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L’Economie pétrolière du Congo, par Brice-Gualbert MASSENGO, Ph.D.

Publié par l’Harmattan, Paris, Janvier 2005.

L’objectif de départ était de déceler la perversité du pétrole sur l’économie, l’espace et la politique congolais. Le paradoxe du Congo étant que ; malgré ses richesses en ressources humaines et naturelles, ce pays continue de s’enfoncer dans les abymes du sous-développement. L’observation des faits nous suggère que le pétrole, au départ, perçu comme un moyen radical de sortir du sous-développement, en devenait au contraire, au fil du temps, l’un des facteurs les plus déterminants.

Notre période d’étude s’arrête au milieu des années 1990, et commence avec l’avènement de l’indépendance en 1960. Elle ne couvre pas la période qui suit le déclenchement de la guerre de 1997 entre les partisans du Pr. Lissouba et ceux du Général Sassou-Nguesso. Néanmoins, notre étude facilite la compréhension des événements d’à partir de 1997.

Notre étude est divisée en deux parties :

 La première est consacrée a l’émergence du Congo en tant que pays pétrolier.

 La deuxième est consacrée à l’étude des effets pervers du pétrole sur l’économie l’espace et la politique congolais.

La première partie permet de comprendre le processus qui a mené le Congo à devenir un pays pétrolier.
Ce processus est exogène au Congo Post-colonial, avant de s’imbriquer et d’être relayé par des éléments internes.C’est le fruit d’abord de la politique française d’indépendance énergétique face aux Anglo-saxons. Les autorités congolaises post-coloniales s’étant juste chargé d’accompagner ou de préserver une politique qui avait été conçue et mise en place par l’autorité coloniale, et ce quelle que soit l’idéologie officielle du pouvoir en place à Brazzaville. Les entorses à cette politique ayant souvent dégénéré en crise politique grave. Au début des années 1970, du fait de la mise en exploitation du gisement « Emeraude » en 1972 ainsi que du premier choc pétrolier qui suivra deux années plus tard (1974), le Congo s’affirme comme pays pétrolier sur la scène mondiale. Cela signifie une augmentation vertigineuse de la production pétrolière ainsi que des revenus budgétaires de l’Etat, sans équivalent dans le passé.

Avant d’évaluer la perversité du pétrole, il nous a fallu comprendre trois éléments :
  la structure et l’évolution des revenus pétroliers.
  Le poids relatif des revenus pétroliers dans le budget étatique.
  L’utilisation des revenus pétroliers au sein de l’espace congolais.
Nous avons constaté que le poids du pétrole était devenu prépondérant au sein de l’économie congolaise, des 1974. De l’évolution des revenus pétroliers dépendent quasiment le budget de l’Etat. C’est ainsi que d’ambitieux programmes de développement économique et social sont lancés pendant les moments d’euphorie pétrolière. L’analyse de ces programmes ainsi que celle des budgets annuels de l’Etat, nous a permis de ressortir la répartition économique et spatiale du budget, et donc des revenus pétroliers. Des lors, il devenait possible d’évaluer l’impact des revenus pétroliers sur l’économie et l’espace congolais.

Concernant l’économie, nous avons constaté que les difficultés structurelles de l’économie congolaise dataient bien d’avant l’émergence du pétrole. Dans ce cas, il est difficile de parler de « syndrome hollandais ». Par contre, l’afflux des revenus pétroliers, loin de contribuer à la solution de ces problèmes, n’a fait que les aggraver. Il a permis de masquer la réalité des problèmes économiques, et a pousser l’Etat et le parti-unique qui le dirigeait a l’adoption de solution de façades ou « ersatz » a des problèmes de fond, qui eux ont continué de s’aggraver tout au long de la période. C’est à ce niveau qu’on peut déceler la perversité du pétrole sur l’économie congolaise. De là l’effondrement de l’économie, qui n’existait quasiment plus en dehors du pétrole. Elle en est devenue totalement dépendante alors que les autres secteurs économiques étaient en phase de disparition ou de forte léthargie.
Sur le plan spatial, également, les difficultés structurelles étaient antérieures à l’émergence du pétrole. L’urbanisation démesurée, la bipolarisation urbaine ainsi que le déséquilibre de développement Nord-Sud étaient antérieures au premier choc pétrolier de 1974. Ici, comme pour l’économie, l’enrichissement de l’Etat lié au pétrole a été inopérant, voire même pervers, puisque la politique d’aménagement du territoire n’a pas contribué à fixer les populations dans le milieu rural. Au contraire, la construction des routes a plutôt incité les populations à l’exode, aggravant ainsi les déséquilibres spatiaux initiaux.

Les effets pervers du pétrole sur l’économie et l’espace ont approfondi l’affaiblissement de la structure politique congolaise. C’est dans la sphère politique que la perversité du pétrole se manifeste le plus clairement.
L’importance croissante du Congo en tant que pays pétrolier a généré des relations compromettantes entre les entreprises pétrolières et les pouvoirs publics. L’imbrication des compagnies pétrolières sur la structure politique congolaise était devenue très forte et multiforme.

La possibilité de gouverner un Etat disposant d’une manne pétrolière quasi-infinie a aiguisé les appétits, déjà très élevés, de certains hommes politiques à conquérir le pouvoir ou à s’y éterniser, même en usant les méthodes les plus barbares. Les dernières guerres civiles qui ont marqué le Congo en sont la résultante. Ces guerres furent longues et très destructrices, car financées par la manne pétrolière. Le pétrole a finalement détruit les velléités démocratiques du Congo.

Finalement, le pétrole, au lieu d’enrichir le Congo, a plutôt contribué à son appauvrissement, sa destruction et à la perte de son indépendance politique pour laquelle nos ancêtres avaient sacrifié leurs vies.

Paru chez l’Harmattan, ISBN : 2-7475-7110-6, janvier 2005, 300 pages. Prix FNAC : 25,65 €.

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