« L’homme est un homme lorsqu’il se mesure à l’obstacle. » (Antoine de St-Exupéry)
Etant donné l’enjeu que constitue la Conférence Internationale sur le Congo et les agendas des uns et des autres, nous revenons sur la dernière rentrée politique du président du CDRC à Paris.
Une forme olympienne
C’est un Modeste Boukadia, maniant logique mystique et logique scientifique, qui a tenu en haleine une centaine de Congolais samedi 27 janvier 2018 à Paris. Sans notes et, d’une voix monocorde, le président du CDRC a prononcé un discours d’une logique implacable. L’homme qui a passé cinq cents soixante-quinze jours dans la sinistre Bastille de Pointe-Noire au Congo-Brazzaville a prouvé qu’il avait encore ses esprits en place tout en affichant une forme olympienne en dépit des tortures endurées. Souvenons-nous, Marcel Ntsourou, un colonel de l’armée, a laissé sa peau dans ce type de prison made in Sassouland. Et on ne compte pas le nombre d’aller-retours que font les prisonniers entre leur cellule et les hôpitaux de fortune pour mauvaises conditions d’incarcération.
Modeste Boukadia l’a donc échappé belle : « Je ne souhaiterais pas à mon pire ennemi un séjour dans une prison de Sassou » avoue-t-il. La torture y est monnaie courante.
« On m’a torturé pour avoir réclamé un gouvernement d’union nationale. La misère de la partie nord est la même que dans le Sud. »
Comité d’accueil
Ayant débarqué à Brazzaville en 2016 par défi politique puisque ayant écopé de 30 ans de travaux forcés par contumace, Modeste Boukadia raconte : « j’étais accompagné de mon épouse et une délégation des Nations Unies. »
A l’aéroport de Maya-Maya, une noria de véhicules de guerre et plusieurs centaines d’hommes en armes lui servent de comité d’accueil. On aurait dit Mesrine ou Carlos l’ennemi public n°1.
« On me signifie que nous allons embarquer pour Pointe-Noire. L’avion a un retard d’une heure en raison des tracasseries » se souvient-il.
La présence de la délégation des Nations Unies, pense le couple Boukadia, allait freiner la furie policière, calmer l’ardeur et le zèle typique de la police de Jean-François Ndenguet. C’était sans compter avec l’arbitraire local et la démesure paranoïaque du régime. Les dictatures ne s’embarrassent pas de faux-semblants. Discussions, négociations, menaces, intimidations : toute la doxa répressive y passe.
« Vous êtes attendus par le procureur à Pointe-Noire » lui signifient les autorités policières. Le franco-congolais Boukadia savait qu’en rentrant dans son pays l’obstacle le plus redoutable serait spirituel.
« Je suis venu pour qu’on ne tue plus et pour que le Congo se développe » reprend Boukadia, patriote à souhait.
« Nous sommes en dictature, on doit faire la politique pour s’en sortir. Battons-nous pour le Congo. Qu’on le sorte des mains de la dictature. Dépassons-nous pour qu’on ne dise pas que c’est un pouvoir mbochi, bembé, lari. Allons vers de nouveaux paradigmes, allons vers un nouveau monde. Unisson-nous le Sud et le Nord. »
Malgré cette rhétorique civique, le ton monte : « Je refuse de monter dans votre avion » dit-il au pilote ukrainien dont l’appareil est prévu pour servir de fourgon pénitentiaire vers Ponton, la capitale économique.
Comme M. Boukadia n’entend pas être celui par qui le sang d’un Congolais risque de couler inutilement, l’enfant de Goma-tsé-tsé consent de prendre finalement place à bord de l’avion russe. Lorsqu’il met pied à Agostino Neto (aéroport de la ville océane), Boukadia lance une malédiction au pilote ukrainien : « C’est la dernière fois que vous pilotez un avion. Je suis né le 15 juin 1954 dans le district de Goma-tsé-tsé. Mon nom est « Nkoukamazo ». Votre licence ne vaudra plus rien ! »
Diantre ! Après ce sort jeté par l’enfant prodigue, l’histoire ne dit pas si le pilote slave n’a plus jamais fait voler un avion sur le territoire congolais. En tout cas la compagnie Ecair déposera par la suite le bilan. La logique mystique sembla avoir triomphé.
A Ponton, il commence à faire tard. On lui avait promis rencontrer un juge, le régisseur de la maison d’arrêt de Ponton la Belle, un certain Itoua Poto, lui fait clairement comprendre non sans cynisme que les choses ont changé. Ce ne sera pas le bureau du procureur, c’est direction la taule.
« J’ai invoqué les mânes : je n’ai jamais tué, c’est Sassou qui doit être en prison . » hurle Nkoukamazo. Nous sommes le 15 janvier 2016.
Itoua Poto propose à boire au futur prisonnier. Prémonition ou cynisme, le geôlier fait un oracle « Si vous voulez être Président de ce pays, il est un mal nécessaire que vous soyez en prison. » S’il avait lu le romancier français, le geôlier Itoua aurait paraphrasé Gilbert Cesbron en décrétant : « (Votre) prison est un royaume ! », l’effet cynique eut été le même. Stendhal dit que les galons de la prison sont les seuls qui ne s’usurpent pas.
Primus versus Ngok
Itoua Poto poursuit sa torture morale - « Vous voulez quelque chose, du pain, des bananes ? » - Boukadia décline l’offre, demande une bière étrangère à la place. « Ce sera une bière locale » dit Poto.« Alors une Primus, bière du Président Youlou » - « Non, une Ngok » insiste Itoua.
Le ton était donné dans ce petit échange et le décor dramatique planté. « J’ai toujours un mouchoir sur moi » dit Boukadia qui essuie le verre avant de boire la Ngok le choc. Le lecteur comprendra cette précaution car la perspective de l’assiette roumaine hante les esprits au Congo. Après une fouille corporelle en règle, Modeste Boukadia se déchausse. L’idée de l’empoisonnement est un obstacle que tout opposant doit surmonter.
Enfin, quand il se retrouve dans l’obscurité de sa cellule, dans sa tête, le président du CDRC a dû se dire que Pointe-Noire portait bien son nom. La nuit carcérale durera plus d’un an. Dans l’entre-temps, commencent les tortures.
Proclamation
Retour en France. 27 janvier 2018, Conférence à Paris. Boukadia, maniant la logique scientifique, est magistral lorsqu’il fait la genèse de notre République « né d’un Pacs » ( pacte civil de solidarité ), d’une relation incestueuse et d’une ...pause déjeuner. C’était en 1958 ; le 28 novembre 1958 à Pointe-Noire alors capitale du territoire du Moyen-Congo.
L’historien Boukadia explique : « On crée une République qui n’est pas une nation. Le MSA rattaché au territoire de l’Oubangui-Chary et le sud territoire du Moyen Congo. A 11 h les trois parties étaient d’accord pour faire ce mariage. Commencent les travaux. On a faim. On convient de reprendre les travaux dans l’après-midi, après le déjeuner. Le repas achevé, le MSA fait défection. PPC et l’UDDIA signent l’acte de naissance de la République du Congo. Le Moyen-Congo représente le Congo de jure qui siège à l’ONU. Mais de Gaulle invita par stratégie d’intégrer l’Oubangui-Chary. Ce fut le PACS. »
Jusqu’en 1958 la partie septentrionale du Congo était appelée Territoire de l’Oubangui-Chary (ainsi que l’indique une stèle aujourd’hui encore visible à Ewo) alors que la partie Sud portait l’appellation Territoire du Moyen-Congo (ainsi que l’indique une stèle plantée à Ntombo Manianga) .
Révisionnisme ? Négationnisme ?
Séparatisme
Par conséquent la fête Nationale doit se célébrer cinq ans avant la date officielle du 15 août 1960 (NDLR) et non pas également les 13, 14, 15 aout 1963 selon le dogmatisme des révolutionnaires marxistes qui chassèrent Youlou.
« La France fête le 14 juillet. En 1963 on célébrait le limogeage de Youlou.
28 novembre 1958 : fête la république du Congo. »
Ce cours d’histoire du Congo n’est pas du goût de tout le monde. Les détracteurs ont vu venir Boukadia dans de gros sabots. « Vous avez dit République du Sud ?. » Voyez-vous : « C’est un têtu, un tribaliste invétéré, un intégriste, comme tout Lari. » L’anathème est jeté.
Boukadia nie ce catalogue tout en revendiquant son opiniâtreté : « Je suis têtu et je demande l’union nationale. »
Boukadia séparatiste ? Niet.
« Je n’ai jamais utilisé le mot scission dans mes propos. Au lieu d’accuser Sassou pour avoir placé ses parents au pouvoir, on m’accuse moi » plaide Nkoukamazo.
« Je n’ai jamais débarqué Pascal Lissouba » se défend-il en pensant à ceux qui comptent sur lui pour se débarrasser de l’obstacle Sassou.
Boukadia tribaliste ?
« Au temps du Federco on sortit Lissouba de prison de Ouesso. Où étaient ceux qui nous traitaient de tribalistes ? Poignet qui travaillait à la Banque franco-portugaise nous aida pour les stencils ? Pas le moindre merci de Lissouba. »
Encore moins Joachim Yombi, l’ingratitude incarnée. Qui êtes-vous s’insurgea Yombi lorsque Boukadia lui fit la morale ? « Je suis l’un de ceux qui se sont battu pour que vous soyez en vie ». Cependant, poursuit Boukadia, « vous avez sorti les chars pour bombarder la radio de Bernard Kolélas à Bacongo. »
Pour l’année 1958 instituée comme mythe et rite de fondation de la République, Boukadia le signifia à Sassou quand les deux hommes encore en bons termes se fréquentaient. Sassou lui prêta oreille. La date fondatrice du 28 novembre 1958 est désormais historiquement célébrée par l’homme du 5 juin depuis ce cours d’histoire. Aussi surréaliste que cela puisse paraître, Sassou et Boukadia furent jadis des potes. Ils s’entendaient comme les deux amis de Monomotapa dont parle La Fontaine. Puis, d’amis qu’ils étaient, ils sont devenus ennemis. Un pacte magico-religieux, semble-t-il, les liait (Voir en appendice, l’aparté du coq )
L’historien égyptologue Théophile Obenga
On accuse, on crie au loup quand Boukadia parle « d’autodétermination des peuples quand leur sécurité est menacée. » On le voue à la vindicte publique quand il appuie son argumentaire sur la « Charte des Nations Unies » pour sauver une partie du territoire en danger de mort.
Mais il existe des loups qui hurlent au grand jour. Leurs propos sont ouvertement tenus sur la place publique. Par exemple, l’historien Mbochi, Théophile Obenga qui chante désormais la grandeur de Sassou comme les Egyptiens celle de leurs Pharaons.
« Quand ces choses ne sont pas vues de cette manière, nous arrivons à la scission, nation téké, mbochi, kongo. » a écrit l’intellectuel Théophile Obenga dans un ouvrage édité chez L’Harmattan à Paris.
La manière avec laquelle le conseiller Théophile Obenga veut qu’on voit les choses est probablement celle de la domination du Nord sur le Sud. Sassou est une « chance pour le Congo » glousse l’égyptologue mbochi. Or c’est contre ces propos de basse-cour que Modeste Boukadia s’insurge convaincu que Sassou est responsable de la gestion chaotique du Congo.
Car Boukadia n’est pas seulement historien, ce 27 janvier 2018 à Paris. Il est aussi économiste.
Economie politique
« Le Congo est en faillite aucune Banque ne prête à un surendetté. Or le Congo est surendetté. Si on lui prête des sous, il y a un loup quelque part. Cela veut dire que Sassou est obligé de sortir des sous de sa tirelire. » dit, keynésien, Modeste Boukadia.
Foin de « Conférence inclusive » au Congo, un pays qui a connu des dialogues à n’en pas finir. Ca suffit ! C’est un piège à cons. Elf, ce champion de la corruption acheta des Congolais à la Conférence Nationale. Il faudra résister quand on mettra sous le nez des conférenciers les « nguiri » (valise bourrée d’argent) ; or le dialogue inclusive (géolocalisé à Brazzaville) est un immense champ de corruption. Rien de tel pour que Sassou contrôle les choses et les idées.
« Le Congo se dit pays souverain » ironise Modeste Boukadia. Peut-on être souverain ,« sans monnaie nationale » ?
Inclusive, avec et/ou sans exclusive, un dialogue ne vaut pas une Conférence Internationale.
« On a besoin d’une 3è personne pour mettre en place des choses que les gens vont accepter. Il faut la présence de la communauté internationale. Elle va assurer la sécurité dans un pays où bourreaux et victimes vivent côte à côte. Admettons qu’il y ait du grabuge, qui va séparer les belligérants. » Conclusion, c’est d’une Conférence Internationale dont les Congolais ont besoin pour sortir de l’anarchie instaurée par Sassou.
Boukadia se souvenant des erreurs de 1991 préconise un « gouvernement de transition de cinq ans. » Il faudra un « vrai recensement » qui sera « nécessaire pour savoir l’état de pauvreté et la richesse de la Nation. »
Sassou et son gouvernement ? Ce sont des renards qui ont pu « cacher la dette au FMI ». A plus forte raison si on leur laisse le loisir d’organiser les choses. Ils vont rouler leur monde dans un « dialogue inclusive ». Dans une Conférence Internationale « on saura alors pourquoi il y a eut faillite ».
Unioniste Boukadia assène son éthique :
« On fera l’effort de se dépasser. Personne ne dira, je suis Mbochi, je suis Kongo. Or il n’y a pas d’Etat au Congo. Une bonne gestion est obligatoire. Eclaircir les choses. Quand on est dans la Nation, il n’y a plus de tribus. »
Vous parlez de « Régime parlementaire » ? Modeste Boukadia récuse ce modèle politique. Quand sous Youlou et Opangault, « la situation changea à une voix près », c’était un régime parlementaire. On eut droit à la guerre civile de 1959 (la première mais hélas pas la dernière. - NDLR)
Finies la « République du Nord » du Président Ognamy, petit-fils de Jacques Opangault et la République du Sud du Président Boukadia car« c’est la Nation qui doit constituer la République. »
Elu démocratiquement, Lissouba ne fut pas démocrate :
« L’Upads avait refusé de mettre en place les organes de l’Etat. Si l’UPADS avait installé les organes de l’Etat, on n’en serait pas là. »
Les gens peuvent s’entendre s’ils le veulent.
« Sassou a réussi à installer son clan, parce qu’il n’y a pas d’Etat. »
On veut s’éterniser au pouvoir or la Constitution ne doit pas changer « selon l’humeur ». S’il y avait la nation la partie nord allait se « soulever contre Sassou ».
On doit aller à la Conférence Internationale. De toute manière reconnaît Boukadia « ce sont les multinationales qui pèsent dans le monde. »
« L’idée de la Conférence Internationale est sur la table. Les Congolais sont-ils prêts ? »
Sassou n’est pas le seul maître à bord. Le rapport de force n’est plus en sa faveur : « La Chine, sous pression, ne prête plus de l’argent au Congo. Le FMI traîne le pas grâce à la pression de la France même si elle des relations incestueuses avec le Congo. Cessons d’avoir ce fantasme-là. Macron veut aller vers un nouveau monde. »
La Conférence se tiendra avec « FMI, Banque Mondiale, Libres penseurs, hommes d’église, notabilités, partis politique, La France, etc. »
Vous n’y arriverez pas disent les cassandres. Cependant en 1988 « on était dix à décider d’une Conférence Nationale. On avait fait le tour des provinces. » La Conférence se tînt.
Ce n’est pas pour se vanter ; pour ceux qui en douteraient encore, Boukadia affirme détenir les clés « pour avoir une Conférence Internationale. »
Comment va-t-il y parvenir ?
« Ce ne sont plus les politiques qui font la politique. Ce sont les multinationales. Je ne donnerai pas le plan B, Sassou risque de prendre ses dispositions. Force est de constater que les multinationales poussent Sassou de payer les salaires de sa poche. Mais jusqu’à quand ? »
Baiser de la mort
« Savez vous pourquoi la Banque Lazard aide Sassou, c’est peut-être le baiser de la mort » Jean-Paul Pigasse, oncle du banquier Matthieu Pigasse a traité la France de colonialiste. Un signe des temps.
Pour Boukadia alias Nkoukamazo « la partie nord gère les bijoux de famille pour sa propre famille. »
Il veut une « politique libérale tournée sur la société. On doit produire au Congo et manger au Congo. . »
La Nation doit épanouir les Congolais et non une minorité de privilégiés :
« Il y a des gens qui ont 250 maisons à étages au Congo. Comment font-ils pour vivre dedans. »
Analyse
(L’esprit de Nice)
Face à l’alternative du pouvoir de Sassou, une seule hypothèse est de mise : la Conférence Internationale.
L’idée rejoint celle du colloque de Nice convoquée une semaine auparavant par Jean-Luc Malékat, ancien ministre des Finances sous La Transition.
Les observateurs ont beau jeu de déplorer une lutte de compétence quant à celui qui fera la meilleure conférence internationale entre Jean-Luc Malékat et Modeste Boukadia.
Boukadia cite la parabole de Harley Davidson (du nom de la célèbre moto américaine). Un mécanicien (Harley) et un commercial (Davidson) firent l’opération économique et culturelle du rêve américain en combinant leurs intelligences. Boukadia pensait-il à Jean-Luc Malékat ?
« Le principal ce n’est pas la primauté de l’idée de conférence » admet le Président du CDRC.
Le type-idéal ou l’idéaltype serait une conférence unique, une sorte d’union du Congo républicain. Une sorte « d’union de la gauche » qui permit en France de battre en 1981 la droite pour la première fois depuis le début de la cinquième République. Boukadia et Jean-Luc Malékat sont tenus de se tenir main dans la main.
Offensive de Brazzaville
Les ego (le très grand obstacle) devront se taire car l’offensive de Brazzaville dans la diaspora n’est pas négligeable. Entre Sassou en personne, le Premier ministre (Clément Mouamba), les similis opposants au régime de Sassou (Parfait Kolélas et bientôt Tsaty Mabiala) les seconds couteaux ( Hyldevert Mouhani, Férhéol Ngassaki) et les groupes d’animation musicale (Extra-Musica) le PCT n’a eu de cesse d’envoyer des chevaux de Troie en France afin de prendre à revers l’adversaire.
Cerise sur le gâteau, « Sassou peut compter sur un allié de taille : La France » ainsi que titre le journal français L’Ebdo.
Vidéos « coups de bec » se multiplient dans la diaspora quand on exige à Modeste Boukadia de virer un certain Tony Moudilou de ses meetings. Que fait-il avec ce judas à cause duquel Jean-Marie Michel Mokoko croupit dans les prisons de Sassou ?
Résultat des courses, les préjugés séparatistes de Boukadio prennent de la vitalité dans la diaspora. « Il n’a aucun mot de compassion pour ses amis de fortune maintenus en prison à Brazzaville par Sassou » griffent certains lanceurs d’alerte et activistes. Faux ! « On dirait que certains ne sont pas heureux que je sois vivant. Ils me reprochent de ne leur avoir pas envoyé des fleurs » ironise Nkoukamazo.
A la conférence du 27 janvier 2018, Boukadia n’a pas été économe en remerciements tout azimut. « Nous combattrons les sécessionnistes »renchérit le collectif Sassoufit qui soupçonne Boukadia de cacher son jeu.
« L’idée du Sud Congo était pour l’apaisement, c’était pour mettre fin au concubinage entre nord et sud. On le doit aux générations futures »
Boukadia dit avoir fait peau neuve : « Je n’ai jamais utilisé le mot scission dans mes propos. Au lieu d’accuser Sassou pour avoir placé ses parents au pouvoir, on m’accuse moi ». Il a beau se défendre comme un innocent, on ne le lâche pas d’un iota.
« Le changement ne vient pas en attendant. Le changement on le provoque. Ou on est dans le changement, ou on est dans l’attentisme. Le lit de Sassou qui veut imposer son fils, de surcroit non-Congolais, ce que notre Constitution interdit. Je ne me lasse pas pour demander l’union nationale. C’est la seule chose qu’on n’a jamais expérimentée. Il y a eu des dialogues. Fini ces dialogues. Il faut sortir des voies déjà tracées. Fut-il redoutable, Sassou ne fera pas le poids face a la coalition FMI, Banque Mondiale, Les club de Londres et de Paris, La Banque Africaines de développement, Les sociétés religieuses, Les libres penseurs, les anciens, les aînés » a martelé Nkoukamazo.
Jean-Luc Malékat, ministre des Finances sous la Transition ne dit pas autre chose. Que dire aux deux leaders : « Opposants de tous les courants partisans d’un nouveau Congo, unissez-vous ! »
Le dernier obstacle à surmonter dans le combat, c’est moins Sassou que notre propre surmoi.
Nota Bene : Prochain meeting de Modeste Boukadia le 25 février 2018 à Paris.
APPENDICE
L’aparté du coq
A quoi rime cette fameuse dette présidentielle de Sassou portant sur un coq blanc que réclama Boukadia au cours d’un discours public à Brazzaville ? Pour la comprendre, il faut savoir qu’il fut une époque où Sassou et Boukadia s’entendait comme deux larrons en foire. Cependant cette curieuse dette ramène au printemps de la philosophie. En effet, Socrate, qu’on dit grand initié, fit allusion à une dette identique qu’on lui réclamait. Les philosophes peinent encore à comprendre la logique métaphysique à laquelle correspond la requête que le penseur grec fit à un disciple alors qu’il était à l’article de la mort !
« Criton, nous devons un coq à Esculape. Payez cette dette, ne soyez pas négligents » supplia le penseur grec.
Et Sassou doit un coq sans tâche à Boukadia. Etrange que ce volatile soit convoqué dans les moments cruciaux de l’existence ! La Bible le fait chanter trois fois dans la trahison de Pierre. L’oiseau jette l’opprobre sur l’apôtre quand ce dernier transgresse un serment de fidélité. En anthropologie le coq blanc représente chez les Kongo l’âme humaine. Postulat d’initié :« le coq n’est pas le coq lorsqu’on te le réclame à un niveau de la magie ».
En société kongo, l’oiseau est la métaphore d’un sacrifice humain auquel doit consentir le candidat à la magie. C’est pour ça que nombre d’élèves à l’initiation se font avoir dans les rites en prenant le symbole à la lettre.
Pour la petite histoire, un ministre de Sassou (lit-on sur les réseaux sociaux) aurait été victime de ce malentendu. Sommé de payer sa dette pour demeurer au pouvoir, le pauvre homme voulut faire marche arrière ; or on lui réclamait son propre fils en guise de coq blanc. Tout le monde n’a pas la foi d’Abraham auquel Dieu réclama son fils Isaac. A l’heure qu’il est, ce ministre (et ils sont nombreux dans son cas) doit avoir le caquet rabattu par la conscience... du bien et du mal dont parlent Les Ecritures.
Maroquin ministériel
Pour finir ce coq à l’âne, c’est quoi ce coq ? On dit qu’il s’agit d’une dette d’honneur et de l’expression d’une parole manquée. Boukadia, dit-on, sauva Sassou d’un attentat aérien en le mettant au parfum du complot contre sa personne, à l’inverse (ouvrons la parenthèse) de Norbert Dabira qui, selon les limiers de la DGST, a voulu attenter à la vie du chef en tirant une roquette sur l’avion présidentiel depuis Ollombo. (parenthèse refermée).
« Je te le revaudrais » promit Sassou à Boukadia. Comme Pierre l’apôtre, Sassou renia sa parole. Comme aujourd’hui le général Dabira, Boukadia fut jeté en prison en guise de poste de (Premier ?) ministre que lui promit Sassou.
Enfin pour clore cette digression, reste l’hypothèse politique du contentieux Youlou/Opangault où le jeu des logos de campagne de 1958 (le coq et le caïman) eut des connotations dramatiques en 1959. Le coq du MSA de Jacques Opangault Bonaparte avala le caïman du UDDIA de l’Abbé Fulbert Youlou. « Sosso améli ngando » chantaient les partisans du leader Mbochi. La bataille se solda par un gouvernement d’union nationale précédé d’une courte guerre civile dont notre imaginaire collectif porte encore des stigmates soixante ans après.
C’est tordre les faits historiques que considérer ici que Modeste Boukadia pensait au coq d’Opangault quand il réclama sa dette à Sassou. Dans ce cas, Boukadia aurait réclamé le caïman de Youlou avalé par le gallinacé d’Opangault.
Thierry Oko