Dans les archives du Blog datées du 21/08/2005 "Livres, sexe sous les cocotiers et départ pour les USA", j’écrivais déjà ce qui suit :
"Enfin, dans l’avion, il faut un magazine pour s’aérer l’esprit entre la lecture d’un livre soporifique et le passage d’une hôtesse au sourire affecté. J’ai pris le Nouvel Observateur du début de cette semaine (du 18 au 24 août). Il est question des ravages du tourisme sexuel. L’Afrique est là avec le Sénégal, la Gambie... On voit même deux Européennes sur une plage déserte de Gambie. Conquérantes et décidées, ces Européennes embrassent goûlument deux Nègres bien résolus à tirer profit de la situation.C’est sûr que ces femmes ont lu mon ami et maître en écriture Dany Laferrière et qu’elles savent désormais comment faire l’amour avec DEUX nègres sans se fatiguer...
J’apprends d’ailleurs que certaines de ces Européennes sont mariées, cadres dans leur pays. Et puis, quand viennent les vacances, les voilà à la recherche d’un endroit où s’offrir ce que leurs pauvres de maris ne parviennent plus à accomplir, même avec l’invention du siècle, le Viagra dont les pubs nous envahissent tous les jours dans nos boîtes électroniques ! Bon, à part ça, tout baigne, comme dirait mon professeur de natation que je vais retrouver avec bonheur..."
Eh bien, mon mentor Dany Laferrière - que j’appelle aussi "Don King", en photo en haut - remet à jour les propos ci-dessus. C’est un homme heureux ces jours-ci, même s’il a semblé ne pas partager mon avis lorsque je le lui ai dit hier. Dans l’émission "Campus" de Guillaume Durand sur France 2, on a vu sa "tronche", on a entendu sa gouaille, sa verve et on a ressenti son enthousiasme de meneur. Au journal de la même chaîne, ce fut le même scénario : "Don King" a fait sa messe, avec des gestes d’un vieux lion qui remet de l’ordre dans son territoire trop longtemps désacralisé par des petits jeunes sans expérience...
C’est dire que Dany Laferrière est au cœur de l’actualité au sujet du tourisme sexuel, sujet très cher à l’auteur Michel Houellebecq (lire notamment le roman Plateforme paru chez Flammarion) ; sauf qu’avec Laferrière, ce sont les femmes - et non les hommes - qui vont à la "chasse au sexe" dans le Sud.
Un film français sort donc dans les salles le mercredi 25 janvier. Ce long métrage est une adaptation d’un des courts textes de Laferrière contenus dans le roman La Chair du maître (paru en poche au Serpent à plumes il y a quelques années). « Vers le sud », tel est le titre du film que vous devrez tous aller voir dans quelques jours, avec en vedette principale - et en pleine forme -, l’actrice Charlotte Rampling ; mais aussi Karen Young et Louise Portal...
Le résumé officiel d’Allo Ciné nous montre ainsi qu’il y a une véritable proximité avec le texte original. Nous sommes en effet au tout début des années 80. La première République noire, Haïti, vit sous la coupe du dictateur Baby Doc.
Cela n’empêche pas que cette île soit la destination de rêve des nord-américains. Le tout se joue dans ce lieu au nom magique : L’hôtel de La Petite Anse, installé sur une plage de la banlieue de Port au Prince. On ne pouvait pas prévoir d’Eden tropical que cet hôtel. On voit graviter tout autour des jeunes garçons qui monnayent leur corps et leur tendresse parfois contre un "plat de lentilles" ou alors "une poignée" de dollars. Pourquoi ne lieraient-ils pas l’utile à l’agréable puisque la situation étant belle et facile pour eux comme pour ces jeunes du Sénégal évoqué plus haut ?
Comme dans ce qui semble en apparence tout beau, un grain de sable vient toujours mettre en péril le mécanisme...
C’est ainsi que deux "bonnes" clientes américaines d’une cinquantaine d’années, en mal de tendresse et de sexe, voient leur vie bouleversée par la véritable passion amoureuse qu’elles éprouvent l’une et l’autre pour Legba, dix-huit ans tout au plus et beau comme un dieu, qu’elles viennent retrouver là chaque année...
Le film “Vers le sud” décrit leur désir, leur rivalité, mais aussi leur difficulté à prendre en compte la réalité sociale extrêmement dure qui entoure ce petit coin de paradis dans lequel elles sont confinées. Jusqu’à la fin, Legba leur restera inaccessible. La force de leur désir n’y suffira pas, elles seront toujours des touristes.
Le réalisateur Laurent Cantet explique ainsi pourquoi il tourné ce film sur le tourisme sexuel :
« Tout à débuté de manière accidentelle par un voyage à Haïti en janvier 2002. J’y ai passé une semaine puis j’en suis reparti avec la certitude de revenir. Dans l’avion du retour j’ai lu le livre de Dany Laferrière, La Chair du maître. Parmi la vingtaine de nouvelles du livre se trouvait « Vers le Sud ». La forme m’a tout de suite fait accrocher. Vers le Sud est entièrement construit sur des récits autonomes des différents personnages. DES récits à la première personne, qui ressemblent plus à des confessions qu’à un récit dramatique. Le choix est paradoxal tant ce procédé est tout sauf cinématographique. Mais cela me laissait de la place pour construire un vrai scénario autour de cette trame. Le film pouvait naître de cette nouvelle sans en être la copie. »
Dany Laferrière en a profité pour publier un nouveau livre qui sort chez Grasset en février prochain et qui porte le même titre que le film de Laurent Cantet. Vers le Sud, version livre est donc un recueil d’histoires qui forment un roman - "Don King" affectionne cette technique qui le distingue nettement du bavardage inutile de certains romanciers qui pensent avoir du souffle. Dans son livre, les lecteurs reverront des personnages comme Fanfan, déjà présent dans Le Goût des jeunes filles. Sauf qu’ici, Dany a tenu à créer une unité thématique : les histoires convergent toutes vers le « Sud », Haïti, et les « nègres ». Peut-être saurons-nous enfin comment toutes ces femmes qui se ruent vers le sud font l’amour avec les nègres sans se fatiguer ?
En tout cas merci au mentor pour ce "nouveau" livre qui nous arrive comme un cadeau de nouvel an...
