clan d’Oyo, résolument opposés à une bonne gouvernance électorale, ont peu de chances de gagner un scrutin transparent au Congo, à plus fortes raisons quand ils ont à leur actif un bilan très catastrophique ; un bilan qui a mis par terre un pays aussi potentiellement riche que le Congo.

Et puis le pays a soif de changement social, soif d’alternance. La seule fleur à laquelle a droit Sassou c’est une escorte royale au soir du 15 août 2016, en direction d’Oyo, son bled, où il pourra consacrer sa vie de vieux retraité à « caresser  » le silure, le tilapia et la carpe au bord de l’Alima, confluent du Congo.

Le Dr se dit politiquement équipé pour « soigner » le Congo, grand malade qui a besoin d’être « réanimé » après que Sassou l’ait réduit à l’état de moribond au « pronostic vital engagé ».

Expression linguistique

Afin de tester ses capacités de rassembleur, le journaliste Antoine Mankumbani, après avoir plusieurs fois rappelé son lieu de naissance (Gamboma) lui demande de s’exprimer dans les langues véhiculaires du pays. Ce qu’il fait avec brio dans un discours châtié. Mais le journaliste d’Afrikana adore le lari. «  Parlez à ceux qui vous écoutent partout dans cette langue » supplie-t-il. Ce à quoi le Dr s’exécute avec succès car il s’agit de la langue du Pool, région qui lui tient « à cœur ». Mieux, Marcel Guitoukoulou dont les racines se situent dans le district de Boko, s’exprime dans un mélange kongo/lari urbain dont le mérite est d’être compris des deux rives du fleuve. Né à Gamboma dans le centre du Congo, en 1960, il a des ambitions nationales.

A 54 ans, ce n’est pas la Constitution de 2002 qui fixe la limite d’âge à 70 ans qui le lui interdirait.

Post Scriptum : le Dr Marcel Guitoukoulou sera l’invité de la presse internationale ce lundi 12 mai 2015 à Liège (Bruxelles)

Thierry Oko

Laissez un commentaire
Les commentaires sont ouverts à tous. Ils font l'objet d'une modération après publication. Ils seront publiés dans leur intégralité ou supprimés s'ils sont jugés non conformes à la charte.