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Doit-on tout attendre de l’Etat ?

C’est le sujet sur lequel les candidats français au bac ont planché pour la session de juin 04.
Dans la mesure où il existe un contrat social entre l’Etat et les citoyens qui sont sous son autorité une relation d’assistance doit être effective.

Les populations attendent d’un Etat : protection, santé, éducation, justice, bien-être. Protection contre les agressions extérieures : c’est le rôle (le seul rôle louable) de l’armée ; protection contre les ennemis de l’intérieurs (ceux qui violent la loi et menacent la liberté des tiers) : ce rôle incombe à la police et à la gendarmerie. L’Education est un droit : c’est le rôle de l’école. Le Droit est un ...droit : c’est le rôle de la justice.

L’Etat dispose de ce fait d’une battérie d’appareils répressifs, d’appareils économiques et d’appareils idéologiques au service des citoyens qui en attendent des droits et envers lesquels ils ont aussi des devoirs. Les citoyens attendent de ces instruments une sécurité physique, sociale et morale : bref ils attendent que ces appareils d’Etat veillent au respect de l’application de leurs droits de l’homme.

A quoi servirait un Etat s’il n’est pas capable de se charger de l’éducation scolaire et, si plus tard, il n’assure pas une garantie professionnelle aux enfants dont il s’était chargé de la scolarisation ?

Munis de tout cet arsenal, l’Etat ne doit pas décevoir les attentes des citoyens au risque de susciter des ressentiments, source de toutes les révoltes et des déstabilisations. Les révolutions et les crises naissent du non respect du contrat social.

Ce que je viens de dire relève de l’idéal. Vu d’Afrique subsahérienne c’est presque du domaine de l’utopie. En effet la réalité est autre, notamment quand on examine nos sociétés. Au Congo, par exemple, l’Etat est une organisation dont les citoyens attendent tout mais dont les propositions sont totalement inexistantes. Séquestré par une poignée d’individus dotés d’un puissant appareil répressif (le seul instrument fiable), l’Etat au Congo ne remplit plus une seule fonction auprès des citoyens. Bien au contraire, l’Etat congolais se définit comme une superstructure au service d’un immense pouvoir dont ne tire profit qu’une petite caste ethnique. Ultra-violent l’Etat au Congo n’hésite pas de marcher sur des cadavres humains pour garantir la reproduction de son pouvoir et ses intérêts.

L’épisode des 350 Disparus du Beach est tristement éloquent. Il suffit de parcourir les débats de ce site et des autres sites Internet congolais pour se rendre compte de la structure coercitive de l’Etat congolais. Cet Etat est identifié à un seul homme, Sassou-Nguesso, aux mains duquel se trouvent concentrés tous les pouvoirs : judiciaire et législatif. C’est l’Etat-Sassou. Depuis le 5 juin 1997, l’Etat-Sassou est un rouleau-compresseur qui écrase tout sur son passage, tire sur tout ce qui bouge, n’hésite pas de marcher sur des civils sans armes, d’entretenir des foyers de guerre et des points chauds sur le territoire national, d’entrer en conflit ouvert avec l’appareil religieux comme en témoigne le récent bras de fer avec l’Eglise catholique.

L’Etat au Congo foule au pied les droits de l’homme les plus élémentaires. Or ces droits humains sont considérés, au 21è siècle, par les citoyens des autres Etats (notamment en Occident) comme des acquis inaliénables : l’eau potable, l’électricité, la santé, l’éducation, la justice, la liberté d’expression, les voyages à l’étranger etc.
Touchez à un seul de ces droits de l’homme dans un pays comme la France et vous aurez un gouvernement par terre.

Toutefois, ne perdons pas de vue, en effet, que la définition la plus élémentaire de l’Etat (donnée par les théoriciens) est celle d’une organisation au service de la classe dirigeante.
Vous comprendrez alors pourquoi le but poursuivi par nombres de groupes de pression (cas des anarchistes, cas des autonomistes et autogestionnaires allemands) est son abolition pure et simple.

Evidemment, si le visage d’un Etat est celui, très hideux, que nous présente Sassou pour se maintenir au Pouvoir, contre vents et marées, je suis alors un anarchiste, c’est-à-dire un farouche partisan de la mort de l’Etat. Il y a rien à attendre de cet Etat si ce n’est misère et désolation.
De toute façon il existe bien des sociétés qui vivent sans Etat et qui ne s’en portent pas plus mal. Le pouvoir y est régulé par un appareil idéologique de taille : la parenté. C’est le cas des communautés pygmées qui s’auto-régulent sans le concours d’une mégastructure à laquelle se greffent la police, l’armée, l’administration, les ministères, le parlement, le sénat, les banques, la bourse etc.

Il va sans dire que si l’Etat a des devoirs, il ne doit pas non plus être envahissant. On l’a vu dans les pays totalitaires où toutes les structures de la société sont contrôlées par l’Etat. Ce type d’Etat suscite généralement un phénomène de rejet. Ce fut le cas dans les ex-pays du bloc soviétique.

L’idéal-type c’est un Etat souple, très peu interventionniste dont la mission se borne à la régulation sociale, à l’arbitrage impartial des conflits aussi bien sociaux, économiques que juridiques.

Au Congo on n’en est pas encore là. Disons qu’on n’en est plus là. On est nulle part. Tout doit repartir de zéro. L’Etat incarné par Sassou (un Etat cupide et kleptomane) a démissionné de toutes ses fonctions : l’Education nationale, la couverture médicale du territoire, la Justice, la garanti de l’emploi, l’autosuffisance alimentaire. Il s’est désengagé des secteurs vitaux comme la santé publique. Les services publics n’existent plus : la poste et le téléphone, par exemple, ont été l’objet d’une OPA dont les bénéficiaires sont, comme par hasard, les membres de la tribu-classe mbochi.

La question posée aux futurs bacheliers français n’a aucun sens au Congo puisque, chose ahurissante, l’Etat n’existe plus. Les Congolais sont en situation d’attente permanente. Mais que peut-on attendre d’un non-Etat ? Que peut-on attendre sinon virer sans quartier tous ses prétendus animateurs dont le chef de file, spécialiste en coups foireux et en coups fourrés est un certain Lekufé ?

Loumou

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