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Portraits d’écrivains (4). Dix questions à Pierre Assouline : "Pour faire taire les grandes gueules, il suffit de parler comme eux en leur réclamant des preuves de ce qu’ils avancent. Et là il n’y a plus personne."

Moustache soignée, l’oeil vif et habité par une curiosité intransigeante, Pierre Assouline est une des voix importantes de la critique française, un romancier à succès. L’homme est affable, vous recoit volontiers autour d’une tasse de café - un peu comme celle qu’il exhibe, sourire aux lèvres, sur la page d’accueil de La république des livres, son Blog au Monde.fr(http://passouline.blog.lemonde.fr/livres/). Alors, vous parlez longtemps... des livres ! Il passe machinalement une main sur sa barbe grisonnante, puis soulève avec précision sa tasse en jetant un regard sur les passants avant de lever discrètement le doigt pour faire signe au serveur de lui apporter un deuxième café. L’homme est passionné, observe le paysage littéraire français depuis des décennies. Romancier donc, biographe reconnu, ancien responsable du magazine Lire, animateur d’émissions radiophoniques, chroniqueur au Monde et au Nouvel Observateur, on lui doit entre autres des biographies sur Gaston Gallimard, Hergé, Dassault, Cartier-Bresson, mais aussi des romans comme La Cliente, Double vie, etc.

Son dernier roman Lutetia - paru chez Gallimard en janvier 2005 -, finaliste au prix Goncourt 2005, brasse l’histoire de l’entre-deux-guerre jusqu’à la Libération à travers le personnage Edouard Kiefer, un ancien poilu devenu détective et qui assiste au retour des déportés accueillis dans cet hotel Lutetia. La parution du roman en 2005 coïncidait d’ailleurs avec la commémoration du soixantième anniversaire de la libération des Camps...
Pierre Assouline pourrait légitimement se vanter d’animer aujourd’hui un des blogs culturels les plus visités d’expression française. Un Blog qu’il compte bien rentabiliser maintenant que l’outil devient plus qu’incontournable. Ceux qui fréquentent cet espace savent qu’Assouline y met toute son énergie et sa finesse de critique littéraire. Le Blog est ouvert, brassant l’actualité culturelle mondiale au point de devenir aujourd’hui un espace aussi important que les pages culturelles des grands journaux qui reprennent souvent bon nombre de ses chroniques. A la création de notre Blog - il y a maintenant une année -, Assouline qui est désormais expérimenté en la matière m’écrivit avec le laconisme qui lui est particulier : "Bienvenue au club !"...
L’homme est-il satisfait du succès de son Blog ? Comment fait-il pour gérer son espace ? Bien des questions auxquelles a bien voulu répondre l’homme qui ne se départ jamais de sa tasse de café !

1. D’où vous était venue l’idée de vous lancer dans cette « aventure » d’animateur d’un Blog ?

L’idée est de Jean-François Fogel, éminence grise du Monde.

2. Votre Blog est désormais plus que rodé, quel bilan en tirez-vous à ce stade ?

Bilan positif sans triomphalisme. Tout reste à faire. C’est un blog à la fois personnel et professionnel. Sans espérer en vivre, j’aimerais le "monétiser" un peu comme on dit pour ne pas dire "rentabiliser" car j’y exerce aussi mon métier. Que ceux de mes confrères qui trouvent cela anormal envoient désormais leurs articles aux journaux sans réclamer de piges ! En tout cas, le modèle économique et le modèle littéraire et journalistique ne sont pas encore tout à fait trouvés. Il faut les peaufiner, les améliorer.

3. J’ai comme envie de vous demander : quel est le secret de longévité de votre Blog ?

Le secret a des sources multiples : fidélité (un billet par jour), fiabilité, originalité, diversité, indépendance.

4. Comment gère-t-on certaines humeurs ou tensions liées par exemple aux intervenants qui s’en prennent systématiquement à la personne de l’animateur du Blog ?

On se dit que les commentateurs se prennent pour le sel de la blogosphère et qu’ils ne sont au fond qu’une toute petite partie du public d’un blog, public qui ne ressent pas le besoin de s’exprimer en permanence.

5. Quelle parade face à cette situation ?

Pour faire taire les grandes gueules, il suffit de parler comme eux en leur réclamant des preuves de ce qu’ils avancent. Et là il n’y a plus personne.

6. Au fond, la promotion des livres devrait-elle aussi tenir compte des Blogs ?

Sans aucun doute. Quand on parle de niches à tout propos, en voilà une fameuse !

7. Pensez-vous que le roman français se porte bien ?

Seule la fonction mondiale m’intéresse dont le roman français.

8. L’année francophone qui est en cours vous a interpellé de très près, et vous êtes monté au créneau pour dénoncer une espèce de ghettoïsation des Lettres d’expression française. Quel danger encourt une littérature ainsi compartimentée ?

Une ghettoïsation des écrivains qui soit le reflet et le ferment d’un communautarisme qui ne demande pas mieux, et qui lentement ronge l’esprit républicain.

9. Quel livre écrivez-vous actuellement ?

Un roman dans la veine de Lutetia mais qui couvre la France du Second empire à nos jours.

10. A un critique doit-on demander quels conseils de lectures d’été ? Je vais m’y risquer tout de même ! Quel(s) livre(s) conseilleriez-vous à nos visiteurs et intervenants pour cet été ?

Le Faux pli de François Olivier Rousseau, Le complot contre l’Amérique de Philip Roth, Tout Manchette en quarto, Les Langues paternelles de David Serge, Comme des héros sans guerre de Stephen Carrière, Fuir les forêts de Fabrice Gabriel, Toute passion abolie de Vita Sackville West.

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