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COMMUNIQUE POLITIQUE : Déclaration de la Ligue Panafricaine - UMOJA Congo Du désordre institutionnel à la Consanguinité de la caste dirigeante

Monsieur le Premier ministre, Chef du Gouvernement, Anatole Collinet MAKOSSO, l’article 103 de la Constitution de la République du Congo du 25 octobre 2015, dispose que :

«  A son entrée en fonction, le Premier ministre présente, devant l’Assemblée Nationale, le programme d’action du Gouvernement  ».

Après l’annonce de votre nomination le 12 mai 2021 par décret n° 2021-300, notre parti, la Ligue Panafricaine – UMOJA Congo (LPU-C), avait choisi de réserver sa réaction qu’après, non seulement la publication de l’équipe gouvernementale, mais surtout, et c’est le plus important, la présentation de votre programme d’action devant l’Assemblée Nationale.

Alors que l’opinion attendait votre discours devant les députés, un curieux décret présidentiel, n° 2021-304 du 25 mai 2021 est publié, nommant Monsieur Gilbert ONDONGO, représentant personnel du Président de la République, chargé du suivi et de l’évaluation des plans et programmes, avec rang et prérogatives du ministre d’État.

On aurait cru qu’il s’agissait d’une triste habitude du régime depuis plus de deux décennies consistant à recaser les sortants du gouvernement, par des décrets de nomination aux postes de conseillers du Président de la République, avec une précision qu’il convient de relever, à savoir : «  avec rang de Ministre  ».

Il est tout de même curieux que les décrets mettant fin à ces nominations de conseillers-ministres, quand ils existent, ne bénéficient pas de la même publicité de la part des services de communication de la présidence de la république. Est-ce innocent ou bien cela sous-entend que les conseillers du président avec rang de ministres, sont des ministres à vie ?

Du désordre institutionnel

Ainsi, conformément à l’article 103 de la Constitution, Monsieur le Premier ministre, vous avez présenté le 21 juin 2021 devant l’Assemblée Nationale, le programme d’action de votre gouvernement.

Ce programme d’action est bien l’émanation de votre initiative tel qu’est exposé à l’article 99 de la Constitution :

« Le Premier ministre, en concertation avec le président de la République, détermine la politique économique et sociale de la Nation ».

Vous avez présenté un mode d’emploi dans le but de réaliser le projet de société « Ensemble poursuivons la marche », du Président de la République, en 12 batailles, sans doute, en référence aux 12 travaux de la mythologie gréco-romaine.

Alors que la Ligue Panafricaine – UMOJA Congo préparait sa déclaration relative aux 12 travaux d’Hercule, telle une apoplexie, quelle ne fût sa surprise en découvrant un autre décret présidentiel n° 2021-347 du 6 juillet 2021, portant création d’une Task-Force. Cet anglicisme ne doit pas rebuter nos compatriotes, car la Task-Force n’est autre qu’une entité, un groupe dont le but est de mener une mission particulière. Par exemple, quand le Premier ministre réunit plusieurs ministres dans le but de les faire travailler sur un thème ou une problématique, une sorte de comité interministériel.

Le plus important, en effet, n’est pas la création d’une Task-Force en soi, mais sa mission et sa portée. Que dit le décret présidentiel n° 2021-347 à ce sujet ?

  Article 1, dispose que : «  Il est créé, sous l’autorité du Président de la République, une Task-Force chargée d’élaborer les projets de politiques économiques et sociales soumis à la concertation entre le Président de la République, Chef de l’Etat et le Premier ministre, chef du Gouvernement.  »

Il se trouve que l’article 99 de la Constitution, cité ci-dessus, attribut au Premier ministre les mêmes prérogatives, toujours en concertation avec le Président de la République.

  Un extrait de l’Article 2 du décret instituant la Task-Force, dispose que : « La Task-Force est chargée, notamment, de : - élaborer le plan national de développement (PND) pour la période 2022-2026 résultant du projet de société du Président de la République (…) »

Et pourtant, le 21 juin 2021, conformément à l’article 103 de la Constitution, vous vous êtes employé, Monsieur le Premier ministre à présenter votre programme d’action résultant du projet de société du Président de la République, devant l’Assemblée Nationale.

Pourquoi le Président de la République a créé la Task-Force avec les mêmes prérogatives que le gouvernement, deux semaines après que le Premier ministre ait présenté ces 12 «  Travaux  » devant les députés ?

L’article 100 de la Constitution dispose que :

« Le Premier ministre est responsable de la conduite de la politique économique et sociale de la Nation devant l’Assemblée Nationale »

Monsieur le Premier ministre, la séparation des pouvoirs est conditionnée, par leur équilibre, entre eux. Représentant l’Exécutif (Présidence et Gouvernement), vous ne pouvez pas déterminer et conduire la politique économique et sociale de la Nation sans rendre compte à la représentation nationale qu’est le Parlement. Par conséquent, un pouvoir ou une institution dans le cadre la séparation et de leur équilibre, ne peut pas être juge et partie de sa propre politique.

Or, l’effronterie institutionnelle que l’on relève, vient aussi du fait que :

  Un extrait de l’Article 4 du décret instituant la Task-Force, dispose que : « Président : représentant personnel du Président de la République, chargé du suivi et de l’évaluation des plans et programmes »

Ce représentant personnel chargé du suivi et de l’évaluation des plans et programmes n’est autre que l’ancien Ministre d’État dans le précédent gouvernement, en charge de l’Économie, de l’Industrie et du Portefeuille public, Monsieur Gilbert ONDONGO, nommé à cette fonction le 25 mai 2021.

Ministre de la République depuis au moins 19 ans, Monsieur Gilbert ONDONGO, aujourd’hui est à la tête de la Task-Force, avec les mêmes prérogatives reconnues constitutionnellement au seul Premier ministre, à savoir : élaborer le plan national de développement (PND) pour la période 2022-2026 résultant du projet de société du Président de la République.

Créée sous la seule autorité du Président de la République, la Task-Force ne rend compte qu’à son initiateur, c’est-à-dire à l’Exécutif alors que le Premier ministre est responsable devant l’Assemblée Nationale. Où est le respect de la séparation et de l’équilibre des pouvoirs ?

L’effronterie institutionnelle est poussée à un point tel que la Task-Force est composée d’au moins 10 ministres essentiels du gouvernement (Économie, Plan, Aménagement du Territoire, Agriculture, Finances et Budget, etc.). C’est ce qu’on appelle un Comité interministériel, un des instruments traditionnels à la disposition du Premier ministre pour conduire harmonieusement la politique économique et sociale de la Nation.

Monsieur le Premier ministre, au vu de la gémellité des pouvoirs et des prérogatives du Gouvernement et de la Task-Force, la Ligue Panafricaine – UMOJA Congo s’interroge réellement si notre pays détient deux gouvernements ?

Aussi, au-delà de la question sur la hiérarchie des normes qui doit intéresser les juristes et nos instances en charge de la constitutionnalité des textes de la République, entre les dispositions constitutionnelles (pour votre Gouvernement) et réglementaires (décret présidentiel de création de la Task-Force), pouvez-vous nous répondre sincèrement qui est le véritablement Premier ministre du Congo à l’heure actuelle ?

Quelle est la légitimité des politiques injustes et d’austérité imposées par des Institutions Financières Internationales qui frappent toujours les mêmes au nom de la réduction des dépenses, face à cette duplication des postes réservés à une petite Caste, pourtant responsable du chaos actuel ?

De la Consanguinité de la Caste dirigeante

Monsieur le Premier ministre,

Dans notre pays, du désordre institutionnel qui est devenu un sport national, il n’y a qu’un pas vers la consanguinité de la caste dirigeante. En réalité, les deux entretiennent une relation dialectique.

Avant la mise en place de la Task-Force, son président, Monsieur Gilbert ONDONGO, a été nommé préalablement par un décret présidentiel, rappelé ci-dessus, au titre de représentant personnel du Président de la République, chargé du suivi et de l’évaluation des plans et programmes, bien entendu, avec rang et prérogatives du ministre d’État.

Or, Monsieur G. ONDONGO venait de sortir du gouvernement après y avoir passé 19 ans. Et son dernier poste est celui de l’Économie, de l’Industrie et du Portefeuille public. On se serait attendu à ce que son successeur à ce poste fasse un diagnostic comme le recommandent les règles élémentaires de gestion.

Comment s’assurer que le diagnostic des fonctions ministérielles antérieures du représentant personnel du Président de la République sera effectué et rendu public alors qu’il est flanqué désormais du pouvoir présidentiel du suivi et de l’évaluation des plans et programmes de l’ensemble du gouvernement, y compris, du Premier ministre ?

L’actuelle Ministre de l’Économie, Madame Ingrid EBOUKA-BABACKAS, qui est en même temps sous l’autorité de Monsieur G. ONDONGO au sein de la Task-Force, peut-elle sans crainte et impartialité réaliser l’audit de l’action de son prédécesseur ?

Monsieur le Premier ministre, vous avez été pendant 10 ans, collègue de gouvernement du président de la Task-Force. Madame Ingrid EBOUKA-BABACKAS, a été aussi collègue de gouvernement, à vous deux, pendant 5 ans. Cette situation est quasi générale au sein de votre gouvernement. Quelle est la crédibilité des missions du suivi et d’évaluation, et même d’autorité, qui existe réellement au sein de l’Exécutif, au-delà même du gouvernement ?

La Consanguinité de la caste dirigeante produit du chantage mutuel, vous contraint à l’entente, en raison sans doute des compromissions communes. Ce Management de la neutralisation et de l’irresponsabilité se pratique au-delà du gouvernement. Et nos entreprises publiques ne sont pas en reste.

Pour vous en convaincre, Monsieur le Premier ministre, prenons le cas des deux entreprises d’État que sont : l’Agence de Régulation des Postes et des Communications Électroniques (ARPCE) et de Congo Telecom.

Créées toutes les deux en 2009 par décrets, leurs deux premiers Directeurs Généraux, à savoir : Monsieur Yves CASTANOU (pour ARPCE) et Monsieur AKOUALA (pour Congo Telecom) ont été indéboulonnables durant 11 ans (2009-2020).

En 2020, enfin, croyant que le secteur allait connaitre un renouvellement des dirigeants, Monsieur Y. CASTANOU a été relevé pour remplacer Monsieur AKOUALA à la tête de Congo Telecom (décret n° 2020-107 du 9 avril 2020). Quant à Monsieur AKOUALA, il a été nommé Président du Conseil de Régulation de l’ARPCE (décret n° 2020-136 du 20 mai 2020).

Nous attendons toujours la publication des diagnostic et audit de 11 ans de gestion de l’un et l’autre.

Le Gouvernement et le cas des anciens-nouveaux dirigeants de l’ARPCE et de Congo Telecom sont juste une image de ce qui se pratique quasiment à tous les échelons de l’Administration publique. Un entre-soi qui produit une consanguinité malsaine de la caste dirigeante. Ce Management de la neutralisation conduit à l’irresponsabilité des dirigeants des biens et des entreprises publics.

Au regard de ce qui précède, Monsieur le Premier ministre, la Ligue Panafricaine – UMOJA Congo s’est abstenue de répondre au fond de vos 12 batailles, en attendant les clarifications nécessaires. Qu’est-ce qui fait office du programme d’action du gouvernement ? Vos 12 batailles ou est-ce le plan national de développement (PND) pour la période 2022-2026 résultant du projet de société du Président de la République qui sera élaboré par la Task-Force ?

Quelques observations relatives à vos déclarations
préalables aux 12 batailles

Comme cela a été rappelé plus haut, autant la Ligue Panafricaine – UMOJA Congo s’est abstenue d’analyser le fond des 12 batailles, autant, Monsieur le Premier ministre, vos déclarations préalables aux 12 batailles, méritent que l’on s’y arrête un moment.

Première observation, vous commencez votre discours en déclarant ceci :

« En réélisant Denis SASSOU NGUESSO, Président de la République, avec 88,40 % des voix, les Congolaises et les Congolais ont voulu témoigner leur reconnaissance à l’égard de ce Grand Homme d’État, qui a su établir la paix, la concorde et la stabilité au cœur de l’Afrique  ».

En associant ce chiffre officiel de « 88,40% » de réélection du candidat Denis SASSOU NGUESSO avec la reconnaissance du peuple congolais à son endroit, vous avez décidé d’ignorer qu’un grand nombre d’opposants et de candidats déclarés ont renoncé à participer à cette élection à cause de l’absence criarde de transparence et de fiabilité et que les groupements et partis politiques suivants : la Fédération de l’Opposition Congolaise, le Parti du Peuple, le parti Unis Pour le Congo, la Ligue Panafricaine-UMOJA Congo et la Plateforme des Organisations de la Société Civile qui avaient lancé un Appel au boycott de l’élection présidentielle ont été interdits de tenir leur meeting du 6 mars 2021 en pleine élection présidentielle. Du jamais vu !

Pire, en pleine campagne électorale, un des membres de la Plateforme des Organisations de la Société Civile, Monsieur Alexandre IBACKA DZABANA, âgé de 77 ans, a été enlevé, rejoignant d’autres prisonniers politiques comme Jean Marie Michel MOKOKO et André OKOMBI SALISSA, arrêtés respectivement en 2016 et en 2017.

Monsieur le Premier ministre, les résultats du candidat Denis SASSOU NGUESSO sont les suivants, depuis le retour du multipartisme : en 1992 (16,87%), en 2002 (89,41%), en 2009 (78,61%), en 2016 (60,39%) et en 2021 (88,40%). Ce qui saute aux yeux, c’est que le candidat Denis SASSOU NGUESSO réalise au moins 60% des voix à toutes les élections où il a été le seul organisateur. Pouvez-vous nous aider à trouver l’erreur ?

Enfin, vous pouvez ignorer l’opposition politique en estimant que la majorité d’entre elle est opportuniste, aigrie et composée des anciens compagnons du candidat Denis SASSOU NGUESSO. Dont acte ! Tout de même comment expliquez qu’au moment où, les Congolais, avec « enthousiasme  » et «  reconnaissance  », attribuent « 88,40%  » des voix au « Grand Homme  », en même temps, il y a des grèves au CHU (le plus grand hôpital du pays), les retraités manifestent à cause des retards considérables de pensions non payées, les étudiants qui accumulent des retards de versement des bourses ont du prendre à partie les ministres de l’enseignement supérieur et de l’économie numérique venus inaugurer des salles multimédias à la Faculté des Sciences et des Technologies, le 1er avril 2021 ? A noter que l’énumération des revendications, contestations et mouvements d’humeur n’est pas exhaustive.

Qui est responsable de ces pensions et bourses non payées, des dégradations des conditions d’exercice des métiers de la santé au CHU ou du travail des étudiants ?

Peut-on dire que la majorité du peuple congolais ressemble à cette association des diplômés sans emplois, qui appelaient à voter pour le candidat Denis SASSOU NGUESSO ? Comment, nomme t-on ce phénomène ?

Deuxième observation, Monsieur le Premier ministre, vous déclarez à l’endroit des députés de la République :

« C’est ici aussi l’occasion de vous adresser, à vous, honorables députés, et à toutes vos équipes, mes vives félicitations pour avoir conduit la campagne du Président de la République dans vos circonscriptions respectives, et être parvenus à des résultats si élogieux. »

Vos remerciements indistincts à l’endroit des députés sont, pour le moins, problématiques.

N’ayant pas vu la réaction des députés qui sont supposés être de l’opposition officielle, doit-on conclure que tous les députés, majorité et opposition, y compris, les équipes techniques mises à leur disposition et payées grâce aux deniers publics ont battu campagne pour le candidat Denis SASSOU NGUESSO ? Est-ce l’aveu que nos députés sont tous nommés ?

Troisième observation, en vous adressant au président de l’Assemblée Nationale, vous déclarez, Monsieur le Premier ministre :

« Oui ! Honorable Président ! Lorsque, il y a plus d’une trentaine d’années, vous découvriez un jeune lycéen, dans un établissement scolaire de Pointe-Noire et que vous signiez sa fiche d’adhésion à l’Union de la jeunesse socialiste congolaise ; lorsque vous aviez commencé à l’encadrer, ni vous ni moi, ne pouvions imaginer que trente-sept ans plus tard, ce jeune lycéen de l’époque se retrouverait en train de présenter le programme d’action du Gouvernement dont il est le chef, devant vous, Président de l’Assemblée nationale. »

Le Parti Congolais du Travail, dont vous êtes membre depuis 1984, a été rendu responsable de la banqueroute nationale en 1991 par la Conférence nationale souveraine. Portez-vous également ce passif, dans vos 37 ans d’appartenance au PCT, fièrement revendiquée telle une oriflamme à la tribune de l’Assemblée Nationale ?

Monsieur le Premier ministre,

Pour la Ligue Panafricaine – UMOJA Congo, les 12 Travaux d’Hercule ne seront pas suffisants pour relever les Défis que le PCT laissera au Peuple congolais. Il faudra surtout opérer un retour à nos cosmogonies les plus anciennes, précisément à Ptah, ce Dieu de la construction, d’édification des sanctuaires, des villes, des chantiers navals, etc.

Enfin, vous concluez votre discours par cette phrase :

«  Seulement, au point où nous sommes parvenus, marchons d’un même pas, pour qu’ensemble, unis et solidaires, nous poursuivions la marche vers le développement de notre pays. »

Monsieur le Premier ministre, il n’y a pas d’unité et de solidarité au sein du Peuple que vous prétendez conduire vers le développement. Il y a d’une part, une Caste consanguine qui contrôle tout (gouvernement, armée, administration, sociétés d’État et privées, circuits économiques formels et informels, etc.), aidée par un désordre institutionnel savamment planifié, réalise, concrétise, se produit et se reproduit en vue d’assurer sa domination perpétuelle ; d’autre part, l’écrasante majorité qui n’a rien, dominée, humiliée, détruite par la faim, par l’absence des systèmes de santé et d’éducation dignes, en bref aliénée.

Par conséquent, le rôle de toute organisation ou institution patriotique est de détruire la légitimité de la Caste régnante afin de réaliser une Société juste et égalitaire !
Panafricainement,

Pour le Bureau Politique de la Ligue Panafricaine – UMOJA Congo (LPU-C)
Brazzaville, le 7 août 2021

Henda Diogène SENNY
Président de la LPU-C

Contact mail : [email protected]

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