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Compte rendu de la soirée d’hommage à François-Xavier Verschave

Suite au décès de ce grand combattant de la vérité et de la liberté le 29 juin dernier, aux obsèques le samedi suivant, Survie avait annoncé une réunion pour la rentrée. Au nom de la revue « La Diaspora Africaine », Djibril Gningue a réuni quelques bonnes volontés pour rendre un hommage immédiat au grand homme.

Dans une salle du cinéma Images d’Ailleurs, à Paris, le rendez-vous est annoncé pour 18h. Dans le hall, Djibril accueille les arrivants, me demande comment j’ai été informée, (sur internet) et je me présente. Il me remet le programme ; début annoncé à 18h30. Plusieurs ouvrages de « FXV » sont à disposition sur une table, en vente. Je me rends à l’étage et m’installe. « Heure africaine » ou horaire un peu tôt pour sortir du bureau et être là à temps, la salle se remplit lentement, des personnes se reconnaissent, se saluent, parlent à voix basse.

Un homme arrête Odile Tobner au passage, sort de son cartable « Négrophobie »* et demande une dédicace. Sur la scène, Moussa Kanoute pince les cordes de sa kora, chante doucement en prononçant régulièrement le prénom François.
Beaucoup de personnes se connaissent, parlent à mi-voix. Mon voisin de siège demande à la cantonnade s’il y a des gens de Survie dans la salle, quatre personnes discrètement assises un peu plus haut font signe, il va leur parler, ils ont les traits tirés et je me dis que je les aborderai plus tard ou à une autre occasion.
A 19 heures, nous devons être entre 45 et 50 personnes, Djibril Gningue monte sur la scène et présente les premiers intervenants pendant qu’ils montent s’asseoir à ses côtés :

Daniel Biyaoula - écrivain, Odile Tobner - essayiste et compagne de vie et de lutte de Mongo Beti, Paul Heutching - écrivain, journaliste, Lanciné Camara - Le Devoir africain, Sanvi Panou - Images d’Ailleurs, Jean-Pierre Ndiaye - journaliste et sociologue. Elizabeth Lea et Houria Saïd les rejoindront plus tard pour dire textes et poêmes.

Après une minute de silence, La parole est donnée à Daniel Biyaoula. Il est ému, s’exprime un peu dans le désordre, les images se bousculent, il parle avec ses tripes : il a rencontré Monsieur Verschave lors de son procès. Il était aux funérailles à Lyon. Il témoigne : il y avait entre 300 et 400 personnes, il « pensait voir plus de nègres », une trentaine, pas assez à son avis. Il y avait pour la majorité des gens de Survie, venus de partout, Strasbourg, Marseille... La famille a été extraordinaire d’ouverture et générosité. Emouvant : quand le cercueil est sorti, il a été accueilli par une haie de Noirs qui l’ont porté jusqu’à la dernière demeure. Ce sont les Noirs qui ont chanté. Il déclare que Verschave doit être considéré à côté de Césaire, Diop, Fanon, Senghor, Beti, et se demande si François-Xavier aurait pu aboutir dans son combat s’il avait eu la peau noire.

Odile Tobner prend la parole : « En France, François-Xavier Verschave était un miracle - parce qu’il était une exception, il a rencontré la cause la plus désespérée, il a affronté les puissants ». Sa rencontre avec Mongo Beti ne date « que » de 1999. Surpris à la lecture de La Françafrique - le plus long scandale de la République, M. Beti a été cité comme témoin dans le procès des trois dictateurs conséquent à Noir Silence. Il a expliqué et confirmé à la barre le surnom de Parrain de l’Afrique Centrale attribué à Omar Bongo, dans le sens mafieux du terme (cf Noir Procès, les minutes du procès). François-Xavier Verschave a mené la lutte tout seul, sans soutien et a démontré que le courage peut battre le « pouvoir ». Il a stimulé Survie qui est devenue exceptionnelle car l’association est partie voir la cause au lieu de regarder les effets. Il a mené le combat pour que la politique africaine de la France ne soit plus occulte, ne soit plus gérée par une cellule. Pour Odile Tobner, Survie incarne un « ferment du débat démocratique ».

Paul Eutching rappelle qu’une plus grande manifestation aura lieu à la rentrée. Il déclare que « François-Xavier Verschave a essayé de sauver l’honneur de la France » en dénonçant, comme Gide ou Albert Londres ont pu le faire, ce qui se passe et en témoignant « Nous, Français, civilisés, chrétiens, voici ce que nous faisons... » Heutching raconte son étonnement de voir cette force de combat incarnée dans un homme si frêle physiquement, il le considère comme le Français le plus amoureux de la liberté qu’il ait jamais rencontré. Et cette rencontre date de 1994, et à ce moment-là, il se pose cette question en découvrant Verschave : « il y a encore des Gaulois ? » Il y en a donc un, qui incarne le COURAGE, face à l’injustice faite à l’HOMME.

D’après Heutching, François-Xavier Verschave passait pour un fou ou un traitre ou bien les deux auprès des Français. L’héritage de son travail, un travail de journalisme, un travail méticuleux, est dans les mains de Survie. « On lit ses livres, on adhère à son combat ; il ne veut pas que l’Etat agisse au nom du peuple ». Citation magnifique pour conclure : « Il n’y a pas de dettes si vous ne pouvez pas prouver que vous avez donné cet argent ».

C’est ensuite Lanciné Camara qui intervient et ouvre son hommage par cette phrase : « François-Xavier Verschave ne nous a pas quitté ; là où il se trouve, à côté de Cheick Anta Diop, il est là pour nous donner de l’énergie ». Il explique qu’il n’a pu se rendre à Lyon, que la disparition de Verschave a été une surprise pour lui. Il revient sur le monumental travail accompli et illustre son optimisme par une foi en une certaine forme de justice et de « punitions » : « Quand Chirac va avec des arguments forts, il est terrassé » dit-il en prenant en exemple le tout récent échec de la France pour les JO à Paris en 2012, idem pour Valéry Giscard d’Estain et « sa » Constitution qui perd le « oui » au référendum pour l’Europe, qu’il considère comme une conséquence de l’affaire des diamants de Bokassa. Il renforce encore son optimisme en évoquant le début de démocratie sur le continent africain, affirme les progrès, que tous les chefs d’état africains ne sont pas pourris, citant Konaré qui ne fera pas plus de deux mandats.

Pour Camara, François-Xavier Verschave est un continuateur des écrits de Sartre. Il dénonce Senghor pour sa « complaisance », demande de qui il a été le grand poète. Il compare Césaire à Mandela, dénonce la Francophonie, le fait que l’Afrique soit plus promue par la musique et le sport et pas par le débat scientifique.

Sanvi Panou prend ensuite la parole, il veut rendre hommage à Verschave par deux poèmes de sa composition, car la poésie est une « arme qui rend honneur » ; déclare « nous avons avec ce qu’a légué François-Xavier Verschave du matériau pour continuer le combat ». Un de ses poèmes s’intitule « Ce soir j’ai la pêche ». On sent un peu de gêne polie dans l’assistance, je trouve que Panou frise l’indécence en choisissant ce moment pour parler de son retour au métier d’acteur et à l’écriture ; il est clair qu’il a plus de talent pour faire vivre Images d’Ailleurs que pour la poésie...

C’est au tour d’Elizabeth Léa de monter à la tribune. Elle commence par présenter ses condoléances à la famille. Elle ne dira pas de poème, mais elle a choisi trois textes « pour faire écho à l’intégrité de l’homme », trois textes sur l’engagement personnel.

Le premier est vieux de 100 ans, il s’agit de La Barbarie coloniale, d’Anatole France, prononcé lors d’un meeting de protestation contre la France coloniale le 30 janvier 1906. Le second texte est de Senghor, Mme Léa jette un œil à Lanciné Camara comme pour dire que dans l’œuvre de Senghor on trouve tout de même des écrits moins complaisants tel cet extrait de Liberté 3 : « Prière de la Paix ». Enfin le dernier texte parle de la colonisation de l’intérieur, c’est une lettre de James Baldwin à son neveu en prison.

Houria Saïd vient enfin dire deux poèmes (dont je n’ai pas les titres) et le micro circule ensuite dans la salle. Dieudonné Zoa propose que le jour où on sera arrivé à l’unité on donne à Vesrchave la « nationalité africaine ». Bruno Iclelis, de l’association « Soutien aux sans-papiers en prison pour défaut de papiers » lit ensuite un texte très émouvant qu’il a écrit pour rendre hommage à l’homme qui a su se rendre disponible pour le conseiller et l’orienter dans la réalisation de son livre-témoignage « France Terre d’Ecueil » (pas encore publié). Le micro continue à circuler ; chacun raconte sa rencontre, un souvenir qui l’a marqué, lui dédie un texte.

La réunion est close, dans le hall quelques personnes continuent des conversations ou se procurent un des ouvrages qu’il leur manque ; j’ai le plaisir de d’échanger avec de vieilles connaissances avant de « prendre la route ». Les gens de Survie sont partis sur la pointe des pieds, la rencontre se fera une prochaine fois. C’était un bel hommage, dans l’attente de celui de septembre.

* « Négrophobie » publié aux éditions « Les arènes » est le dernier ouvrage de F-X Verschave, écrit en collaboration avec Odile Tobner et Boubacar Boris Diop pour répondre à la politique de désinformation au discours pervers des medias, et en particulier à Stephen Smith et son « best-seller inquiétant », Négrologie.

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