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Sassou ironise sur l’hygiène des Congolais au cours d’une conférence de presse

Sassou a accusé la presse (et par ricochet, les Congolais) d’être responsable des immondices qui jonchent la ville, bouchent les caniveaux, et, au final, rendent la cité hideuse. (Télé-Congo 30 sept, 1er et 2 oct.).

La parabole de la paille dans l’œil du voisin et la poutre dans son propre œil, vous connaissez ? C’est ce à quoi fait penser Sassou quand il ironise sur ses compatriotes. Il parle d’un sujet dont il est personnellement responsable au premier chef.

En tout cas, Sassou ne présage rien de bon sur l’attitude environnementale des Brazzavillois lorsque la vague des étrangers va déferler sur la ville à l’occasion de je ne sais plus quel symposium et à l’occasion de la commémoration des 50 ans des premiers Jeux Africains de Brazzaville. « Les caniveaux sont sales, les herbes ne sont pas coupées » critique le général Président comme si Hugues Ngolondélé et Jean-Jacques Bouya des Grands Travaux n’existaient pas.

Et de sermonner les habitants des faubourgs sur la saleté de la ville au cours d’un échange très infantilisant avec la presse ; un vrai « mbata ya bakolo » contre les journalistes. Ce qu’a fait Sassou c’est comme si Harpagon prenait la tête d’une manifestation contre l’avarice. Ou si un régiment de Kuluna manifestait contre l’insécurité.

Les caniveaux, selon lui, sont insalubres, la ville nauséabonde. C’est sans doute pour ça qu’il passe son temps entre Oyo, New-York et Marbella afin d’échapper aux odeurs nauséeuses qui émanent des canalisations de la ville obstruées à cause de la négligence hygiénique des citadins, mauvais citoyens. Rien en commun avec l’air méditerranéen de sa villégiature espagnole.

Conférence de presse en compagnie d’Antoinette

27 septembre 2014, voyageur infatigable, Sassou est rentré de New-York où il était allé contribuer financièrement à baisser le niveau du réchauffement de la planète. Car même si Brazzaville est sale, Sassou tient mordicus à l’état de la planète terre.

Ce n’est pas le moindre des paradoxes chez cet homme d’état dont le pays est économiquement mal barré alors que lui-même passe pour le grand argentier des pays africains.

Comme de bien entendu, à son retour du farniente onusien, le Président philanthrope s’est livré à un rituel ludique qu’il affectionne de plus en plus (la conférence de presse à fleuret moucheté) et où il se lâche d’autant plus qu’il a affaire à des journalistes qui ne se lancent pas dans des questions iconoclastes.

Des agents de presse bien portants

C’est une brochette de journalistes triés su le volet qui s’est fait sagement admonester sur les pratiques inciviques des Brazzavillois. Ces hommes de presse habillés chic sont dodus et potelés, le teint agréable. Ca se voit qu’ils émargent au PCT. Rien à voir avec une consœur, Sadio-Kanté Morel, empêcheuse de tourner en rond, expulsée manu militari peu avant Elie Smith (autre enfant terrible de la presse).

Les journalistes/militants de la conférence de presse, dociles comme un troupeau de moutons, ont d’autant plus conforté le Président et son épouse dans leur débonnaire nonchalance qu’ils n’ont pas brillé dans la répartie. A leurs visages crispés et à la couleur jaune de leurs sourires face à l’humour du général Sassou (car il peut être comique), on a tout de suite compris la qualification qu’en a faite la congolo-malienne, Sadio-Kanté Morel, sur Africa N°1 (ce 1er oct. 2014) à savoir : ce sont des spécialistes de « l’autocensure ».

Black-out sur la révision

Jugez-en : à la veille des élections locales, aucune question (même pas une allusion) n’ est signifiée au conférencier sur la qualité contestée des listes électorales ou même sur le très capital thème de la modification de la Constitution. Encore moins sur le Référendum.

Néanmoins, exception confirmant la règle, une question est sortie du lot du politiquement correct : la promesse de versement de cinq centimes par baril de pétrole vendu par le Congo dans une cagnotte destinée à lutter contre Ebola et le réchauffement de la planète. « Qu’en a pensé la communauté internationale » a demandé, la peur au ventre, un téméraire parmi nos moutons de panurge. « Mes homologues africains ont apprécié » a dit, goguenard, le généreux homme.

A raison de six milles barils produits chaque jour, la question du journaliste sur la générosité à géométrie variable de Sassou était dotée d’une double gâchette. Si l’homme de presse n’a pas appuyé sur la deuxième détente, le peuple, lui, l’a fait : « comment peut-on aller nourrir les enfants du voisin quand les siens crèvent de faim ? » hurlent de colère non seulement les partis de l’Opposition mais aussi les militants du PCT dans des moments e lucidité ? Résultat des courses : moins de 15% de taux de participation à la plaisanterie électorale du 28 septembre 2014. Ceux qui sont allés voter ne l’on fait que pour avoir été corrompus.

La médaille

« Une médaille vous a été décernée pour votre engagement écologique » note un journaliste. « Oui mais c’est à vous, journalistes, que revient cette médaille  » concède Sassou en substance.

Ordures dans les caniveaux

Ensuite est arrivée une question sur les Jeux Africains de 2015. La réponse de Sassou entamée sourire aux lèvres a vite évolué vers le ton très dur qu’on a vu, par ailleurs, sur la thématique de « l’invective et du sang des autres » : « Les caniveaux que vous avez bouchés en jetant des ordures », il faudra s’en occuper afin de donner à la ville un « visage respectable » tonna-t-il. Tout, martela-t-il, tout ne doit pas venir du gouvernement. Vous allez élire des conseillers municipaux. S’occuper de la cité est aussi leur rôle. « Les conseillers sont élus pour gérer la cité ». A l’occasion des Jeux Africains, « tout le monde doit se mobiliser ; les athlètes aussi » dit-il, menaçant.

Il est vrai que Brazzaville n’a pas l’éclat d’Oyo qui vient, au passage, de se doter d’un hôpital ultra-moderne et d’une école ultra-chique. C’est à se demander s’il y a un maire à Brazzaville. Hugues Ngouolondélé, premier citoyen de Brazzaville, notoire kleptomane, veut rempiler. La société de nettoyage de son épouse « Tout-Net » ne s’est jamais préoccupée des « ordures qui bouchent les caniveaux » malgré le colossal budget dont elle dispose. Dans une ville où ne circule aucune benne à ordures, pourquoi s’étonner que les caniveaux soient « bouchés ».

Les Jeux Africains

Ici, le jeu des questions/réponses se corse. On demande si d’ici à 2015 (dans une année) le stade de Kintélé sera prêt.

Toisant les journalistes, L’homme des masses confirme que les jeux auront bel et bien lieu. Il l’affirme alors qu’il continue de leur passer un savon sur le thème de l’assainissement de la ville, notamment sur la bonne tenue des restaurateurs et des hôteliers lorsque les « invités étrangers » viendront célébrer les jeux du cinquantenaire. Chacun, insiste-t-il, doit jouer le jeu, l’Etat fera sa part, mais vous autres aussi, journalistes, tenanciers de d’hôtels et chefs de restaurants, devrez vous apprêter pour le succès de l’évènement. « Cela ne concerne pas que le gouvernement. On doit tous se mobiliser pour créer les conditions que (...) Brazzaville se prépare à cette conférence »

Car, ajoute-t-il, Lé dza, lénoua oblige, ça sera la fête.( )

La vérité

Sassou se remémore la genèse des travaux du Stade Alphonse Massamba-Débat : « En 1965, les mains nues, on a mobilisé le peuple pour construire le stade » se rappelle l’ancien petit officier qu’il fut sous la 2ème République. Le chantier, se souvient-il, se déroulait sur fond de troubles politiques ; on venait de vivre les journées des 13, 14 et 15 août. Ca fera cinquante ans en 2015. « Je crois même que le Congo avait remporté la médaille d’or. Les pays africains nous ont honorés en nous autorisant de fêter le cinquantenaire des jeux »

Remettons tout de même les pendules à l’heure : le stade omnisport ne fut pas l’œuvre d’un effort collectif, ce fut le produit des débuts de la coopération sino-congolaise. Même si cela va sans dire, il est important de le dire. En outre même un enfant du CP sait que le Congo reçut la médaille d’or de foot.

Au milieu des années 1960, dans une économie anté-pétrolière, le Congo a pu poser les bases de son émergence dans un laps de temps de cinq ans alors qu’il est incapable de fournir eau et électricité en trente ans de sassouisme, qui plus est, dans un contexte intra-pétrolier d’une profusion...océanique.

Dans tous les cas, vaut mieux tard que jamais, Sassou rend un bel hommage à ses prédécesseurs, Fulbert Youlou, Alphonse Massamba-Débat qui ont montré qu’un pays peut se développer lorsqu’il a des patriotes à sa tête.

Quant au travail d’Hercules que Sassou demande aux Congolais, c’est-à-dire nettoyer ces écuries d’Augias que sont les agglomérations de Pointe-Noire et Brazzaville, c’est un classique des dictatures. Pour l’effort on met tout le monde à contribution ; pour le réconfort on pense aux copains et aux coquins.

Le précédent malien

Tout ceci est à prendre en compte, avec cette réserve que l’histoire peut mettre un puissant coup de freins à cet anniversaire sportif de Kintélé, comme jadis les 2èmes jeux interrompus par un coup d’Etat au Mali, pays des ancêtres de...Sadio-Kanté Morel qui voulurent les organiser.

Simon Mavoula

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