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Santé publique

Sassou déclare la guerre contre le coronavirus

Le message tant attendu du Président de la République à la Nation est enfin arrivé. Rien de nouveau sous le soleil. Et puis pourquoi s’épuiser à tenter d’inventer la roue, quand on a à disposition celle déjà fabriquée par les autres ? N’était-il pas facile de tendre la main pour saisir la première qui est à notre portée ? C’est justement ce que le Président Sassou a fait !

Pour notre part, après avoir, dans deux tribunes précédentes, porté un regard critique sur les différentes déclarations des autorités congolaises, nous pensons qu’il est temps d’avancer quelques propositions tout en gardant notre esprit critique autrement dit d’adopter l’approche de la critique positive et constructive.

Aussi, sans y être invitée par les autorités congolaises et sans être membre du Collège des experts, JE M’INVITE en tant qu’originaire de ce pays dans lequel j’ai encore des attaches affectives et familiales, à donner mon avis sur les mesures prises et, proposer encore une fois quelques recommandations puisque «  c’est tout le peuple qui doit se porter en première ligne pour arrêter net la progression de l’ennemi, COVID-19. » (sic)

Brutalités

Le Président a parlé de «  la mobilisation générale des forces de défense et de sécurité afin de faire respecter sans faille l’ensemble de ces décisions.  » (sic) Connaissant le niveau de brutalité qui caractérise les agents des forces de défense et de sécurité au Congo, brutalité dont ont déjà été victimes plusieurs personnes dans certains quartiers de Brazzaville, le lendemain de l’annonce de la mesure sur la fermeture des bars -dancing, nous pensons qu’avant de lancer les forces de sécurité dans la population comme on lance les chiens après un gibier, il faudra absolument rappeler à leur mémoire ce qu’est le respect de la personne humaine. Car, nous le savons tous, pour les forces de sécurité du Congo, le respect d’une loi ou d’une mesure ne passe que par des coups de fouets et de matraques administrés aux citoyens.

Fêtes et rituels

La mesure sur la « célébration, dans la plus stricte intimité, de tous les événements familiaux (mariages, veillées mortuaires) » est irréaliste. Il aurait fallu simplement renvoyer les mariages à plus tard ( à la guerre comme à la guerre). La célébration d’un mariage, chacun le sait, nécessite non seulement le déplacement de l’officiant mais un tel événement dans ce Congo ne se fait jamais dans la plus stricte intimité, même si celle-ci devait se résumer à 50 personnes. Cette mesure est donc une bien pâle copie de celle prise dans les pays occidentaux.

Par ailleurs, pour qu’il y ait veillée mortuaire, il faut qu’il y ait décès ! Que ferait-on des morts ? Où les mettra-t-on après constatation du décès ? Les morgues sont-elles prêtes pour accueillir un nombre quotidien important de morts ? Seront-ils remis aux familles appauvries par l’arrêt des activités pour être enterrés « dans la stricte intimité  », ou encore serait-ce l’État qui prendra en charge leur mise en terre en présence de 5, 6, 7,8 9 ou 10 membres les plus proches de la famille du défunt ? Seront-ils enterrés dans de nouveaux « cimetières » ou « confinés » ensemble comme les 570 de Mayitoukou ?

S’agit-il de faire seulement « le réquisitionnement des formations sanitaires dans les départements de Brazzaville, de Pointe- Noire et de la Cuvette  » plutôt et surtout de les équiper pour augmenter leurs capacités d’accueil et faciliter leur accès aux populations ?

Frontières

S’agissant de la mesure de fermeture de « toutes les frontières terrestres, fluviales, maritimes et aériennes sauf pour les navires et vols cargos  » : inutile de polémiquer sur l’incongruité de cette mesure ; cependant, à quelque chose malheur est bon : car si les navires et les vols cargos peuvent arriver au Congo, c’est l’occasion de faire des commandes de matériel de lutte contre le COVID-19 et de les faire transporter gratuitement. Celles des compagnies qui refuseront de faire cette « faveur » au Congo, seront soumis à la mesure de fermeture des frontières.

Nous déplorons, hélas, que le message du Président n’ait point donné un seul exemple sur ce qui est entendu par « ceux qui travaillent à la fourniture des biens et services indispensables.  » S’agit-il des banques, des services de santé, des services de distribution d’eau, du vendeur de charbon dans le quartier ou des éboueurs … ?

Les marchés

Les lieux de vente des aliments et des produits essentiels (encore non précisés) ne seront pas fermés, mais dans le même temps on procèdera à «  la régularisation des ventes sur les marchés domaniaux » : cela signifie-t-il concrètement que l’on mettra en place un système de rotation pour les marchés c’est-à-dire ils seront ouverts à tour de rôle, ou plutôt on limitera l’accès aux marchés à quelques vendeurs, toujours selon un système de rotation : un jour pour les poissons, un autre jour pour les légumes, un autre jour encore pour la viande ?

Les experts

Nous pensons que le Collège des experts devraient d’urgence se pencher sur ces mesures pour fournir aux populations les détails de leur mise en œuvre.
Comme annoncé au début de cette tribune, voici quelques recommandations :

Télé-enseignement

1) En ce qui concerne la fermeture des établissements : (i) pour un soucis d’égalité, d’équité et de non-discrimination entre enfants de riches et de moins riches, il conviendrait de réaménager le calendrier des concours et examens, (ii) réduire la durée des vacances scolaires à deux semaines afin de rattraper le retard causé par la pandémie (et pour cela, bien sûr penser à « motiver » les enseignants en payant leurs salaires ), (iii) mettre en place une petite équipe technique (service essentiel) au sein du (ou des) ministère(s) en charge de l’éducation pour réfléchir sur les stratégies de rattrapage des cours. Nous l’avons déjà dit auparavant, le télé-enseignant est irréaliste, non applicable au Congo et ne ferait qu’élargir l’écart entre les enfants des riches et ceux des pauvres.

2) Pour ce qui est des mesures annoncées par le Président, il faut commencer par (i) supprimer les duplications en fusionnant la Task Force avec le Collège des Experts ; fusionner la Coordination nationale et le Comité national de riposte, (ii) réduire les membres de ces structures déjà pléthoriques et ne retenir que ceux qui sont essentiels. L’efficacité ici ne viendra pas de la quantité mais de la qualité, non pas du nombre mais d’une vraie expertise ; (iii) ne payer AUCUNE indemnité ou PRIME aux membres de ces instances car, nous le savons ce genre d’instances au Congo est toujours budgétivore ; (iv) établir un calendrier des rencontres de chacune de ces instances et tenir les populations informées des résultats des débats ; (v) consulter les partenaires au développement qui interviennent dans la lutte contre la pauvreté (PAM, UNICEF, etc.) pour une révision des listes des personnes identifiées vulnérables dans le cadre des activités du projet Lisunga afin de procéder à des distributions de kits alimentaires (comme le fait déjà le Président Kagamé au Rwanda). A cette fin, une partie des 100 milliards de FCFA pourrait être utilisée ; (vi) faire un usage parcimonieux des masques et gants disponibles dans le pays, ( il est absurde que les participants au Conseil des Ministres portent des masques alors qu’il est bien précisé que SEULES LES PERSONNES INFECTEES ou soupçonnées l’être peuvent en porter) ; (vii) et si les autorités veulent absolument généraliser le port du masque, alors, il faudra en fabriquer localement en utilisant du matériel disponible sur place (tissus en coton) comme c’est déjà le cas dans certains pays africains ; des couturières identifiées dans chaque quartier des villes pourraient être sollicitées moyennant un appui financier pour l’acquisition du matériel de base, (viii) utiliser aussi une partie du Fonds national de solidarité pour commander des tests et déployer des agents de santé et des ONG intervenant dans le domaine de la santé pour effectuer les dépistages à domicile (cela est bien faisable puisque pendant les campagnes électorales, on fait aisément le porte à porte pour convaincre les électeurs)

3) Des mesures d’accompagnement du confinement à domicile peuvent très vite être prises et mises en œuvre : (i) la priorité du fonds national de solidarité ne devrait pas être la compensation des pertes de revenu des entreprises mais les personnes réellement vulnérables. Prioriser les entreprises c’est déjà ouvrir la porte aux détournements, fraudes et autres discriminations liées à la corruption, (ii) débloquer les pensions des retraités, tous appartenant aux groupes vulnérables par l’âge et au plan financier ; (iii) mettre les maires à contribution pour compiler les fichiers ayant servi au recensement de la population pour des besoins électoraux afin de savoir le nombre d’habitants par parcelle et, par -là procéder à l’identification des personnes du troisième âge reconnues parmi les plus vulnérables ; (iv) pour les familles/ foyers/ménages/ cohabitants d’une parcelle : a) aménager un petit espace pour parents ou grands-parents qui vivent avec leurs enfants en leur expliquant calmement et avec tendresse le pourquoi de cet « isolement », b) expliquer aux enfants et petits-enfants pourquoi ils doivent rester momentanément loin du grand-père ou de la grand-mère ; c) à défaut de gel hydroalcoolique, chaque habitant d’une parcelle à plusieurs personnes (locataires et autres) devraient se procurer de l’eau de javel et en mélanger avec de l’eau dans un seau pour usage personnel, d) disposer un seau d’eau javellisée devant les latrines, etc.

Par-delà les experts et autres spécialistes, il faut compter sur la créativité du peuple congolais. Ce dont il a besoin c’est une information exacte et transparente.

A.N.B

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