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Blasphème

Thierry Moungalla a raté une sacrée occasion de la fermer

A propos de la réaction du ministre Thierry Moungala à la lettre des évêques du Congo : L’homme est trop fragile pour que nous l’affrontions !

Les Evêques du Congo-Brazzaville ont publié une lettre pastorale sur la crise sociopolitique et économique que vit actuellement le Congo. Dans cette adresse au peuple de Dieu ainsi qu’aux femmes et aux hommes de bonne volonté, les bergers de l’église catholique ont fait, entre autres, des propositions sur la sortie de la crise récurrente qui a lieu dans le département du Pool. Ils souhaitent que « le peuple ait le droit de savoir ce qui s’est passé : les causes et les conséquences, mais surtout les responsabilités des uns et des autres. Les morts et les destructions dans ce département appellent justice et réparation. Une réconciliation véritable n’est qu’à ce prix, pour permettre à notre pays de sortir de la crise multiforme ».

Sur la corruption, la concussion et la promotion de la bonne gouvernance, ils encouragent le Fonds monétaire internationale qui est en négociations avec le gouvernement du Congo et qui exige ces valeurs avant l’octroi du financement d’être ferme.
A propos des personnes jetées en prison à la suite des contentieux politiques, ils demandent purement et simplement leur libération.

Comme tous les Congolais, les évêques se posent des questions, eux aussi, sur les origines de la crise financière : « Comment comprendre, en effet, qu’après des années fastes de boom pétrolier, le Congo soit en récession économique ? Cette situation n’est-elle pas trop vite attribuée à la chute des prix du baril sur le marché international ? Comment s’expliquer notre manque actuel de ressources et notre endettement excessif après dix ans d’embellie au cours desquels le pays avait engrangé des richesses si énormes que même un fonds avait été créé pour les générations futures ? Comment comprendre par exemple qu’au moment où le gouvernement affirmait détenir un compte à Exim Bank de Chine pour le paiement de nos infrastructures que la dette vis-à-vis de la Chine soit aussi colossale : 40% du montant total de la dette ? » Pour résoudre cette crise multidimensionnelle, ils souhaitent la tenue d’un dialogue national.

L’ire de Thierry

Malheureusement, leur message provoque un violent emportement au ministre Thierry Moungala, le porte-parole du gouvernement. Il accuse les évêques d’avoir fait une injonction dans les affaires de l’Etat. Mais, ce n’est pas pour la première fois qu’il les traite ainsi. Thierry Moungala pense encore que le spirituel, c’est l’affaire des églises, et le temporel, celle de l’Etat.

Il y a lieu de lui rappeler que « le débat sur le spirituel et le temporel ou la séparation des pouvoirs entre l’Etat et les églises, sous d’autres cieux, est révolu depuis des siècles. Ils ne resurgit aujourd’hui que dans les régimes dictatoriaux et obscurantistes qui ont peur de la lumière des églises et de l’éveil des peuples. »

En tant que chrétien, nous n’acceptons pas le langage injurieux de Thierry Moungala à l’ endroit des Evêques, ce d’autant plus que son chef, Denis Sassou Nguesso, a déjà enterré vivant un cardinal (Emile Biayenda) et tué par empoisonnement trois Evêques (Mgr Georges Singha, Benoit Gassongo et Ernest Kombo).

Cependant, Thierry Moungala étant très fragile, nous ne voulons pas l’affronter directement. Nous lui demandons tout simplement de lire ces morceaux choisis de notre nouvelle « On se verra à Rome !  », publiée dans le recueil « L’Inforoman suivi de Quand la rue s’en mêle… » Fondation littéraire Fleur de Lys, Lévis, Québec, 2017, 300 pages. Dans laquelle nous avons réagi, en 2015, à ses outrages aux dignitaires religieux. Alors que ces derniers venaient de se prononcer sur le débat du changement ou non de la constitution.

L’Etat et les églises travaillent pour un même peuple

«  L’Etat et les églises ne travaillent ils pas pour un même peuple qui est le peuple de Dieu ? Certains dispensaires qui sont gérés par des religieux ne font ils pas mieux que les grands hôpitaux du gouvernement ? Il en est de même pour certaines écoles qui sont aussi gérées par les religieux et qui font mieux que les grandes écoles qui appartiennent à l’Etat. Alors pourquoi dans le domaine de la santé et de l’éducation qui concernent directement la vie des populations, les partisans du président Nzoko Monéné qui renvoient tout le temps les Evêques aller célébrer les messes, chaque fois qu’ils prennent position sur une crise, ne parlent ils pas d’injonction dans les affaires de l’Etat ? (…)
Mais, c’est seulement lorsque les pasteurs apprécient ou se prononcent sur une situation politique ou une crise qui a lieu dans le pays, notamment entre le pouvoir et l’opposition qu’on les envoie célébrer les messes. Surtout lorsque leur position va dans le même sens que celle de l’opposition.
 »

Le principe de la primauté du spirituel sur le temporel

« Aussi, faudra‐t‐il dire que le principe de la primauté du spirituel sur le temporel dont se servent les politiciens de la mouvance présidentielle de Kue Ngo pour malmener et vilipender dans la presse nationale et internationale les hommes d’églises ou leur interdire de participer aux débats politiques qui ont lieu dans leur pays ou encore de parler du pétrole, du bois, du fer et d’autres matières premières, ne permet pas, pourtant, de créer deux mondes diamétralement opposés : le spirituel et le temporel.
Le spirituel a besoin du temporel, et le temporel, du spirituel. Dans l’homme, il y a l’esprit et le corps. Ce principe ne doit servir que dans la hiérarchisation et non dans l’exclusion. Comme aussi, il ne doit pas servir pour limiter les champs d’action de l’Etat et de l’Eglise. C’est‐à‐dire croire que le spirituel, c’est l’affaire des églises, et le temporel, celle de l’Etat, est complètement faux !
L’Etat a le droit de contrôler la qualité de la nourriture spirituelle que servent les églises aux populations. Parce que ce sont ses citoyens.
Et, les églises ont aussi le droit de contrôler la qualité de tout ce que l’Etat fait consommer aux populations. Parce qu’elles font partie du peuple de Dieu.
En tant que pasteurs des églises, ils ont donc la mission de veiller sur le peuple de Dieu. C’est pourquoi les deux institutions sont condamnées à travailler ensemble et à se surveiller pour éviter que ni l’une ni l’autre ne développe un « terrorisme » c’est‐à‐dire devienne un lieu de la propagation des antivaleurs.
Et, aucune d’entre elles n’a le droit d’affaiblir l’autre. Leurs relations ne doivent pas être conflictuelles. Rien ne doit les pousser à être conflictuelles. Car, elles ne sont pas concurrentielles, mais plutôt complémentaires. C’est pourquoi, les églises ont, elles aussi, le droit de parler du pétrole, du bois, du fer, de l’or… dont regorgent leurs pays. Parce que c’est pour tous ceux qui y habitent c’est‐à‐dire le peuple de Dieu, et non simplement une poignée de gens ou un clan surtout encore si elle fait partie des populations issues de la colonisation, que Dieu les a mis dans les sous‐sols de ces pays.

Dieu n’a pas créé des peuples qui sont certains riches et d’autres pauvres

« Parce qu’il y a des peuples et des pays que Dieu a bénis à travers leurs ressources naturelles, et d’autres qui le sont à travers leurs ressources humaines. Dieu n’a pas installé son peuple là où il n’y a pas de richesses. Là où les terres sont pauvres il a mis le génie. Il suffit de le développer. Pour preuve, aujourd’hui le développement de la science et de la technologie montre suffisamment que l’on peut aussi bien vivre et construire des villes dans le désert ; que l’on peut rendre fertiles les terres qui ne le sont pas ; que l’on peut avoir l’eau, l’énergie dans le désert. Dieu n’a donc pas créé des peuples qui sont certains riches et d’autres pauvres. La pauvreté, elle peut venir de trois choses : la paresse qui est définie comme étant le comportement de quelqu’un qui répugne à l’effort, au travail et à l’activité ou qui a le goût pour l’oisiveté ; la carence affective ou le manque d’amour entre les hommes ; et l’égoïsme qui rapporte tout à soi.
Cependant, là où la misère devient extrême, apporter de l’agent, à manger, à boire, de quoi vêtir et soigner les populations ne suffit pas pour prouver l’amour ; mais il faut accompagner tout cela par la réponse donnée à la question « pourquoi cela est ainsi ? » C’est en effet la réponse donnée à cette question qui va éclore et servir de fumier au génie que Dieu a mis dans son peuple.
 »

Monsieur le ministre, pourquoi le Congo est-il un pays pauvre ? Vous ne nous direz pas, sans doute, que c’est à cause de la chute du prix du baril de pétrole. C’est trop facile !

Serge Armand Zanzala, journaliste et écrivain

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