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Nations Nègres

Semaine Africaine à l’Unesco : l’Ambassadeur Henri Ossébi parle de culture

« Les guerres prenant naissance dans l’esprit des hommes et des femmes, c’est dans l’esprit des hommes et des femmes que doivent être élevées les défenses de la paix. » (Constitution de L’UNESCO)

L’Unesco ( Nations Unies), a fait de la culture, de l’éducation, la science et la communication autant d’armes contre les pulsions guerrières dans nos sociétés.

L’Afrique en vedette à Paris

Du 20 au 24 mai 2019, au siège parisien de l’Unesco, La Semaine de l’Afrique aura vécu et convaincu. La date ne fut pas fortuite. « La semaine africaine a été initiée dans le cadre de la célébration de la journée mondiale de l’Afrique, le 25 mai. Ce jour célèbre la commémoration de la création de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) le 25 mai 1963 à Addis-Abeba, en Ethiopie sous le parrainage du négus Hailé Sélassié. »
Une dame, S.E. Mme. Rachel Annick Ogoula Akiko ép. Obiang Meyo, Ambassadeur, Déléguée Permanente de la République Gabonaise auprès de l’UNESCO, Présidente du Groupe Afrique de l’UNESCO a présidé cette interaction parisienne des pays membres de l’Union Africaine.

Arts vivants

La salle des pas perdus de l’Unesco a alors pris les allures d’un musée d’arts vivants où se sont croisés officiels, artistes et public. Signalons, notamment, la présence de Edouard Firmin Matoko, DG Adjoint de l’UNESCO « chargé de Priorité Afrique et des Relations Extérieures » ; de Rodolphe Adada, Ambassadeur du Congo en France, de Henri Ossébi, Ambassadeur de la délégation congolaise à l’Unesco, de Cyriaque Bassoka, directeur de Bassoka Productions.

Parmi les professionnels du livre et les écrivains, un bon champ d’observation a été fourni par les Editions Paari des frères Mboka et Mawawa Kiessé représentées aussi par l’écrivain Victor Bissengué (RCA) historien du peuple Pygmée ; les Editions Kakakma en connivence avec Leo-Cady Kakama auteure de « Cheveux crépus d’excellence ». Victor Houtondji, poète, philosophe (capable de déclamer de mémoire un poème de la mer de Tati-Loutard) ; Marien Fauney Gombet, écrivain, auteur d’un ouvrage sur la vie de quatre étudiants dans une cité universitaire à Paris et co-auteur d’une anthologie sur Franklin Boukaka, musicien engagé ayant contribué à la modernisation de la rumba grâce à une mémorable collaboration avec Manu Dibango ; Alphonçine Nyélénga Bouya, ancienne fonctionnaire de l’Unesco, auteure du roman Le rendez-vous du Mombin-Crochu dont l’intrigue se déroule en Haïti, une société qu’elle maîtrise pour y avoir travaillé dans le cadre du PAM (programme alimentaire mondial) ; Claudine Kamani, Gabonaise, retraitée de l’Unesco ; Motsé Akanati, poétesse et styliste (a organisé un défilé représentatif des reines noires d’Afrique)

Les associations Mossoro yi be africa MOBEA présidée par Sylvie Mazoungou, ancienne ministre de la culture en République Centrafricaine
et « Femmes en danger » Dondra Edwige Zoé, présentes à L’Unesco ont conforté l’idée que la carte de la culture peut participer à l’apaisement de la situation politique en RCA une fois exclue la focalisation nationale et internationale sur le diamant.

S.E Henri Ossébi

Notre interface, l’Ambassadeur de la délégation congolaise, le ministre Henri Ossébi, sociologue, doté d’habitus de parisien (pour y avoir longtemps étudié) , nous a donné son sentiment de La Semaine Africaine. Il s’agit d’un sentiment on ne peut plus « juge et parti » puisque Monsieur H. Ossébi en est aussi l’organisateur.

Le champ musical

La dynamique de l’échange avec l’ambassadeur H. Ossébi débute sur le stand du Congo où, sur fond de musique des Bantous de la capitale, on a droit à une biographie de feu Kabako Lambert par l’animatrice du stand, de surcroit excellente danseuse de rumba. Très musicologue cette compatriote s’est livré à une analyse féministe du titre-phare Mama Alphonsine.
Pour Henri Ossébi, la notion de culture paraît la plus apaisante des instruments d’analyse quoique, selon nous, cette notion peut camoufler de violentes charges politiques comme en Mai 68.

« A partir de la culture on peut mieux approcher les gens. Le rapport social est moins tendu. Ca me paraît moins conflictuel a priori » harmonise l’Ambassadeur Ossébi. « Sur la diaspora africaine, il y a tout à faire. Dans notre ADN on aime tellement la politique...on a surjoué du politique partout » déplore-t-il, sans doute, en tant qu’ancien de la FEANF (Fédération des Etudiants de l’Afrique Noire Francophone).

Féru de musique, en 2006, alors ministre de l’Enseignement Supérieur, Henri Ossébi désigne immédiatement Essou Jean-Serge quand l’Unesco entend décorer un musicien. « Je suis nostalgique de Rocka Mambo » avoue-t-il, retraçant le rôle joué par le mythique orchestre dans la structuration des écoles musicales des deux rives du Congo (Les Bantou de la Capitale, L’Ok-Jazz/African Jazz). A cette occasion où le saxophoniste Jean-Serge Essou est décoré par l’Unesco, le mélomane Henri Ossébi, a fortiori natif de Poto-Poto, met également à contribution Pierre Mountouari, Nédulé Papa Noël. Manu Dibango dont la carrière a pris naissance dans L’African Jazz à Léopoldville est également associé à l’hommage. « Je le lui ai rappelé récemment à l’occasion de la fête nationale du Cameroun à l’ambassade de Paris » pianote-t-il.
Curieusement le compositeur de « Soul Makossa » enjambe cette période rapidement en insérant dièses et bémols. Manu Dibango n’aimerait sans doute pas être identifié absolument à cette source congolaise dans sa formation. Toutefois, selon Clément Ossinondé, chroniqueur musical, feu Biks Bikouta, saxophoniste congolais, fut de beaucoup dans l’acquisition pratique de cet instrument. Pour l’anecdote, on se souvient du duo de sax que Manu Dibango et Essous Jean-Serge Spiritus donnèrent à l’Unesco à la décoration de « Trois S ». Alors que les deux placent chacun une rythmique, soudain Essou se lance dans un chorus sur le motif de la Marseillaise. Stupeur de Manu et du public.

La rumba congolaise

Sur la littérature, Henri Ossébi, également homme de plume, nous épargne l’antienne sur le Congo, quartier latin d’Afrique. Il saute à pieds joints sur le phénomène musical de la « Guinguette » organisé chaque été à Suresnes sous les auspices de Cyriaque Bassoka. D’ailleurs selon C. Bassoka les Congolais des deux rives semblent se déchirer sur la rumba. Chacun revendique la paternité. Se tirer sur la rumba, c’est ignorer la dynamique de la déportation des esclaves africains. Partis du bassin du Congo, les rythmes bantous revinrent de Cuba sous forme de la rumba classique telle qu’elle se pratique en RDC et en RC.

En vérité toute l’Afrique Centrale (Gabon, RCA, Cameroun, RC) a enfanté la rumba après l’interaction caraïbéenne due à la traite des esclaves. La rumba a ensuite pris des directions spécifiques dans le Makossa au Cameroun, le soukouss dans les deux Congo. La source de la Soukouss est le Rocka Mambo créé à Léopoldville par des Brazzavillois associés à des artistes de la rive gauche du fleuve. Peu avant la rupture des Indépendances, les brazzavillois de Rocka Mambo s’organisent dans un groupe, L’Ok-Jazz, puis traversent le Pool pour former les Bantous de la Capitale en 1959, chez Faignond à Poto-Poto.

« Le fait musical en tant que fait social doit être interrogé à la lumières des influences qui ont produit cette écriture de notre musique. » théorise l’universitaire.
2019, Les Bantous vont célébrer leur soixantième anniversaire. Il va sans dire que le pensionnaire de la rue Miollis (i.e. Henri Ossébi) ne va pas laisser passer l’occasion. « J’ai reçu Nganga Edo chez moi. Je vais mettre à sa disposition un espace » dit-il en soulignant les effets du temps qui s’envole et les risques d’extinction de cette icône qui est, rappelons-le, de la génération de Simaro Lutumba.
Nous sommes dans le système de la rumba, une propriété intellectuelle issue de L’Afrique Centrale, devenue universelle, pour laquelle les Congolais se battent pour être inscrite au patrimoine de l’Unesco, comme les Jamaïcains le reggae, les Mauritaniens le couscous.

Georges Balandier

Luanda et Kinshasa vont consacrer des temps de réflexions sur la rumba. Le Bassin du Congo possède une richesse : la culture. Nombre de chercheurs en ont fait un champ d’études depuis des années. C’est le cas du sociologue Georges Balandier décédé en octobre 2016. Il a fait l’objet d’un colloque à Brazzaville en mars 2018. Les actes du colloque seront présentés à Paris au cours d’une table-ronde à l’Unesco, une Institution où l’anthropologue a collaboré. Une rue va être dédiée à cet ami de l’Afrique, auteur des Brazzavilles Noires (interrogation sur « la modernité africaine ») et excellent locuteur kongo-lari. Il s’est certes défendu d’avoir fondé une école. Il ne demeure pas moins que les travaux de Balandier s’inscrivent théoriquement dans la grande praxéologie de l’Ecole de Chicago. Il a eu des disciples congolais (dont Henri Ossébi et surtout Côme Manckassa) avec lesquels il a beaucoup discuté des voies du politique dans une Afrique ambigüe postcoloniale. L’Orstom, célèbre centre de recherche scientifique d’Outre-mer peut se targuer d’avoir comme cofondateur l’auteur de « La vie quotidienne dans le royaume de Kongo ».

Découvertes

La Semaine africaine aura été un lieu de découvertes littéraires, artistiques, musicales.
Seul bémol : l’absence de sapélogues, une dimension de la culturelle congolaise que l’Unesco ne refuserait pas d’intégrer dans son patrimoine.

Images du Kenya

Edouard Matoko, Alfonçine Nyelenga Bouya

Erratum (lire : à droite Me Michel Langa de L’ARC)

Thierry Oko

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