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Six questions surdimensionnées à Serge Bilé

A quelques semaines maintenant de la sortie de son livre La légende du sexe surdimensionné des Noirs, j’ai posé six questions à son auteur Serge Bilé...
Libre dans ses propos, sans employer la langue de bois, l’auteur revient sur son précédent livre, la polémique alors engendrée, les questions des "minorités" en France. Il nous dévoile enfin les sujets de ses trois livres en cours d’écriture...

1. Comment peut-on parler d’Histoire du monde noir aujourd’hui sans soulever une espèce de passion, voire d’esprit partisan ?

J’ai la chance d’être journaliste et d’avoir beaucoup de recul par rapport à tous les thèmes que j’aborde : ni partisan ni militant, juste chercher, modestement, à percer la vérité, qu’elle plaise ou non. Je suis néanmoins conscient que notre Histoire dérange. Elle a été, jusqu’ici, écrite par d’autres et certains acceptent mal qu’on puisse, nous, aujourd’hui, à notre tour, en donner notre version. Il faut se battre, affronter l’idéologie dominante qui cherchera toujours d’une manière ou d’une autre à minimiser ou disqualifier nos écrits. Mais ça ne m’effraie pas, car les faits sont là, têtus, et moi, je ne m’appuie que sur les faits et sur rien d’autres.

Le comédien Dieudonné exhibant le livre de Bilé

2. Votre livre "Noirs dans les camps nazis" a reçu un accueil plus que favorable. Le comédien Dieudonné l’a exhibé durant la grande polémique qui l’a opposé en France contre certains qui lui reprochaient ses propos antisémites. L’avez-vous ressenti comme une fierté ou un détournement de votre ouvrage ?

C’est un épisode qui ne m’a pas laissé de bons souvenirs et qui a brouillé la perception de mon livre. Je ne veux plus en parler. Je rappelle juste que quand Dieudonné a brandi mon livre, j’étais déjà à 40 ou 50.000 exemplaires vendus. C’est dire que, contrairement à ce que certains ont voulu laisser entendre, le succès était déjà là.

3. Le 9 novembre prochain sort votre nouveau livre, "La légende du sexe surdimensionné des Noirs" dont l’argumentaire a été largement dévoilé et commenté sur ce Blog. Qu’espérez-vous qu’on retienne de ce livre dont le titre pourrait pousser certains à des commentaires plutôt polémiques et hors des propos de votre étude ?

J’ai essayé de déconstruire ce mythe qui plonge ses racines dans le racisme en montrant comment il a été fabriqué, comment il s’est développé, comment nous l’avons nous-mêmes adopté, et en quoi il continue de nous rabaisser. Tout part comme toujours de la fameuse malédiction de Cham. La version officielle raconte qu’il a été maudit parce qu’il avait vu son père nu. Mais pour les premiers théologiens, Cham a fait pire que ça. Il a carrément abusé de son père. Ses descendants ont été, du coup, condamnés à être non seulement esclaves, mais aussi à porter un pénis « immensément » long. C’était écrit ! A partir de là, on a affirmé, siècles après siècles, que les Noirs avaient un sexe à la place du cerveau. Un sexe naturellement démesuré ! Ça a pourri la vie de beaucoup d’entre eux comme Alexandre Dumas ou le Chevalier de Saint-Georges. Avec le temps, on a oublié la dimension raciste de cette affirmation, mais l’intention est restée. C’est ça que j’ai voulu faire ressortir, en interrogeant, au passage, pour que les choses soient définitivement claires, les études anthropologiques et médicales sur la question. Dans cette approche chronologique, je me suis également attaqué, à l’une des grandes énigmes de l’Histoire de France, l’énigme de la Mauresse de Moret. [Pour plus de détails, voir le site créé à cet effet : http://www.filleduroisoleil.com]. Il s’agit de cette fille noire née à la cour de Louis XIV. Je ne crois pas, contrairement à ce que disent les rares personnes qui connaissent cette histoire, que c’était la fille du roi. Je pense plutôt, à l’analyse des écrits de l’époque, que c’était l’enfant de sa femme, la reine Marie-Thérèse qu’elle a eu avec l’esclave dahoméen Nabo que certains présentent comme le masque de fer. Le plus étonnant, c’est que, malgré l’image négative qu’on avait des Noirs à l’époque, les femmes de la haute bourgeoise aimaient leur compagnie, pour ne pas dire plus. On est encore, aujourd’hui, en 2005, dans la continuité de ce paradoxe. Quand on voit comment les Noirs sont perçus même dans le milieu de la pornographie où j’ai enquêté, c’est hallucinant. Quand on voit également comment les Noirs ont été stigmatisés à l’apparition du sida, que certains ont insinué qu’ils couchaient avec des singes verts, on est dans la même logique de ce qui se colportait aux premiers siècles. N’oubliez pas ce que Voltaire avait osé dire pour expliquer l’origine des Africains : « Il n’est pas improbable que dans les pays chauds des singes aient subjugué des filles ». Tout ça fait partie du mythe. Tout ça participe de ce que j’appelle le préjugé sexuel qui est n’est rien d’autre, à mes yeux, que le frère jumeau du préjugé de couleur.

4. Le livre "Noirs dans les camps nazis" était au départ un documentaire, pensez-vous faire une version "film" de "La légende du sexe surdimensionné des Noirs" ?

Non. Non pas parce que je n’en ai pas envie, mais je pense que c’est mieux que quelqu’un d’autre s’en charge. Ça donnera un autre regard sur le même sujet.

5. Avec le temps, peut-on dire que de plus en plus la société française s’ouvre à ses "minorités" ?

Je n’ai pas l’impression. Je trouve, personnellement, que c’est pire qu’avant. Je crois qu’une partie du problème, vient des Noirs eux-mêmes. Tant qu’ils continueront d’avancer en ordre dispersé, que les Antillais se démarqueront des Africains, et vice-versa, rien ne changera. Il faut être fort pour bousculer un système et cela suppose de se regrouper et d’effacer nos antagonismes. Il faut aussi penser en terme de stratégie. Moi, je n’affronte jamais les obstacles bille en tête, j’essaie de les contourner. C’est vrai que ça prend plus de temps, mais c’est comme ça que je vois les choses.

6. Quels sont vos projets actuels ? Irez-vous puiser une fois de plus dans le passé afin d’éclairer des pans oubliés de l’Histoire du monde noir ?

Je prépare un livre sur la politique qui sortira en 2007 et un autre sur l’esclavage pour 2008. Je publierai, avant cela, en avril prochain, un essai chez Calmann-Lévy qui a pour titre : «  Télé nègre ». C’est une somme de choses vues et vécues dans mon parcours à la fois africain, européen et antillais.

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