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Art Nègre

A Cannes, le 18ème Festival International du film panafricain a baissé les rideaux le 24 octobre 2021

Le 18ème Festival International du film panafricain a écrit son cahier du cinéma à Cannes, du 19 au 24 octobre 2021. Lever et baisser de rideau d’un évènement qui commence à atteindre ses objectifs depuis qu’il poursuit le but de l’Afrique résumé par la chanson inoxydable de Kallé Jeff « Indépendance Cha-cha ».

Le panafricanisme est un structuralisme. C’est la thèse défendue par le Festival noir de Cannes. A en croire son président Eitel Basile NGANGUE EBELLE, (et nous le pensons aussi) Cuba, représenté et primé au Festival, a eu le mérite historique d’être une sorte de paradis fiscal où ont été stockés après l’esclavage nos idéaux révolutionnaires africains. Steve Biko contre l’Apartheid, le MPLA d’Augustino Neto contre l’impérialisme portugais ont rendu infernales les conditions d’existence des colonialismes sur le continent noir grâce à l’exportation castriste de la révolution. La cérémonie de clôture a alors été une plate-forme du panafricanisme, une philosophie d’existence à laquelle adhèrent, ferme, Eitel Basile NGANGUE EBELLE et nombre de cinéastes afro et afro-descendants présents sur La Croisette. En tout cas, c’est le moins qu’on puisse dire depuis que cet évènement culturel a vu le jour en 2003.

Ecoutez le chachacha, ce boomerang parti d’Afrique, recyclé dans les Caraïbes, notamment sur l’île de Cuba, a fait un come-back époustouflant à Léopoldville, à Brazzaville (sous forme de la rumba) , à Douala (sous celle du makossa) : dialectique hegelienne ! Toute cette historicité repose sur une hypothèse :« la musique est ce qui reste quand on n’a rien gagné. » « Indépendance cha-cha » est une chachacha au goût amer restée lettre morte à Bruxelles en 1960 ( Table-Ronde ) et continue de susciter un pleurer-rire alors que cette danse gagnerait à être inscrite au patrimoine de l’Unesco. En vain. On s’étonnera encore que l’Afrique, « pays bien aimé », indépendante depuis 1960 n’a jamais été aussi enchaînée qu’en 2021, soit six décennies plus tard.

ETHIOPIQUES

Je veux par là dire qu’une fonction internationaliste fait corps dans la conception que Eitel Basile NGANGUE EBELLE (Président du Festival) se fait du cinéma noir sur les cinq continents qui composent le monde. On a parlé de structuralisme. L’Ethiopie, également représentative du cinéma africain, porte un message fort. Cet étonnant pays d’Afrique structure le paradoxe. Il tord le cou à la doxa occidentale. La Corne de l’Afrique fut jadis une zone de famine structurelle. Que de progrès accomplis depuis ! Son cinéma joue le tiercé gagnant et son économie tire son épingle du jeu dans des partenariats croisés entre occidentaux et chinois. Un Dikalo Award a échu au descendant du pays d’Hailé Sélassié, alter Ego de Marvin Gaye, lui-même référentiel du jamaïcain Bob Marley, éminent et puissant porte-parole des sans-voix. Jâ Rastafari ! est, sans surprise, la ritournelle de Basile Ngangué, militant végétarien.

LES DIKALOS AWARDS

On pourrait parler de la statuette du « Dikalo  » comme d’une métonymie de la restitution des objets d’arts subtilisés à l’Afrique, débat très d’actualité sous le macronisme finissant. Que ce soit le vaudou haïtien ébranlé par Massengo-ma-Mbongolo (Congo-B), que ce soit le combat né-kongo engagé par Di-Massamba (Congo Démocratique), c’est toujours une quête d’une chose dont on possède l’objet sans en maîtriser le sujet. C’est toujours aussi d’une dialectique de la récupération/restitution.

ROYAUME SUNDI

A noter que Massengo-ma-Mbongolo (Malaki ma Kongo) après proposition d’un documentaire sur le royaume de Kongo a été censuré, avant-coup, par le jury du Festival. Le jury a retenu 55 films. A-t-il estimé que l’enjeu identitaire poursuivi par le né-Kongo (le but étant de restaurer l’ancien royaume Sundi) est trop décalé dans une Afrique panafricaine en quête d’unité ? Ou alors croit-on que la réunification de la culture négro-africaine est un combat d’arrière-garde c’est à dire un combat qu’on promet de remettre en scène dans un avenir post-dictatorial. Massengo s’est rattrapé dans une conférence-débat dans la salle de L’Hôtel Majestic, samedi 23 octobre. Thèse de sa conférence : plus de 70% de la population haïtienne est d’essence Kongo. On a longtemps cru ce taux inférieur. L’énorme pourcentage lui a été confié par un chercheur Haïtien sur son lit de mort.

Ô AFRIQUE PAYS BIEN AIME

Il y aura surtout, des « Dominique Strauss-Kahn de nos finances, de notre économie » qui vont nous cannibaliser, des « Eric Zemmour des rapports Nord-Sud Développement » qui estimeront que le riche continent vit aux dépens du « pauvre peuple français. » Ces acteurs de nos malheurs voient cyniquement d’un bon œil les naufrages humains et économiques sur les côtes sud de la Méditerranée, qui plus est, sous le regard complice de ceux qui condamnent (sans damner) les tyrans et empereurs noirs dont les attitudes furent jadis prises à partie par Frantz Fanon (« Peau noire, masques blancs »).

La récente Conférence « Afrique-France » de Montpellier est un exemple qui n’enseigne rien, comme d’habitude. Montpellier a été l’occasion de faire beaucoup de bruit pour rien. Les damnés de la terre, les déracinés du capital continueront de voir le riche bastion occidental sur l’écran de leurs rêves dès lors que l’idéologie au lieu de se « melenchiser » ira en se « ériczemmourisant » de plus bel dans la vieille Europe.

L’AGE ET LA RAISON

Sur une « échelle de Richter de la mise en scène » allant de 1 à 10, on peut dire que dans le cinéma africain, 9 caméras sont tenues par des réalisateurs de moins de trente ans. 90% des réalisateurs qui font trembler les images sont issus de la jeune Afrique postérieure aux Indépendances. 50 % des thématiques abordés concernent les violences faites aux femmes, le machisme, la polygamie et l’inceste dans la cellule familiale. On retiendra, depuis des icônes comme Jean-Luc Godard (stakhanoviste de la parole destructurée ) que le cinéma est une nouvelle vague et le cinéma africain à Cannes une vague nouvelle qui alimente l’écume cinématographique mondiale.

Le Dikalo de la Paix décerné à Mama Bijou (française du Mali, malienne de France) est une garantie symbolique de l’incertitude. La paix est comme une hache de guerre qu’on enterre en prenant soin d’oublier à jamais le lieu de l’inhumation. La récipiendaire, Mama Bijou (franco-malienne) a promis ne jamais indiquer l’endroit parce qu’elle ne le sait pas elle-même au bout du compte. Bravo Mama Africa : parler et se taire à la fois est une initiation.

La 19ème édition se déroulera forcement en 2022 en dépit du bon sens. C’est que dans la tirade du baisser de rideau dimanche soir, il y a eu un lapsus du président Eitel Basile Ngangué Ebelle quant à la date de la prochaine édition. « Rendez-vous en 2021 pour la 19ème ». Il s’était agi, bien sûr, d’un acte manqué.

PARLER EN TRANSCENDANT

Ces temps-ci, on se pique de colère quand on se voit interdire l’accès à des espaces culturels sous prétexte de n’avoir pas reçu ses doses de vaccin anti-Covid. Bref, du Festival International du Film Panafricain, j’en parle d’autant mieux ici que je n’y ai pas trop assisté cette année à cause du pass-sanitaire, sauf à la fermeture. Comme dirait Emmanuel Kant, il s’agit ici d’un exercice relevant de la « critique de la raison pure ». Ca tombe plutôt bien pour un bon compte-rendu. Selon la sagesse extrême-orientale : « ont droit à la parole ceux qui n’ont pas vu ou vécu ce dont ils parlent. ». C’est même l’étymologie du rêve et du cinéma : songe et mensonge associés à la déraison.

Bénamar OKINGA à Cannes

Le cinéma est un silence qu’on impose au réel pour laisser parler l’inaudible infini.

Mais cette scène n’a jamais existé alors qu’on l’a mainte fois jouée.

Mama Bijou : et si la Paix est une figure sans visage comme des sculptures inachevées ?

On ne sollicitera jamais que l’insondable évidence du réel

Le royaume, une maison construite dans l’imaginaire, palpable dans l’esprit, évanescente dans l’objectivité

Il s’agit d’une langue, elle se parle sans articulation. Le silence qu’on entend renvoie au tumulte du brouhaha comme un « pass sanitaire » pour conjurer nos courages

La relève semble assurée...certificat de participation comme preuve d’appui

L’espace Miramar "se mirer dans la mer" peut se décliner aussi comme "Amour de Marie" ou encore la "mer amère"...maison du Festival

La Croisette, les Cahiers du Cinémas, à midi net on prend la pause

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