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Musique congolaise : je suis vraiment en colère...

Je suis vraiment en colère, et je vais vous dire pourquoi. Les bras m’en tombent, et jamais ma rage n’a atteint de telles altitudes de combustion. Grande est en effet la colère lorsqu’on réalise qu’on ne peut avoir accès aux mélodies de son enfance, de sa jeunesse, de cette époque où nous escaladions encore les murs pour “guetter” le concert de tel ou tel musicien dans le quartier Tié-Tié, plus précisément au bar Joli Soir qu’allait alors racheter mon oncle. Ailleurs, il est impensable de ne trouver nulle part la discographie de Boby Lapointe, de Georges Brassens, de Mike Brant, de Jacques Brel. Luambo Makiadi alias Franco n’est pourtant pas un artiste de seconde zone, encore moins un comparse de l’histoire de la musique du continent noir. Fin observateur de la société africaine, il est mort en 1989, à l’âge de 51 ans ( en Belgique ) et aura marqué de son empreinte de pachiderme de la rumba le fameux "âge d’or de la musique congolaise" - la décennie 1960-1970 -, nous laissant des titres inoubliables dans les années 80, comme Mario- repris jusqu’aux Antilles - avant de tirer sa révérence...

Bref, c’est pour dire que j’ai voulu acheter quelques disques de ce grand musicien et de son groupe Tout-Puissant OK Jazz dont la devise fut "On entre OK, on sort KO". Quelle n’a pas été ma surprise de constater que la discographie immense de ce géant est « indisponible » à 99,9 pour cent dans les boutiques en ligne ( Fnac.com, amazon etc.). Sur certains albums, on indique carrément « supprimé à la vente ».

Voilà donc un groupe qui est le fondement même de la "rumba africaine", l’essence de la jeune musique congolaise contemporaine ; un groupe qui a donné un rayonnement à la musique des deux Congo. Et, du fond des Etats-Unis - ou de la Mongolie supérieure, j’en suis convaincu - on ne peut acheter aucun de ses disques en ligne ! Probablement faudra-t-il espérer avoir plus de veine chez les disquaires parisiens ou du quartier Matongé de Bruxelles !...

Certes, je sais qu’il faut aller à Paris, dans le marché noir de Château d’eau ou devant les salons de coiffure de la rue Saint-Denis. A certains moments, croyez-moi, j’ai presque envie de crier « Mais où sont donc les professionnels de la piraterie ? » En effet, les pirates au moins ont le sens de la diffusion ! Si les monuments de la musique se vendent maintenant sous le manteau, nous ne sommes pas sortis de l’auberge. Depuis le ciel, Franco Luambo Makiadi doit nous regarder, jouant au passage quelques notes de guitare devant des anges médusés par son talent que les ingrats de la Terre ne peuvent perpétuer. Pendant ce temps, nos pays se targuent d’avoir des ministères de la culture... Et si, pour gagner du temps, on les débaptisait "Ministères de l’Inculture" ? Au moins auraient-ils l’ignorance du sujet, et donc l’excuse de ne pas comprendre que l’aide à la reconstitution de la discographie de nos musiciens légendaires contribuent à adoucir un peu plus les moeurs ! La révolution se fait en chantant, disait l’autre. Mais encore faut-il connaitre les paroles...

Je suis vraiment en colère est justement le titre de l’album de Franco que je recherche depuis des mois....

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