email
L’opposition des sexes

Le combat des femmes

Il y a des sujets qui vous interpellent au point qu’ils deviennent pour vous le point de convergence de tous les autres sujets. Il y a des causes qui vous habitent au point de déterminer toutes vos actions, toute votre œuvre. Si Balzac a scruté l’humain, l’a montré dans toutes ses passions, qui donc, dans les lettres congolaises, se charge de rappeler sans cesse la condition dans laquelle se trouve la femme, d’Afrique et d’ailleurs ? Qui fait de tous ses écrits des armes de combat contre les inégalités, les injustices subies par la femme ? Ghislaine SATHOUD, bien sûr !

Une femme de combat

Ghislaine Sathoud a déjà publié plusieurs œuvres littéraires dans différents genres (poésie, roman, nouvelle, théâtre). Il ne lui restait qu’un genre à explorer : l’essai. C’est chose faite depuis 2006, année de publication des Femmes d’Afrique centrale au Québec. Voici à présent Le Combat des femmes au Congo-Brazzaville, publié chez L’Harmattan en décembre dernier. Disons d’emblée que le sous-titre « au Congo-Brazzaville » ne figure que pour indiquer au lecteur le point de départ de la réflexion menée par l’auteure, mais celle-ci concerne bel et bien la gent féminine de tous les horizons.

Ghislaine Sathoud se réjouit dans son livre du terrain déjà gagné par les femmes, car il s’agit bien de conquête de territoire, lequel n’était initialement dévolu qu’à l’homme, alors qu’ils pourraient tous les deux y vivre harmonieusement, avec une liberté de mouvement, des droits, des devoirs égaux. En ce qui concerne la Congolaise, elle s’est déjà affranchie des ‘‘interdits alimentaires’’. Il y a quelques décennies, une femme ne pouvait manger de la viande de tel gibier ou tel autre animal, exclusivement réservé aux hommes, sous peine d’en pâtir durement. Aujourd’hui les Congolaises ne craignent plus de quelconques représailles pour savourer tout ce qu’elles peuvent juger agréable pour leur palais. Elles choisissent elles-mêmes leur conjoint et, plus significatif encore, le taux de scolarisation des filles est égal à celui des petits garçons. Or, pense Ghislaine Sathoud, « l’éducation est un aspect important dans le combat des femmes » [1]. Autrement dit c’est l’un des facteurs qui déterminent le rétablissement de l’égalité entre l’homme et la femme, ou plutôt c’est l’une des conditions qui feront qu’un jour la femme puisse s’en sortir, malgré le poids des coutumes et des traditions, malgré des mœurs qui ont tendance à lui faire porter tout les torts, toutes les souffrances, toutes les responsabilités.
L’auteure donne bien, à propos, l’exemple de la maternité : un couple ne réussit-il pas à avoir des enfants ? C’est la faute à la femme ; c’est elle qui est honnie. Ne donnent-elle naissance qu’à des filles ? Elle est également honnie, malgré le discours de la science selon lequel c’est l’homme, en fonction de l’un ou l’autre de ses chromosomes, qui détermine le sexe de l’enfant.

Femmes et études

L’éducation, Ghislaine Sathoud y tient. Elle n’hésite pas à parler de sa propre expérience. Elle a eu la chance d’être élevée dans une famille où le père poussait ses filles à poursuivre leur scolarité, à ne pas être en reste par rapport aux garçons. « Les études d’abord, le mariage ensuite », s’entendaient-elles dire, elle et ses sœurs. Or nombre de ses parents voyaient cela d’un mauvais œil. Pour eux c’était « donner la grosse tête aux filles et les encourager à être de mauvaises épouses » [2]. Tout se passait comme si les études étaient incompatibles avec le mariage, comme s’il fallait choisir entre les deux. Cependant, celles qui, poussées par l’entourage, ont préféré faire une croix sur les études pour se consacrer au mariage, ont-elles été récompensées de ce sacrifice ?
« L’expérience a montré que souvent ceux qui les encouragent à quitter les bancs de l’école sont parfois les premiers à les renier et à relever qu’elles ne sont pas indépendantes. L’éducation est le moyen salutaire pour une fille afin de préparer son indépendance. » [3]
Encourager une fille à faire des études, c’est tout simplement lui apprendre à « compter d’abord sur elle-même », à « lutter dans une société ou le fait de naître fille est déjà en lui-même un problème »19

Ghislaine Sathoud aborde dans son livre bien d’autres aspects du combat des femmes. Elle n’oublie pas les femmes immigrantes africaines, qui ont parmi toutes les difficultés quotidiennes qu’on leur connaît, une autre à gérer, celle d’être « partagées entre les lois et les valeurs de la société d’accueil et les coutumes africaines », qu’il s’agisse de l’éducation des enfants, du couple, du mode de vie...
Bref, lisez et faites lire Le Combat des femmes, L’Harmattan 2007, collection « Points de vue », 94 pages, 11 €, ouvrage d’une écrivaine qui a fait de la condition de la femme son combat.

Liss KIHINDOU

Pour lire la biographie de Ghislaine N.H. Sathoud CLIQUEZ ICI

« Le Combat des femmes »
Par Ghislaine Nelly Huguette Satoud
L’Harmattan éditeur Collection Points de vue (Paris), 2008
ISBN : 978-2-296-04611-5
94 pages
11,00 €

Laissez un commentaire
Les commentaires sont ouverts à tous. Ils font l'objet d'une modération après publication. Ils seront publiés dans leur intégralité ou supprimés s'ils sont jugés non conformes à la charte.