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Nika l’Africaine

Que sait-on de l’Afrique précoloniale ? comment vivaient nos ancêtres avant le choc colonial ? La pensée sauvage de Lévi-Strauss, à l’inverse de la rationalité occidentale, traduit les effets positifs de la sorcellerie. Ceux-ci se mesurent à l’aune de cette proto-culture de nos ancêtres, vierge de toute influence étrangère. Par conséquent, le magico-religieux passe pour le pilier du mode de vie rural dont il est indispensable, en milieu urbain, de reconsidérer la vitalité à l’heure de la mondialisalition.

Au commencement l’Afrique noire était un seul arbre,
puis des branches ont été arrachées, pour être replantées ailleurs :

Nika l’Africaine, d’Aurore COSTA.

Quel était le visage de l’Afrique avant la déportation de ses enfants ? Comment les familles ont-elles vécu cette séparation forcée ? Comment les Blancs apparurent-ils aux Africains ? Qu’est-ce qui constitue ou constituait l’âme de l’Afrique ?
Voilà quelques unes des racines qui ont donné naissance à Nika l’Africaine, un bel arbre de 520 feuilles qu’on dévore avec gourmandise. Son auteur, Aurore COSTA, l’a planté aux sources de la colonisation et de l’esclavage. C’est l’Afrique d’avant le développement des villes au détriment des campagnes qu’elle nous fait revivre, l’Afrique rurale telle que l’ont connue nos grands-parents. Aurore COSTA s’est d’ailleurs inspiré des histoires que lui contaient ses deux grand-mères africaines pour écrire son roman.
C’est aussi la volonté d’offrir aux enfants nés en Europe, mais dont les parents viennent d’Afrique, la possibilité de connaître leurs origines, de faire le voyage, grâce à la magie du livre, vers « Afrika » ; mais pas seulement à eux : nombreux sont les fils d’Afrique qui ignorent ce qu’était leur « mère » il y a à peine quelques dizaines d’années. Aurore COSTA déplore, dans le texte qui suit la dédicace du livre :

Tel un rouleau compresseur, l’occidentalisation écrase nos coutumes et nous transforme peu à peu. A notre tour, nous perdons notre originalité, notre identité, nos valeurs, nos mœurs pour épouser celles des autres. Lentement mais sûrement l’Afrique se meurt.

Ainsi c’est une page d’histoire qu’elle propose, l’histoire de l’Afrique bien avant que l’on ne soupçonne l’ère de la mondialisation.

L’Afrique de nos aïeux

Joie de vivre, festivités, durs labeurs, bravoure, conflits, mystères, traditions… la vie sous le ciel d’Afrique est pleine de tous ces ingrédients qui la pimentent, l’adoucissent, la rendent attirante ou effrayante. L’homme y apparaît comme un maillon d’une chaîne humaine solidement bâtie, qui ne peut être brisée sans provoquer un déséquilibre néfaste aussi bien pour l’individu que pour la société. Le lien qui lie l’individu aux autres apparaît comme très fort ; il constitue bien sûr une sorte de bouclier contre les agressions extérieures, contre la solitude et tout ce qui ronge les sociétés individualistes actuelles, mais il prend aussi, à certains égards, la forme d’une prison où les libertés sont ligotées, la liberté de la femme surtout.

« Oh Femme d’Afrique ! » [1]

Aurore COSTA veut montrer tout ce que les femmes ont dû subir, elle montre leur courage, leur force intérieure qui font d’elles de vraies héroïnes. Nika, le personnage éponyme du roman, 13 ans, 10ème épouse du chef Katutu, mère d’une fillette, est une petite femme qui sait ce qu’elle veut. Mais la véritable héroïne du roman est sans doute Malama, première épouse du chef, gardienne du village par son statut de sorcière. Elle fait de Nika l’héritière de son savoir. Elle est en fait le point de départ et de convergence de tous les récits contenus dans le roman. Que dire de femmes comme Zomba, deuxième épouse ? Elle a aimé son Katutu d’un amour aussi profond que le mépris de ce dernier à son égard. Zomba n’a jamais été gratifiée de la moindre affection, ni même de la simple considération. Rejetée par ses parents, par son mari, par son entourage, privée de ses deux seuls enfants, c’est un cœur continuellement en souffrance qui malgré tout tiendra bon, jusqu’à ce que l’amitié se révèle à elle : elle prendra le visage de Nika et de Malama, ses coépouses.

La sorcellerie vue sous un autre angle

L’extrême superstition des Africains est souvent perçue comme un facteur de régression. Dans le roman d’Aurore COSTA, il ne s’agit pas de superstition mais de symbiose avec la nature, avec le monde invisible. La sorcellerie apparaît comme un troisième œil, un sixième sens, bref un plus qui permet à celui ou celle qui le possède de protéger son village.
Un sorcier, c’est d’abord un guérisseur avant d’être le lien ou le pont entre les défunts et les vivants. Ceux qui font un mauvais usage de cette science occulte sont punis. Tout au long du roman, Aurore COSTA laisse le lecteur peser les forces et les faiblesses de l’Afrique d’antan, et la sorcellerie apparaît comme l’une de ses forces.

L’auteur :

Aurore COSTA vit actuellement avec son mari et sa fille de dix-neuf ans dans les Alpes-Maritimes. Elle a passé plus de cinquante ans au Congo Brazzaville.

NIKA L’AFRICAINE
Aurore Costa
Editions l’Harmattan
Encres Noires
LITTÉRATURE ROMANS, NOUVELLES AFRIQUE NOIRE Congo

Nika est la dixième coépouse du chef Katutu. A moins de 14 ans, elle a déjà une fille de 15 mois, Kinia. Ce roman retrace la vie mouvementée de Nika, ses relations avec les coépouses, sa survie au milieu des guerres entre tribus, son apprentissage de sorcière sous la tutelle de Malama ; le tout dans une Afrique Equatoriale luxuriante d’avant la colonisation.

ISBN : 978-2-296-02338-3 • février 2007 • 522 pages

Prix éditeur : 35 € / 230 FF

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